On a vu récemment, l’Algérie singer son voisin marocain en matière de diplomatie économique. Voilà que le président Abdelaziz Bouteflika torpille ce dont son pays était le plus fier, à savoir le fameux "modèle économique algérien" basé sur le socialisme qui a mêlé le tout-Etat au dirigisme absolu. Bouteflika reconnaît l’échec des politiques suivies jusque-là par le pays et qui ont mené l’Algérie au bord d'une crise socio-économique sans précédent.
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Diplomatie économique: l'Algérie singe son voisin marocain
Oublié le Livre rouge de Mao Tse Dong ou Le Capital de Karl Marx. Pour montrer qu'il y a une rupture avec le passé d'une Algérie socialiste qui désormais préfère s'inspirer d'économies similaires à celles du Maroc ou de la Tunisie, il opte pour un vocabulaire tout droit sorti des livres de management. "La construction d'une économie de marché émergente est un domaine politique clé que j'ai poussé et que les Algériens ont soutenu", dit-il d'emblée.
Quant au terme de "business", il est servi à toutes les sauces", pour donner l’image d’un président à la tête d’une économie, d’une vraie, pas celle qui se voudrait une pâle copie de la défunte Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). Alors, Bouteflika parle pêle-mêle de "l’environnement des affaires", de "climat des affaires", de "sens des affaires", de "développement des affaires" et de "milieu d’affaires". Est-ce pour faire in ? Ou pour lancer un message aux investisseurs internationaux ? On est tenté de répondre par l’affirmative aux deux questions.
Sauf que Bouteflika n'est pas seulement narcissique, il est aussi quelque peu schizophrène, ne voulant pas reconnaître totalement l'échec du socialisme et admettant à demi-mot la réussite du capitalisme. "Si les deux dernières décennies du 20e siècle ont vu l'effondrement de la théorie selon laquelle le socialisme constitue la seule voie vers le bonheur humain, les années 2000 ont mis à nu les contradictions du capitalisme et les dangers de marchés financiers déréglementés laissés sans contrôle", explique-t-il. Cela prête forcément à sourire quand on sait que l'Algérie veut se donner l'image d'une économie "normale", alors que les séquelles du socialisme sont partout présentes.
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Algérie: Sellal échoue encore à réduire les importations de 15%
Car entre ce que décrit Bouteflika et la réalité, il y a un écart relativement important. En effet, comment peut-on parler d’économie de marché quand à la Bourse d’Alger six entreprises seulement sont cotées ? Comment ose-t-on évoquer l’économie libérale si, encore aujourd’hui, les étrangers ne peuvent pas détenir plus de 49% du capital de leurs filiales ? Cela s’appelle plutôt le dirigisme, diront les économistes. Et l’on pourrait encore citer plusieurs dizaines de réformes que l’Algérie doit entamer pour se hisser au niveau de certaines économies du Maghreb, notamment celles vraiment libérales du Maroc et de la Tunisie. Parmi ces réformes, il y a la suppression des nombreuses subventions qui font que les entreprises algériennes ne peuvent être compétitives.
Car, soit on les aide, soit elles s’écroulent. Du coup, l’Algérie n’exporte que 4% de biens autres que le pétrole, à la tête desquels les fameuses dattes Deglet nour. Quand, il faut pousser les entreprises à investir, l'Algérie sort une loi qui les y contraint comme c'est le cas pour le secteur automobile, dont les importations sont désormais soumises à un sévère régime. Cela marche. Mais avec beaucoup de limites. Car, la véritable économie de marché dont se vante Bouteflika voudrait plutôt que l'on forme les ressources humaines, que l'on ait un cadre juridique sain, une fiscalité attrayante, des procédures de créations d'entreprises simples ou encore un cadre foncier attrayant. Mais en ce qui concerne tous ces critères, l'Algérie continue d'occuper les dernières places du continent, ne devançant que des pays comme le Sud Soudan et la Somalie. C'est déjà ça, mais il y a vraiment du chemin à faire.
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