Lors de sa dernière sortie médiatique, hier, lundi 3 février, le gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Aïmen Benabderrahmane, a annoncé que les réserves en devises du pays s'établissaient désormais à 62 milliards de dollars, au terme de l’exercice 2019.
Comparativement au volume des réserves, de l'ordre de 79,88 milliards de dollars enregistrées à fin 2018, il s’agit d’une chute de 28,84%, soit une baisse en valeur de 18 milliards de dollars.
En 2017, ces réserves étaient de 97,33 milliards de dollars. C’est dire que l'Algérie se retrouve dans une accélération de la chute de ses réserves.
Cette baisse des réserves en devises est en effet inquiétante, quant on sait que le gouvernement a tout fait, en 2019, pour réduire la facture de ses importations, en bloquant notamment l’approvisionnement en kits CKD/SKD des opérateurs automobiles et des industriels des filières de l'électronique et de l'électroménager, très gourmands en devises. Dans la foulée, de nombreux projets d’infrastructures ont également été gelés, et d'autres mesures d'austérité ont été prises. Ces décisions ont d'ailleurs fini par mettre à l’arrêt des pans entiers de la soi-disant «industrie de montage» algérienne.
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Cette nouvelle baisse des réserves en devises de l'Algérie confirme les anticipations pessimistes des institutions financières internationales.
Celles-ci avaient pourtant connu des jours meilleurs, et avaient même frôlé la barre des 200 milliards de dollars, en s’établissant à 194 milliards de dollars en 2014, au temps de la flambée du cours du baril de pétrole.
Cette manne a entre-temps été globalement dilapidée, alors qu’elle aurait pu contribuer à diversifier l’économie algérienne. Or rien n’a été fait pour réduire l’économie de rente, alors que 97% des recettes des exportations du pays dépendent toujours des hydrocarbures et de leurs dérivés.
Depuis, dès la fin de l'année 2014, le cours du baril de pétrole s'est mis à chuter, réduisant d'autant le matelas autrefois confortable de devises algériennes, désormais caractérisé par un épuisement accéléré des réserves en devises du pays, avec une chute de plus de 132 milliards de dollars en 5 ans.
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Pour les années à venir, l’épuisement des réserves en devises du pays doit être envisagé. En effet, en partant du constat que 97% des recettes des exportations du pays sont tirées des hydrocarbures et de leurs dérivés, et que les investissements directs étrangers (IDE) sont faibles, à cause d’un environnement des affaires très peu attrayant, à cause de nombreuses contraintes dont une règle, le fameux 51/49% qui réserve une participation de 51% de l'Etat, ou de capitaux algériens, dans le capital de tout projet initié en Algérie, il sera difficile d’inverser cette tendance baissière des réserves en devises du pays.
Le pessimisme est d'autant plus de mise que le cours du pétrole ne devrait pas connaître une nouvelle flambée. En effet, la dernière forte tension entre les Etats-Unis et l’Iran n’a eu qu’un faible impact sur le cours du baril, qui se négocie actuellement à hauteur de 54 dollars.
C’est dire que le gouvernement ne devrait pas compter sur le redressement des cours du baril de pétrole pour espérer renflouer ses réserves en devises.
D’ailleurs, dans sa loi de finances pour 2020, le gouvernement algérien table sur une poursuite de la baisse des cours pétroliers et escompte 51,6 milliards de dollars de réserves, soit une nouvelle baisse 10,4 milliards de dollars au terme de cette année. Or, ce niveau de réserves, de l'avis de certains spécialistes, est très optimiste.
Un peu moins dans cet état d'esprit, l'actuel ministre des Finances algériens, Abderrahmane Raouia, avait prédit en 2019 que les réserves se situeraient à 47,8 milliards de dollars en 2020, et baisseraient encore pour s'établir à 33,8 milliards de dollars en 2021.
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Il est en effet fort probable que le cours du baril de pétrole descende sous la barre des 50 dollars, dans un contexte marqué par les effets de l’épidémie du nouveau coronavirus, qui a considérablement réduit la demande chinoise en pétrole, et de l’augmentation continue de la production pétrolière américaine.
Ces deux facteurs contribuent à un déséquilibre plus important entre l’offre et la demande de pétrole, et donc une poursuite de la baisse des cours du baril de pétrole. La baisse des quotas de production des producteurs ne devrait quant à elle pas impacter sérieusement la tendance des cours, l’OPEP –Organisation des pays producteurs de pétrole- n’étant plus le principal faiseur du marché de l’or noir, depuis la décision prise par les Etats-Unis d'être indépendants énergétiquement.
De plus, depuis l’arrêt en Algérie de pans entiers de l’industrie du montage –automobile, électroménager, électronique, etc.-, l’Etat s'est vu contraint d’autoriser à nouveau les importations de kits CKD/SKD, sous peine de contribuer à la faillite des entreprises des secteurs concernés, et donc à la montée en flèche du chômage, et donc des tensions sociales.
Bref, la baisse des réserves algériennes devrait encore s’accélérer, car la marge de manœuvre de l'Etat pour y faire face est extrêmemnt réduite. Ultime bouée de secours: recourir à l’endettement extérieur, une solution à laquelle Alger s'est toujours refusée, mais ce tabou risque de sauter si la crise perdure.