Visiblement pas très surprise par l'annonce faite hier par Djamel Ould Abbès concernant la candidature de Bouteflika à sa propre succession, la presse internationale n'a pas raté l'occasion de critiquer cette situation inédite d'un président sénile, impotent et absent qui se représente pour un cinquième mandat de suite. Les titres que l'on retrouve ce lundi matin en disent long sur le peu d'estime qu'elle a pour l'homme.
Marianne, le magazine français, a choisi un titre ironique qui fait allusion à l'état de santé du président algérien. "Au fait, Bouteflika, est-il au courant qu'il se représente?", se demande le magazine qui sait pertinemment que les Algériens n'auront jamais de réponse à pareille interrogation. Car, le dernier discours de Bouteflika remonte à 2012, quelques mois avant l'AVC qui le cloue depuis sur un fauteuil.
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C'est aussi sur le même ton de l'ironie, un "Bouteflika forever", que l'information est traitée dans Le Point Afrique, site en ligne du quotidien éponyme. "Selon les références culturelles, Bouteflika est soit un «Highlander», un immortel façon Christophe Lambert ou Sean Connery, soit «Hibernatus», un homme mis au congélateur façon Louis de Funès", écrit dans sa chronique Benoît Delmas. "Le moment choisi ne doit rien au hasard. Il est le fruit d'un magnifique méli-mélo politique dans les sommets de l'Assemblée. Au lendemain de cette annonce, les journaux l'évoquent en appel de Une, guère plus. Un non-événement", poursuit-il.
Radio France Internationale a préféré une lecture de la presse algérienne, qui n'a pas jugé bon de consacrer sa Une à cette information, mais qui s'est montrée d'une extrême virulence. Frédéric Couteau, rapporte le commentaire sans appel qu'en fait le quotidien El Watan. Il y a une "crise grave, celle d’un 5e mandat, toujours d’actualité, en faveur d’un Président cloué sur son fauteuil, roulant depuis des années, sans voix, coupé de son peuple et aux prérogatives largement confisquées par son entourage immédiat, ce que dénoncent ouvertement de plus en plus de personnalités de la politique et de la société civile". Et de poursuivre: «la population a fini par sombrer dans le désarroi le plus total.
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Elle redoute les conséquences d’un scénario du pire, des luttes ouvertes opposant différents belligérants, difficilement identifiables aujourd’hui, mais qui se préparent sûrement dans l’ombre, d’autant que sont venus se greffer d’énormes intérêts économiques et financiers". Il s'agit d'intérêts "bâtis sur la rente pétrolière et l’informel" et qui "ont tissé des connexions multiples et complexes avec les différents clans du pouvoir. Ils ont compris que pour conserver leurs territoires et leurs privilèges, il fallait partir à l’assaut du pouvoir politique et se l’approprier, et dans le pire des cas le neutraliser. A force d’être mis au service du pouvoir politique, l’Etat algérien a fini par perdre sa crédibilité".
Au Faso, le quotidien Aujourd'hui au Burkina, estime que Bouteflika est un homme dont il faut se méfier. En effet, le président algérien est toujours en place, alors ce ne sont pas les coups bas et autres agressions contre son régime qui manquent. "Si “Boutef” a résisté aux printemps qui ont décoiffé des raïs, tels Ben Ali ou Moubarak, c’est qu’il possède toujours le pouvoir et s’il a déserté le palais d’El Mouradia, depuis son fauteuil roulant de la station balnéaire de Zeralda, il est toujours le maître et entend le rester", estime le quotidien ouagalais.
Dans la Nouvelle Tribune, hebdomadaire marocain, on titre "Abdelaziz Bouteflika: jumeau de Paul Biya en Algérie", Une comparaison qui se passe de commentaire est faite entre Paul Biya, qui vient de passer 35 ans au pouvoir et a rempilé pour un autre mandat de 7ans, et Bouteflika qui a cumulé 19 ans à la tête de l'Algérie, mais qui détient le record de longévité à la tête du pays.
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Quant à l'hebdomadaire Jeune Afrique, il s'étonne de l'absence d'opposition face à cette ubuesque candidature annoncée. En effet, "les opposants à un nouveau mandat d’Abdelaziz Bouteflika restent dans l’immédiat peu audibles et semblent se résigner à ce qui leur apparaît inéluctable".
Cette candidature a eu un écho jusque dans les élections municipales lyonnaises où, avec beaucoup d'humour, Nathalie Perrin Gilbert a osé une comparaison entre Bouteflika et Gérard Collomb, l'ex-ministre français de l'intérieur qui démissionné pour être candidat au poste d'édile dans la plus grande ville de France. Dans un post sur Facebook, elle a publié une photo d'Abdelaziz Bouteflika avec un commentaire simple: "Toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé à Lyon serait purement fortuite".