Algérie: cafouillage autour de la stratégie de développement de l'industrie automobile

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Le 01/01/2018 à 15h54, mis à jour le 01/01/2018 à 15h57

Les dirigeants algériens ont du mal à ficeler un plan pour développer l'industrie automobile. Les derniers couacs du Premier ministre relatifs aux acteurs industriels autorisés montrent l’amateurisme dans le pilotage de ce secteur. Du coup, il sera difficile d'atteindre 260 000 véhicules en 2018.

L’Algérie a des ambitions dans le développement de l’industrie automobile. D’ailleurs, les autorités se sont fixées un objectif de production de 260 000 véhicules au titre de l’année 2018.

Seulement, les autorités, engagées dans un processus de développement du «Made in Algérie» depuis 2012 dans le cadre d’un partenariat avec Renault, qui s’est matérialisé en 2014 par l’ouverture d’une unité de montage automobile en Algérie, n’ont pas de stratégie claire. On note un amateurisme dans le pilotage de cette stratégie. Et à chaque changement de gouvernement ou de ministre, c’est le retour à la case de départ.

Le développement d’une filière automobile figure parmi les priorités du gouvernement algérien, engagé à réduire la facture des importations. En 2012, le pays a importé environ 605 000 véhicules, soit le second marché d’importation de véhicules en Afrique, pour une facture avoisinant les 7,3 milliards de dollars. Pour pousser les constructeurs à s’implanter, le gouvernement Abdelmalek Sellal avait mis en place des quotas d’importations de véhicules. Grâce à leur interdiction, la facture était passée à 1 milliard de dollars, avec seulement 98.000 véhicules importés en 2016.

Toutefois, ces chiffres sont trompeurs. La politique des quotas a rapidement montré ses limites avec des «importations de véhicules déguisées» via la techniques du SKD (semi knocked down) qui revient à importer un véhicule en kit pré-monté, sans aucune valeur ajoutée locale. En clair, les véhicules arrivent semi ou complètement fini et on ne fait que les monter. Dans certains cas d’ailleurs, on ne monte que les roues en Algérie. Du coup, le taux d’intégration tourne, dans le meilleur des cas, autour de 10 à 15%.

Du coup, le véhicule «Made in Algérie», non seulement n’avait rien d’algérien, mais revenait même plus cher que les voitures importées. Aucun impact n’a été enregistré au niveau des réserves de change suite aux quotas d’importations.

Le gouvernement de l’éphémère Tebboune a voulu modifier le tir. Toutefois, le temps n'a pas suffi pour dépasser les critiques.

Puis ce fut au tour d’Ahmed Ouyahia de reprendre en main le dossier. Après un check-up du secteur, le Premier ministre a décidé de limiter le nombre des acteurs industriels autorisés à monter des véhicules en Algérie à 10. Parmi eux, 5 opérateurs pour les véhicules particuliers: Renaults Algérie Production, Sovac Production, Tahkout Motors Company, Peugeot Algérie Production et Nissan Algérie. Du côté des poids lourds, les 5 sélectionnés sont: Ival Industrie (Iveco), SPA Frères Salhi (MAN), Savem du groupe Haddad (Astra), Tirsam et GM Trade.

Mais cette décision d’Ahmed Ouyahia a été critiquée même au sein du gouvernement. Certains parlent de décision arbitraire et de favoritisme. Une situation qui a suscité la colère des opérateurs exclus, dont certains ont déjà investi et commencé à produire localement.

Du coup, Ouyahia a reporté l’entrée en vigueur de sa décision au 31 janvier. Ce report permettra de «réexaminer et d’étudier les dossiers, surtout ceux écartés».

Parmi eux, certains opérateurs écartés, comme Kia, sont déjà opérationnels sur le marché algérien, alors que d’autres, figurant dans la liste des heureux sélectionnés, sont connus comme étant de simples importateurs de kits à assembler.

Bref, ces tergiversations montrent que le pilotage de l’industrie automobile algérien cherche encore un capitaine. Dans ces conditions, on voit mal le pays atteindre son objectif de production de 260 000 unités au titre de l’année 2018, sachant que durant l’année écoulée, la production de véhicules n'atteint pas les 100 000 unités. Une telle production placerait le pays au 3e rang africain derrière l'Afrique du Sud et le Maroc, dont le secteur vient de boucler une année avec 375 000 véhicules pour un seul opératreur.

Du coup, sachant que le marché algérien de véhicules est évalué à 400 000 véhicules neufs par an, les interdictions d’importation ont entraîné des pénuries de voitures neuves, poussant les Algériens à se rabattre sur l’occasion. Quant aux voitures «produites localement», à cause des importations de pièces détachées, elles sont vendues plus chères que celles qui sont importées.

In fine, l’Algérie n’a pas la politique de ses ambitions. Outre l’absence d’un véritable pilote pour conduire la mise en place de cette industrie, il y a aussi l’absence d’une vision stratégique avec la mise en place d’un écosystème automobile.

Par Moussa Diop
Le 01/01/2018 à 15h54, mis à jour le 01/01/2018 à 15h57