Algérie: 10 ans pour construire un stade, devenu un véritable gouffre financier

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Le 30/12/2018 à 12h41, mis à jour le 30/12/2018 à 13h07

350 millions d’euros pour construire le stade de Tizi Ouzou, beaucoup plus que le joyau de l'Allianz Arena du Bayern Munich. En 10 ans, l’ouvrage qui est un véritable gouffre financier n’est pas encore livré. Un scandale loin d'être un cas isolé et qui illustre la mauvaise gouvernance du pays.

C’est un euphémisme de dire que la mauvaise gestion et la mal gouvernance sont des caractéristiques des dirigeants algériens. Pour ceux qui veulent s’en convaincre, les constructions du stade de Tizi Ouzou, de la Grande mosquée d’Alger, de l’autoroute Est-Ouest en sont des exemples patents d’une gestion calamiteuse des deniers publics par la classe dirigeante.

L’un des exemples de cette mauvaise gestion et de la mauvaise gouvernance est la construction du stade de Tizi Ouzou, d’une capacité de 50.000 places, comme le souligne le journal suisse «Le Matin» dans un article intitulé: «Un stade magnifique mais hors prix en Algérie».

«Ce stade, dont les travaux ont débuté en 2010, a connu plusieurs arrêts et de nombreuses réévaluations qui ont constitué un véritable gouffre financier», révèle le journal helvétique.

Si les travaux ont été confiés au groupement d’entreprises algéro-turc, ETTHB Haddad et Mapa Insaat, pour une enveloppe financière de 37,8 milliards de dinars, son coût n’a cessé de croître pour atteindre près de 50 milliards de dinars, selon les dernières estimations.

Du coup, la facture de sa réalisation n’a cessé d’augmenter pour atteindre actuellement les 350 millions d‘euros. Le stade n’étant pas livré, ce montant risque encore de croître.

Avec 50.000 places, le stade est revenu plus cher que celui de la Juventus de Turin et celui emblématique de Bayern de Munich, révèle le site d’information suisse chiffres à l’appui. Ainsi, l’Allianz Arena du Bayern Munich, considéré come un joyau avec ses 75.000 places assises, n’a coûté que 346 millions d’euros, alors que celui de Turin et ses 40.000 places n’a nécessité que 155 millions d’euros. De même, le stade du Sporting Lisbonne, El Estadio José Alvalade XXI, de 50.095 places, a coûté 154 millions d’euros seulement.

C’est dire qu’avec le même montant investi dans le stade de Tizi Ouzou, l’Algérie pouvait se procurer l’équivalent de 2 stades semblables à celui de la Juventus. Il est donc scandaleux qu’un tel montant soit investi dans un stade de 50.000 places.

On comprend alors pourquoi le pays est incapable de présenter sa candidature pour la CAN: faute d’infrastructures sportives, comme l’ont bien reconnu les dirigeants du football algérien.

Au-delà du montant qui illustre a mauvaise gestion, il faut aussi souligner la durée de réalisation de cette infrastructure. Les travaux ayant démarré en 2010, la construction de ce stade aura nécessité une décennie.

Reste que le stade de Tizi Ouzou n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la mauvaise gouvernance des dirigeants algériens. Le cas de la Grande mosquée d’Alger constitue une autre illustration. Ainsi, pour un budget projeté de 900 millions de dollars, les dépenses sont estimées actuellement à plus de 3 milliards de dollars et l’ouvrage commandé en 2008, et qui devrait s’achever en 2015, est toujours en cours de réalisation. Le véritable montant de cette infrastructure n’est plus connu au même titre que sa date de livraison, repoussée à chaque fois.

C’est le cas aussi du projet colossal de l’autoroute Est-Ouest, qui a englouti des moyens financiers énormes avec une qualité qui laisse à désirer.

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Ces projets et tant d’autres constituent des gouffres financiers énormes qui expliquent en grande partie où vont les importantes recettes en devises engrangées par l’Algérie durant les années de flambée des cours du baril de pétrole.

Malheureusement, il est difficile de se débarrasser des vieux réflexes, même en temps de crise. On comprend alors les raisons de la gronde sociale au moment où le gouvernement, frappé par une crise financière et la baisse des réserves en devises, essaye de grignoter sur certains acquis à la base de la paix sociale comme les subventions.

Avec ces exemples qui ne constituent malheureusement que la partie visible de l’iceberg, on s'explique aisément pourquoi l’Algérie est confrontée à des crises financières aiguës.

On comprend aussi un peu mieux où sont passés les 1.000 milliards de dollars que les gouvernements algériens ont investis entre 1999 et 2017. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, avait souligné que «99% des 1.000 milliards de dollars sont partis pour le développement». Plus explicite, l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, dira que «la moitié de cet argent a été déboursée dans les infrastructures et le reste dans les subventions dont bénéficient les citoyens». 

Ces exemples donnent des réponses claires de ce qui a été fait de l'argent des Algériens par la classe dirigeante. La mauvaise gestion et les détournements des deniers publics sont passés par là, avec des investissements surfacturés à des prix hors normes permettant à chaque fois des fuites de capitaux hors des frontières algériennes.

Ainsi, alors que les puits de pétrole s’épuisent, l’Algérie doit faire face à l’après-pétrole. Or, contrairement à certains pays comme la Norvège ou le Qatar qui ont mis en place des fonds souverains qui génèrent d’importantes recettes annuelles à l’Etat, l’Algérie, à cause de la mauvaise gouvernance de ses dirigeants, a dilapidé la totalité de son fonds souverain qui ne contient aucun rond actuellement.

Pourtant, il y a seulement 4 ans, à la veille de la chute des cours du baril de pétrole, les réserves algériennes en devises frôlaient les 200 milliards de dollars. Mauvaise gestion, mal gouvernance, corruption, lncompétence, gaspillage des ressources naturelles du pays,.. sont passés par là. 

Par Karim Zeidane
Le 30/12/2018 à 12h41, mis à jour le 30/12/2018 à 13h07