Algérie: trois preuves que c'est Ahmed Gaïd Salah le problème

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Le 18/04/2019 à 14h34, mis à jour le 18/04/2019 à 14h35

Il suffit qu'il lève le petit doigt pour que toute l'Algérie accourt. Pourtant Ahmed Gaïd Salah, en tant que représentant de l'institution militaire, n'est pas dans son rôle. Il pose plus de problèmes qu'il n'en résout en s'érigeant en détenteur unique de la solution de crise.

Tout le monde désigne Ahmed Gaïd Salah comme l'unique détenteur de la solution de sortie de crise. Il suffit de parcourir la presse depuis le début de la crise algérienne. Il est à la Une de tous les journaux, les sites internet relaient ses propos en permanence. Tout le monde se tait, il est le seul qui parle. Tous les mardis ou mercredis, ses discours sont attendus comme des révélations d'un texte sacré.

Cependant, Ahmed Gaïd Salah est loin d'être une solution. Il est actuellement, l'unique problème dont les Algériens devraient se débarrasser pour commencer à construire une démocratie solide. On peut établir au moins trois constats qui montrent clairement que son omniprésence et son autorité, y compris politique voire judiciaire, que personne ne lui conteste, pourraient mener l'Algérie droit dans le mur. 

D'abord, tout le système est encore en place, alors qu'il lui suffit d'un claquement de doigts pour que tous les caciques prennent leur retraite. La passe d'armes avec le clan Bouteflika, qui a mené l'ex-chef de l'Etat à la démission, en est la preuve la plus patente. 

Or, pour l'heure, Noureddine Bedoui, l'actuel Premier ministre, Abdelkader Bensalah, le président de la République par intérim, sont toujours là, alors que leur tête est vivement réclamée par les manifestants. Même après la démission de Tayeb Belaiz de la tête du Conseil constitutionnel, son remplaçant était un proche de Bouteflika. 

La question se pose de savoir pourquoi GaÏd Salah n'use-t-il pas de la même démarche que celle qui lui a permis de faire plier Bouteflika. Certes, en lisant son dernier discours du mardi 16 avril, on devine qu'il garde cette option qu'il ne devrait pas tarder à mettre en application. 

Ensuite, Ahmed Gaïd Salah est le vrai homme fort de l'Algérie: le pouvoir était partagé entre la présidence, le DRS et l'armée. A présent qu'il n'y a plus de présidence, et que les services secrets officiels sont rattachés au ministère de la Défense qu'il gère, il s'attaque au patron de l'ex-DRS, dernier élément d'un triumvirat qui dirigeait le pays. 

Actuellement, le chef d'état-major de l'armée nationale populaire (ANP) est vent debout contre le général de corps d'armée Mohamed Mediène dit Toufik qu'il accuse d'être à la tête des hommes qui complotent contre l'Algérie. Il l'a mis en garde une dernière fois et menacé de saisir la justice s'il n'arrêtait pas ses agissements. Encore un discours qu'il n'appartient pas à un chef de l'armée de tenir, puisque le gouvernement de Noureddine Bedoui a beau être impopulaire et illégitime, c'est à lui qu'il appartient d'actionner les leviers de la justice à travers une saisine du procureur. 

Enfin, alors qu'un chef d'état-major général des armées est censé rester dans les casernes, Gaïd Salah, lui, est (vice) ministre dans le gouvernement, agit comme un chef de gouvernement et est même capable de démettre un chef d'Etat. Il est donc un personnage bien encombrant pour le gouvernement actuel et il continuera à l'être pour ceux à venir, y compris ceux désignés par un chef d'Etat élu démocratiquement. 

Même si tout le système "dégageait", personne n'aurait l'assurance que le pouvoir qui sera en place n'aura pas maille à partir avec l'armée. Si l'institution militaire ne devient pas une armée républicaine aux ordres du pouvoir exécutif, ce sera un éternel recommencement. 

D'ailleurs, dans la configuration actuelle, même si le chef de l'Etat était issu d'une élection présidentielle, les politiques continueront de tirer leur pouvoir de l'armée et non du peuple. Ce sera donc à Ahmed Gaïd Salah, et à lui seul, qu'ils prêteront allégeance, perpétuant ainsi un système dont la révolution algérienne espère se débarrasser une bonne fois pour toute. 

Evidemment, dans la configuration actuelle, le général de corps d'armée n'acceptera jamais de s'écarter du pouvoir. Cela équivaudrait à se faire hara-kiri. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 18/04/2019 à 14h34, mis à jour le 18/04/2019 à 14h35