L'ancien diplomate, invité par une radio privée tunisienne pour commenter l'actualité de la région nord-africaine en particulier, avec la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, n'y est pas allé par quatre chemins. Selon lui, l'échec du grand Maghreb est imputable au seul Etat qui a déclaré la guerre à ses voisins: l'Algérie.
"Les Algériens ne sont pas les seules victimes de leur régime militaire, toute la région du Maghreb l’est", a-t-il expliqué, ajoutant qu'après son indépendance, l'unique agression subie par son pays, la Tunisie, est venue d'Algérie. Il s'agit notamment de l'attaque de Gafsa le 27 janvier 1980 qui s'est accompagnée d'un véritable carnage: 41 morts et 111 blessés.
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Certes graves accusations sont étayées par des preuves historiques qui établissent formellement la complicité de l'Algérie dans ce qui fut la plus grave tentative de déstabilisation de la Tunisie, dans son histoire postcoloniale.
Il faut plonger dans les mémoires de celui qui fut en 1980 au moment de l'attaque, ministre de l'Intérieur de la Tunisie, en l'occurrence Othman Kechrid. Dans un ouvrage intitulé "Du protectorat à la chute de Ben Ali" et publié en 2013, alors qu'il avait 94 ans, l'ex-premier flic tunisien est formel sur la responsabilité directe de l'Algérie, propos qu'il a pris le soin d'étayer avec le témoignage de Mouammar Kadhafi, l'ex-guide libyen.
Révélations de l'ex-premier flic tunisien
"Au cours de leur passage par l’Algérie, les membres du commando avaient été pris en charge par certains cadres de la sécurité militaire algérienne", écrit-il, après avoir certes rappelé que "l’implication libyenne dans l’organisation, le financement et l’exécution de l’attaque de Gafsa était évidente".
Kechrid est formel: "la conception de l’opération est imputable à l’ancien président Boumediène qui avait décidé, quelques mois avant sa mort, d’opter pour la programmation d’une action déstabilisatrice en Tunisie".
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C'est là qu'il cite les révélations de l'ancien guide libyen, Mouammar Kadhafi, faite au magazine Jeune Afrique le 12 mai 1982, c'est-à-dire deux ans après les faits. "Selon Kadhafi, Boumediène l’avait entretenu du projet, en janvier 1978, à son retour de Tunis après avoir eu un entretien houleux avec Hédi Nouira (Premier ministre tunisien en 1980, ndlr) et Abdallah Farhat (ministre tunisien de la Défense en 1980) qui avaient refusé de donner suite à sa demande de condamner l’intervention de l’aviation militaire au Sahara et d’annuler la visite à Tunis du général Guy Méry, chef d’état-major des armées françaises, programmée pour le 17 janvier 1978", écrit-il dans ses mémoires.
Kadhafi accuse formellement Boumediène
Il cite à nouveau Kadhafi qui disait sentir "au téléphone" que: "Boumediène était mû par une rage froide. Sa voix tremblait. Il était question de leçon à donner, de montrer que l’on ne résistait pas impunément à sa volonté. Il m’a dit: Je t’envoie trois collaborateurs de confiance. Mets en face d’eux des gens de même niveau pour monter une opération. Il faut faire trembler la Tunisie et tomber Nouira. Je m’occuperai de la partie politique".
Selon Kechrid, "Les trois émissaires algériens étaient Kasdi Merbah, chef de la sécurité algérienne,Taleb Ibrahimi et Slimane Hoffmann" et Kadhafi avait conclu sa déclaration par des regrets: "J’ai eu tort d’accepter de fournir l’intendance de l’opération".
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L'ancien ministre tunisien de l'Intérieur a rappelé, toujours dans ce témoignage historique, que "dès l’annonce faite par les autorités tunisiennes du passage de 28 des assaillants par le territoire algérien", le régime algérien a essayé de démentir son implication par un communiqué officiel, affirmant que "les services de la police des frontières n’ont enregistré aucun mouvement suspect".
Et c'est là que "Le président tunisien dépêche Foued Mebazaa auprès du nouveau président algérien Benjedid, pour lui présenter les preuves irréfutables de l’implication de certaines parties algériennes dans l’attaque de Gafsa", poursuit-il.
En plus de ce témoignage plus que probant de l'ancien commis de l'Etat tunisien, lors du procès des assaillants, les langues se sont déliées, comme le rapportait le journal Le Monde le 17 mai 1980. "Les deux principaux inculpés, dans l'affaire de l'attaque contre Gafsa, dont la Cour de sûreté de l'État a pris l'examen, vendredi 14 mars, ont mis en cause l'Algérie dans la préparation de l'opération", pouvait-on lire dans le quotidien français.
Les assaillants expliquent le rôle de l'Algérie
Durant ce procès, Azzedine Chérif et Ahmed Mergheni, les deux accusés en question, avaient insisté pour "évoquer leurs contacts avec des officiers algériens, auprès desquels ils auraient trouvé une "aide morale et matérielle", écrivait toujours le journal.
Néanmoins, à l'époque, vu que Boumédiène qui était le fomenteur de cette attaque avait déjà passé l'arme à gauche, le régime tunisien voulait absolument faire la paix avec le régime de son remplaçant Chadli Benjedid. Du coup, il fallait tout faire pour passer sous silence le rôle si flagrant de l'Algérie pour tout mettre sur le dos la Libye. C'est pourquoi le juge avait demandé, lors de ce procès, un huis clos pour la partie des débats impliquant clairement l'Algérie.
"Ainsi les complicités algériennes, dans la préparation de l'opération, que les autorités tunisiennes se sont efforcées de minimiser à l'extrême, sinon de taire, demeureront dans l'ombre, et les relations tuniso-algériennes pourront -du moins officiellement- garder la "limpidité" que, de part et d'autre, on se plaît à proclamer", ajoutait Le Monde.
Néanmoins, rapportait toujours la même source, Azzedine Cherif, présenté dans le rapport de clôture d'instruction comme le "cerveau de l'agression", a déclaré: " Mes contacts étaient plus nombreux en Algérie qu'en Libye. Alors que je travaillais pour le Polisario, des Algériens m'ont trompé sur la situation en Tunisie. Les pressions que j'ai subies ont fait que j'ai obéi comme un esclave aux deux officiers algériens (dont un colonel Chekib) avec lesquels j'étais en rapport, et que j'ai appliqué le plan établi par les Algériens et les Libyens."
C'est dire que malgré les dénégations du régime algérien, les propos tenus ce lundi 14 décembre 2020 par l'ancien chef de la diplomatie tunisienne, Ahmed Ounaïs, sont donc étayés par plusieurs témoignages.
Force est également de constater que l'Algérie est une habituée des faits. Pas seulement contre la Tunisie qu'elle a voulu déstabiliser, pas seulement contre le Maroc qu'elle veut amputer de son Sahara, mais aussi avec ses voisins du Sud, notamment le Mali, la Mauritanie ou le Niger. Avec Alger, les régimes mauritaniens savent qu'il vaut mieux rester prudent si l'on ne veut pas être exposé à un coup d'Etat. Alors que le Mali, le Niger voire le Burkina Faso, sont victimes des terroristes qui sont liés aux services secrets algériens par un pacte: Alger leur offre un terrain de repli, en contrepartie duquel ils s'engagent à ne pas l'agresser et accessoirement faire le job qui sert les intérêts du régime militaire d’Alger- véritable plaie au Maghreb.