Dans un pamphlet publié sur le site de son fils, le général Khaled Nezzar s'attaque au Maroc et à la France, et se défausse sur Saïd Bouteflika.
"Je suis militaire de carrière", dit-il, avant d'ajouter: "Je sais que le voltigeur de tête attire les feux croisés des tranchées en face. Les tirs n’ont pas manqué. Ils m’ont atteint, sans me toucher. J’ai ma conscience pour moi". Et c'est là qu'il décoche quelques flèches contre le Maroc.
Lire aussi : Vidéo. Algérie: une manifestante devient une vedette en fustigeant Gaïd Salah, Khaled Nezzar et Bensalah
"Je n’ai que mépris pour ces montages qui ont été longtemps l’affaire du MAOL (Mouvement algérien des officiers libres, créé en 2001, Ndlr), et depuis qu’Internet est devenu une arme de destruction massive, l’instrument des officines du Makhzen et de certains milieux de l’Hexagone agissant par la calomnie et le mensonge derrière des camouflages qui ne trompent personne", accuse le général Nezzar.
Et c'est là qu'il rappelle ses déboires en Suisse, en affirmant subir "devant des juges étrangers, les assauts répétés et furieux".
En réalité, le fait de parler du Maroc montre que les hauts responsables algériens, atteints de complotite aiguë, ne peuvent parler d'aucun sujet intéressant sans évoquer le Maroc ou la France, deux pays qu'll considère comme les ennemis d'hier et d'aujourd'hui.
Lire aussi : Algérie: le général-major Habib Chentouf aurait fui et demandé l’asile dans un pays européen
A l'entame de son propos, Khaled Nezzar voulait expliquer son rôle dans l'évolution récente des choses et ses accointances avec Saïd Bouteflika, tout en essayant de faire porter le chapeau à ce dernier. Car, les relations entre le général et le frère de l'ex-président lui ont certainement valu de se faire tirer les oreilles par le général Ahmed Gaïd Salah. Il fallait donc que Khaled Nezzar s'explique.
Alors, il rappelle pêle-mêle lui avoir suggéré, lors d'un entretien le 7 mars, de faire démissionner son frère par le biais de l'article 102 ou par l'invalidation de sa candidature à un cinquième mandat par le Conseil constitutionnel. Mais, ce dernier, qui est en réalité "l'hologramme" de son frère, a catégoriquement refusé.
Saïd Bouteflika serait allé jusqu'à lui dire qu'il déclarerait "l'état d'urgence ou l'état de siège". "Si Saïd (Monsieur Saïd, Ndlr)", lui aurait-il répondu, surpris par tant d'inconscience, selon ses propres termes, "prenez garde, les manifestations sont pacifiques, vous ne pouvez en aucun cas agir de cette manière !".
Lire aussi : Vidéo. Algérie: les manifestants défient Gaid Salah et chassent le ministre du Tourisme
Au passage, il dénigre celui qu'il prenait soin d'appeler Si Saïd, par déférence. "A cet instant, je me suis rendu compte qu’il se comportait comme le seul décideur et que le Président en titre était totalement écarté".
Et quand Saïd Bouteflika l'appelle au téléphone, le 30 mars, c'est-à-dire deux jours avant la démission de son frère, il affirme: "Au son de sa voix, j'ai compris qu'il était paniqué". Et d'ajouter: "Il voulait savoir s’il n’était pas temps de destituer le chef d’état-major". Et bien sûr, pour ce deuxième épisode, il se donne le meilleur rôle, puisqu'il dit "l'en avoir fortement dissuadé, au motif qu'il serait responsable de la dislocation de l'armée".
C'est là qu'il conclut que tout ce qu'on dit sur lui n'est que calomnie, et il s'empresse d'indexer le Maroc et la France.
Evidemment, pour comprendre cette sortie impromptue de Khaled Nezzar deux éléments d'analyse sont nécessaires. D'une part, Nezzar est l'homme des massacres de la décennie noire, en tant que ministre de la Défense de l'époque. Il dit, d'ailleurs, assumer le fait d'avoir arraché le pouvoir des mains des islamistes. Ses qualités pour réprimer les manifestants étaient donc requises par Saïd Bouteflika qui s'est dit que la situation des manifestations actuelles est comparable à celle du début des années 1990.
D'autre part, le fait qu'il y ait eu des contacts réguliers dans ce contexte trouble n'a pas dû échapper aux services secrets algériens qui sont désormais sous le contrôle total d'Ahmed Gaïd Salah. On peut d'ailleurs faire le lien entre ces contacts et la fermeture pendant quatre jours du site Algérie Patriotique.
Ce pamphlet est en quelque sorte une manière de montrer pattes blanches. Mais, au lieu d'accuser le Maroc ou la France, ce débat aurait pu rester entre Algériens.