Algérie. Sourd et déconnecté, Gaid Salah: «Nous saluons l’élan populaire en faveur des élections»

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Le 20/11/2019 à 15h50, mis à jour le 20/11/2019 à 16h01

Alors que des millions d'Algériens manifestent régulièrement contre la tenue de la présidentielle du 12 décembre prochain, Ahmed Gaid Salah, le chef d'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense, parle de ferveur populaire autour de ce rendez-vous.

C'est la dernière phrase que les millions d'Algériens, qui sortent dans la rue tous les vendredis depuis le 22 février dernier, s'attendaient à entendre, surtout venant de l'homme qui a confisqué le pouvoir. "Nous saluons l'élan populaire en faveur des élections", a dit Ahmed Gaïd Salah dans un discours prononcé ce mardi alors qu'il était en visite à la quatrième région militaire à Ouargla. 

Sa surdité, ou plutôt son refus de voir la réalité en face, ne fait plus aucun doute, puisqu'au même moment où il tenait ses propos lénifiants d'apprenti sophiste, la réalité était bien différente dans toutes les rues des villes du pays.

Hier mardi, ce sont des dizaines de manifestants contre la tenue de la présidentielle du 12 décembre prochain qui ont été arrêtés, selon la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). Certains d'entre eux ont littéralement "muré des locaux de l'Agence nationale électorale indépendante", alors que d'autres se sont attaqués à la campagne des candidats qu'ils n'ont pas hésité à perturber. 

La précampagne de l'ensemble des candidats a été perturbée par des Algériens. Ali Benflis a été hué et chassé par les riverains au cri de "bande de voleurs", alors qu'il dînait tranquillement dans un restaurant à Alger. De même, début novembre, Tayeb Hamarnia,, le directeur de campagne Abdelmajid Tebboune, a subi le même sort. Des jeunes d'Annaba lui ont crié à la face "dégage", "klitou l'bled" (vous avez pillé le pays). La semaine dernière, Abdelkader Bengrina a eu droit à la même politesse des manifestants à Tindouf. Le candidat qui, lui aussi à été conspué, a été obligé d'entendre les slogans de plusieurs manifestants qui l'attendaient: "Vous avez trahi le Hirak, bande de traitres", "Ô Ali, ils ont vendu le pays", "Pas d'élection avec le gang", etc.

Rien que cette semaine, plusieurs décisions de justice réprimant les manifestants sont tombées. Près d'une trentaine de personnes, ayant pour seul crime d'avoir brandi le drapeau amazigh, ont écopé de lourdes peines de prison eu égard aux faits minimes qui leur sont reprochés, jusqu'à un an de prison, assorti d'une amande de 30.000 dinars.

Et si ces arrestations ont été opérées et ces condamnations prononcées, c'est parce que Gaïd Salah lui-même en a donné l'ordre, pour étouffer la contestation qu'il sait exacerbée par son entêtement. Quelques semaines auparavant, il avait d'ailleurs proféré des menaces contre "ceux qui perturberaient la tenue de l'élection".

C'est dire qu'il a pris le parti de se déconnecter d'une réalité qui compromet ses ambitions de confiscation du pouvoir. Que n'a-t-il pas fait pour que les manifestants, les politiques ou la presse entrent enfin dans les rangs? 

Pas plus tard qu'hier mardi, quatre journalistes du Temps d'Algérie ont protesté contre la ligne éditoriale que la direction de l'entreprise tente d'imposer à la rédaction. Résultats: les quatre protestataires ont été sortis manu militari des locaux du journal, avant que leurs collègues ne se solidarisent. Ce matin, le Temps d'Algérie n'a pas pu être édité et la direction a choisi simplement de suspendre et le rédacteur en chef et ses trois collègues concernés. 

Ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres en matière de répression contre la presse. C'est arrivé à un point où en début de semaine dernière, trois cents journalistes ont signé une déclaration dans laquelle ils tiraient "la sonnette d'alarme" et dénonçaient "le harcèlement systématique des médias". Et le vendredi, ce sont d'ailleurs ces mêmes journalistes qui ont été les vedettes de la 39e journée de protestation en prenant les devants pour dénoncer la persécution dont ils sont victimes. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 20/11/2019 à 15h50, mis à jour le 20/11/2019 à 16h01