Algérie: Gaïd Salah est un agent double au service du peuple, ironise un chroniqueur du Matin d'Algérie

DR

Le 07/05/2019 à 12h41, mis à jour le 07/05/2019 à 12h43

Ahmed Gaïd Salah est-il subitement devenu le protecteur du peuple, après avoir profité des mêmes largesses que les Boutefika, Mediène et autres Tartag qu'il met aujourd'hui en prison ou est-il un simple imposteur, décidé à tourner la situation à son avantage? Le Matin d'Algérie révèle son imposture.

Il explique pourquoi l'attitude de Ahmed Gaïd Salah est une simple imposture, une tenue de camoufflage qui lui permettra de ne faire du peuple qu'une seule bouchée.

Car le général de corps d'armée était au coeur du système, il en a toujours été l'un des fervents défenseurs, menaçant tous ceux qui doutaient des capacités de Bouteflika à gouverner.

Il a fait profiter sa famille et ses proches des nombreux avantages dus et indus qu'offre sa fonction. Il est donc aussi comptable que tous ceux qu'il tente de mettre au ban.  Il sera donc difficile de faire croire qu'il en a profité parce qu'il attendait le bon moment pour agir, à l'image d'"Un flic dans la mafia", le titre de cette chronique, inspiré de la célère série télé du même nom.  Le360 Afrique a choisi de la publier in extenso.

Un flic dans la mafia

On se croirait dans un rêve ou dans une série télé. Ahmed Gaïd Salah renverse Saïd, Toufik et Tartag et les envoie en prison!

Vous m’en direz tant! Qui l’eut cru? Les trois dieux d’Algérie démythifiés. Du paradis d’El Mouradia à l’enfer d’El Harrach! «Koun fa yakoun». On le savait bon tireur, mais de là à faire pareil strike! Mon vieux; tu nous impressionnerais presque. Ça veut dire qu’à 80 ans, pris de remords, El Gaïd, aurait rejoint le rang du peuple? On a tout de même du mal à le croire.

On se souvient des paroles sans concession de l’ex-général Benhadid à son égard en 2015, qui le traitait d’"incapable" et de "personne insignifiante qui n’a pas le soutien de ses troupes". Le voici en train de malmener publiquement des poids lourds du Bouteflikisme. A-t-il atteint, depuis, un tel niveau de puissance que, lui, le vilain petit canard, peut manger désormais du lion? Belle progression, mais effrayant, tout de même?

Peut-être qu’il serait réellement avec nous après tout? Qu’il a été injustement inscrit dans la liste des "Ga3"? Que nous avions tout faux, nous, qui ne faisons que chanter des hymnes au "dégagisme", adeptes convaincus du "tous pourris"? Peut-être bien qu’à la fin, Gaïd est un type bien.

Mais il y a comme un malaise qui subsiste chez les suspicieux que nous sommes. C’est peut-être qu’on a tous un peu en tête, sagesse populaire oblige, cette histoire du chat qui, pour convaincre la souris de sa rédemption, s’était promis publiquement d’aller à la Mecque. La souris ne craindrait donc plus rien puisque le chat deviendrait El Hadj le chat.

Toutes ces années, donc, passées par El Gaïd sous les ordres des Bouteflika seraient-elles l’effet d’une hallucination collective ? Ses longs discours doux, généreusement édulcorés par des "fakhamatouhou" (excellence) et des "El Ab El Moudjahed" (le père de la révolution), ne sont-ils que des acouphènes imaginaires?

Les vidéos où on le voyait, en 2013, au Val-de-Grâce, partager un café "Facto" avec un président en peignoir, n’étaient finalement que des "fakes". Ses menaces envers ceux qui osaient critiquer, des années durant, le rouleau-compresseur anticonstitutionnel, qui a écrasé, lois et instances républicaines, ne seraient que le fruit d’un pétard géant fumé collectivement entre Algériens?

Ses avertissements, ultimatums, injonctions, emprisonnements de militaires ayant dénoncé la mainmise du frère Saïd sur le pouvoir, n’étaient au final, que l’effet d’El ârâr (genévrier) qui a fait croire, dans le temps, à l'halluciné Chadli, qu’il était réellement président?

Maintes fois l’application de la loi 102 de la constitution a été réclamée, et maintes fois, elle nous a été refusée par le vice-ministre de la Défense qui nous expliquait, les yeux rivées dans ses papiers (vieille habitude d’écoliers!), qu’il accordait tout son soutien au président qu’il savait pourtant, plus que quiconque, malade et aphone.

À moins que dans notre détestation maladive de tout ce qui est Bouteflikiste, on est passé à côté d’une évidence astucieusement dissimulée par le général Gaïd Salah et que, pour se faire accepter par "El Issaba", il fallait faire mine d’être un membre à part entière de cette "El Issaba". Se comporter comme elle. Voler comme elle. Acquérir des terrains et des usines à sa manière. Traiter ses affaires avec elle. Doter ses enfants d’inestimables avantages. Leur offrir des start-ups en cadeau d’anniversaire, des passeports diplomatiques pour la sixième et des études à l’étranger pour leurs dix-huit ans. Que nous sommes bêtes à la fin!

Les placements aux Emirats ne sont que stratégie de dissimulation, les comptes off-shore, que des tenues de camouflages. En fait, El Gaïd Salah est un agent double au service du peuple. Un agent de 80 ans qui a passé 60 ans dans l’armée, dont quinze comme responsable à part entière du désastre algérien, et qui, au crépuscule de sa vie, rejoint le peuple pour exécuter enfin sa mission. La belle affaire!

Pour ceux qui se demandent encore comment s’est terminée l’histoire d'El Hadj le chat et de la souris, le chat a dit simplement "Bismillah" avant de n’en faire qu’une bouchée de la souris crédule, alors, qu’avant, il l’aurait mangé sans rien dire.

Hebib Khalil, in Le Matin d'Algérie du lundi 6 mai 2019

Le 07/05/2019 à 12h41, mis à jour le 07/05/2019 à 12h43