Algérie: la nouvelle trouvaille bureaucratique pour favoriser la corruption

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Le 26/09/2020 à 07h31, mis à jour le 26/09/2020 à 07h34

Désormais, toutes les opérations d’importation de biens et de services sont soumises à l’approbation préalable du Conseil du gouvernement. Une belle manière de faciliter un système corruption déjà bien installé.

Dernière trouvaille du gouvernement algérien pour éviter la banqueroute, les autorisations du Conseil de gouvernement requises pour toute sortie de devises risquent de poser d'énormes soucis aux opérateurs économiques, tout en mettant en place un système fait pour que prospère la corruption.

En effet, les autorités algériennes font tout pour éviter le fameux jour zéro, autant appréhendé qu'imminent, où les réserves de changes de la Banque centrale seront totalement vides.

La décision a été prise dimanche dernier par Abdelmadjid Tebboune lui-même et a été actée en Conseil des ministres, organe que préside le chef de l'Etat algérien.

Désormais, "tout engagement financier dans l’importation et toute transaction en devises" seront soumis "à l’approbation préalable du Conseil du gouvernement en vue de protéger le produit national, d'encourager sa consommation au niveau local et de préserver les réserves de change". Cela signifie que la moindre sortie de devises se fera désormais sous l'autorité suprême du Premier ministre.

L'unique objectif de cette mesure est de veiller à ce que les plus hautes autorités de l'Etat algérien gardent un contrôle total sur la moindre sortie de devises avec le calendrier caché du monnayage des passe-droits et autres prébendes comme l'ont toujours fait les caciques du régime.

Evidemment, il s'agit d'une pure aberration que dénoncent, à demi-mot, les opérateurs économiques algériens. Comme le fait, dans un entretien sur le site d'information Tout sur l'Algérie, Smaïn Lalmas, consultant et président de l’Algérie conseil export (ACE), dans un entretien accordé au site d'information Tout sur l'Algérie.

Car certes, les réserves de change, qui sont passées de 200 milliards de dollars en 2014 à moins de 40 milliards actuellement, sont au plus bas. Cependant, elles n'expliquent pas la décision de faire passer les dossiers de milliers d'opérations sur le bureau du Conseil de gouvernement.

Selon l'expert Smaïn Lalmas, "gérer de façon administrative une activité économique aussi sensible et importante sur laquelle repose notre économie va causer des lenteurs et un dysfonctionnement du marché, générant des blocages et des lenteurs en approvisionnement, notamment de l’appareil de production, parce qu’on oublie souvent que ce dernier dépend en grande partie de l’importation de matières premières, d’intrants, produits semi-finis et autres".

En réalité, "le pouvoir a toujours voulu avoir la mainmise sur les opérations d’importation, l’épisode des licences attribuées par le ministère du Commerce n’est pas si loin, avec tout ce que cela a causé comme désordre".

L'idée derrière la tête des caciques du régime est de faire en sorte que se "renouvelle le portefeuille de clients d’affaires, qui sera à terme indispensable pour appuyer et accompagner certaines actions politiques, comme le futur référendum du 1er novembre, s’il a lieu, et bien sûr financer les futures campagnes électorales et autres actions de propagande".

C'est dire que rien n'a réellement changé entre le régime d'Abdelaziz Bouteflika et celui de Abdelmadjid Tebboune. Samïn Lalmas estime que "au plan économique, cette manière de contrôler l’activité d'importation va causer énormément de dérapages et de désorganisation du marché qui connaîtra des difficultés en approvisionnement".

Il va plus loin et affirme clairement que le gouvernement algérien est en train de créer toutes les conditions de la corruption. "Cette démarche va forcément aggraver le fléau de la corruption qui a fait notre réputation à l’international depuis quelques années, sans oublier que cela va engendrer la perte de milliers d’emplois, un manque à gagner au Trésor public en termes d’impôts et de cotisations patronales, encourageant ainsi, au passage, l’économie parallèle connue sous le terme «trabendo»", affirme-t-il.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 26/09/2020 à 07h31, mis à jour le 26/09/2020 à 07h34