Algérie. «Planche à billets»: l’équivalent de 55 milliards de dollars créés pour financer l’économie

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Le 03/03/2019 à 13h22, mis à jour le 03/03/2019 à 15h04

Le gouvernement Ouyahia semble avoir accéléré le recours au financement non conventionnel. En moins de deux ans, la mise à contribution de la «planche à billets» a représenté l’équivalent de 33% du PIB du pays. Un signe qui ne trompe pas sur l’ampleur de la crise financière que traverse le pays.

Face à la crise financière que traverse l’Algérie, le gouvernement d’Ahmed Ouyahia semble avoir accéléré le processus de recours à la planche à billets.

Selon les données distillées au cours de cette semaine par Ahmed Ouyahia lors de son discours sur la politique générale du gouvernement, il a souligné que le recours total au financement non conventionnel, depuis le lancement de cette politique, s’est établi à 6.556 milliards de dinars algériens, au 31 janvier 2019, soit l’équivalent de 55 milliards de dollars. Ce montant correspond à presque 33% du PIB de l’Algérie.

Si en 2017, le volume s’est établi à 2.185 milliards de dinars, en 2018, ce montant est passé à 3.471 milliards de dinars. Et rien que pour le mois de janvier de l’année en cours, le montant du financement non conventionnel a bondi pour atteindre les 1.000 milliards de dinars, soit 8,4 milliards de dollars.

Les recours à la planche à billets dépassent largement les projections du ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, qui chiffrait les besoins du Trésor autour de 570 milliards de dinars en 2017, 1.815 milliards en 2018 et seulement 580 milliards de dinars en 2019. Rien que pour le mois de janvier 2019, le recours à la planche à billets a dépassé les projections du ministre durant toute l’année.

Et pour un déficit budgétaire annoncé de 18,6 milliards de dollars par la loi de finances 2019, il faudra compter encore plus sur ce mécanisme pour financer ce gap.

Ces volumes ont d’abord permis de financer le déficit budgétaire à hauteur de 2.470 milliards de dinars, de contribuer à l’assainissement du secteur bancaire pour un montant de 2.287 milliards de dinars, d’allouer 864 milliards de dinars à la Caisse nationale des retraites (CNR) et à l’affectation de 938 milliards de dinars au Fonds national d’investissement (FNI) dédié au financement de certains projets de développement.

Ces recours massifs à la planche à billets illustrent bien évidemment l’aggravation du déficit budgétaire algérien. Un budget qui ne peut s’équilibrer, selon les experts, qu’à travers un retour du cours du baril de pétrole à hauteur de 100 dollars. Ce qui est loin d’être le cas actuellement avec un cours moyen autour de 55 dollars durant le dernier semestre. Et pour le reste de l’année, les spécialistes sont unanimes pour dire que les cours ne devraient pas s’éloigner de la fourchette 55-65 dollars le baril. Or, les recettes provenant des hydrocarbures représentent environ 70% des recettes budgétaires du pays. D’où l’accélération du recours à la planche à billets.

Au-delà de l’effet inflationniste de ce mécanisme, même si le Premier ministre algérien a essayé de prouver le contraire en annonçant la baisse de l’inflation à 4,3% à fin 2018, contre 5,5% en 2017 et 6,5% en 2016, «l’essentiel est que nous avions préservé la souveraineté de l’Etat sur la prise de décision économique, grâce au financement non conventionnel. Nous aurions pu perdre notre souveraineté économique, si nous avions eu recours au FMI».

En clair, la planche à billets a permis à l’Algérie d’éviter la banqueroute d’une économie rentière et non productive. Toutefois, ce mécanisme n’a pas permis de relancer la machine économique. Pire, l’inflation est à un niveau élevé malgré les données distillées par le gouvernement, la dépréciation du dinar algérien se poursuit de manière inquiétante, le chômage augmente, etc.

Enfin, face à la décrue inquiétante des réserves de change, la planche à billets qui permet aujourd’hui de payer les salaires et de soutenir certaines entreprises ne sera d’aucun secours pour importer des biens dont le pays à besoin. D’où l’urgence de réformes structurelles de l’économie au lieu de s’appuyer sur ce que le gouvernement croit être une panacée.

Par Moussa Diop
Le 03/03/2019 à 13h22, mis à jour le 03/03/2019 à 15h04