Pour le Front des Forces socialistes (FFS), plus vieux parti de l'opposition algérienne, fondé dès 1963, à la même époque que ce parti-Etat qu'est le Front de Libération Nationale (FLN), "le général de corps d'armée a fait un pas de plus dans sa démarche autoritaire et hégémonique".
Le chef de l'armée algérienne, qui s'est violemment attaqué, hier, aux partis de l'opposition, en prend pour son grade dès ce mardi matin. "Rien ne semble pouvoir arrêter son avidité à tout contrôler et à tout décider comme étant le seul et unique maître à bord", dénonce le parti politique dirigé par Hakim Belahcen.
Pour ce parti, dont la députée Salima Ghezali faisait partie jusqu'en octobre dernier, l'omnipotent général a balayé "d'un revers de main les interpellations venant de l'opposition et aussi les exigences populaires qui aspirent à un changement radical du régime".
Lire aussi : Algérie. Discours de ce mardi 23 avril: Gaïd Salah botte en touche
Aux propos de Gaïd Salah contre les acteurs politiques, le FFS rappelle que "seules les institutions illégitimes et impopulaires constituent la véritable menace pour la sécurité du pays et la cohésion de son peuple"
"Le pouvoir réel représenté aujourd'hui par le chef de l'état-major [Ahmed Gaïd Salah, Ndlr] et secondé par un chef de l'Etat illégitime et désavoué [Abdelkader Bensalah, Ndlr], n'ont affiché aucun signe sincère et crédible allant dans le sens de la satisfaction des préalables politiques exigés par la quasi-totalité du peuple Algérien", rappelle le communiqué du FFS, diffusé dans la soirée du lundi 23 avril, juste après le discours-fleuve du général Gaïd Salah dans la Première Région Militaire, près de Blida. .
Parmi les exigences de ce parti de l'opposition historique algérienne, figure "le départ immédiat de l’oligarchie, de la mafia politico-financière prédatrice d'une manière intégrale".
A la place d'une réponse, c'est "une mascarade" qui a été organisée, hier, lundi 22 avril, sans même que le principal concerné, à savoir Abdelkader Bensalah, n'y prenne part. Or, le FFS qui l'avait préalablement "qualifiée de thérapie de groupe", avait opté pour le boycott de la conférence nationale voulue par le président par intérim.
Lire aussi : Algérie: trois preuves que c'est Ahmed Gaïd Salah le problème
Dans la presse, des critiques similaires fusent, adressées au tout-puissant général. Selon le site d'information Algérie 1, "Il se confirme au fil des discours: Gaïd enfile le costume de président en uniforme". Il s'est "imposé comme l'homme fort du pays, quasiment un président de fait", dénonce l'éditorialiste du journal.
Si, légalement, Ahmed Gaïd Salah n'est que vice-ministre de la Défense, il prend des airs de président, parle comme un vrai "chef de l'Etat" et ordonne à la "justice de mener des poursuites contre des personnalités", critique "les partis d'opposition" et les "blame d'avoir boycotté la conférence nationale".
"Pour qui donc se prend le général?", se demande le média. "Il a beau répéter à qui veut bien l’écouter, qu’il n’a aucune ambition politique, les faits sont là, obtus et têtus. Ahmed Gaïd Salah agit comme le patron du pays et se permet de verbaliser et d'avertir tout le monde".
Ce constat n'a pas non plus échappé à Lahouari Addi, un universitaire, qui publie une tribune sur le site Tout sur l'Algérie. Selon lui, Gaïd Salah, qui a désormais pris pour habitude de s'exprimer chaque mardi le fait "non pas en chef de l'armée, mais en chef de l'Etat".
Lire aussi : Vidéo. Algérie: Gaïd Salah s'apprête encore à retourner sa veste
Lui aussi se demande où est passé Abdelkadar Bensalah, "la façade civile du régime, qui s’est effondrée en quelques jours, comme un château de sable laissant découvrir un personnel politique d’une superficialité et d’une médiocrité inimaginables".
C'est pourtant ce personnel politique superficiel et médiocre que le général Gaïd Salah a brusquement découvert "compétent" et "intègre" hier, dans son discours.
Visiblement, le divorce est consommé entre l'Etat profond algérien, incarné par ce même Ahmed Gaïd Salah, et les acteurs de la vie politique et de la société civile.
Il reste à savoir si la rue algérienne continuera à écouter le chef de l'armée. Le vendredi 26, dixième semaine de la contestation populaire algérienne, permettra d'être édifié.