Algérie: retour sur la répression contre le Hirak, les politiques et les journalistes dans l'ère Tebboune

En janvier dernier, Amnesty International dénonçait la répression sévissant depuis la présidentielle. C'est encore pire, malgré le Covid-19.

En janvier dernier, Amnesty International dénonçait la répression sévissant depuis la présidentielle. C'est encore pire, malgré le Covid-19. . DR

Le 04/08/2020 à 07h54, mis à jour le 04/08/2020 à 07h58

Les autorités algériennes ciblent depuis plusieurs mois militants du mouvement de contestation "Hirak", opposants politiques, journalistes et internautes, multipliant les poursuites judiciaires et les condamnations.

Le parquet algérien a réclamé quatre ans de prison ferme contre le journaliste indépendant Khaled Drareni, devenu un symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie, et ses deux co-accusés, dont le procès s'est ouvert lundi à Alger.

Le procureur du tribunal de Sidi M'hamed a requis quatre ans ferme et une lourde amende à l'encontre des trois accusés, ainsi que la privation de leurs droits civiques, a-t-on appris de source judiciaire.

"Consternant et choquant! 4 ans de prison ferme requis par le procureur de la République contre notre correspondant en #Algérie", a protesté Reporters sans frontières (RSF) dans un tweet. Ajoutant que "@khaleddrareni n'a fait qu'exercer son droit à l'information. @RSF_inter appelle à son acquittement immédiat".

Mais, malgré l'indignation générale Drareni risque d'être enfermé pour longtemps comme l'ont été plusieurs autres journalistes avant lui. Plusieurs observateurs constatent en effet que la répression est devenue la principale marque de fabrique du régime depuis qu'il essaie de se réinventer en volant au peuple sa révolution. 

- Nouveau président contesté -

Le 12 décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune, un ex-fidèle du président déchu Abdelaziz Bouteflika, remporte la présidentielle boycottée par l'opposition et marquée par une abstention record (plus de 60%).

Dès le lendemain, il est contesté dans la rue par le puissant mouvement populaire et pacifique, ou "Hirak", qui ébranle l'Algérie depuis février 2019 et a obtenu la démission de M. Bouteflika deux moins plus tard.

M. Tebboune dit "tendre la main au +Hirak+ pour un dialogue afin de bâtir une Algérie nouvelle".

- La répression se poursuit -

Fin janvier 2020, Human Rights Watch déplore que les manifestants du "Hirak" continuent d'être arbitrairement arrêtés et poursuivis, malgré les promesses de dialogue du président.

Selon l'ONG, des dizaines de manifestants pacifiques ont été arrêtés depuis la présidentielle.

Le 22 février, des milliers de personnes se rassemblent à Alger pour marquer le 1er anniversaire du "Hirak". "Le peuple veut faire chuter le régime", scandent-ils.

- Suspension du "Hirak" -

Le 17 mars, M. Tebboune décrète l'interdiction de tous les rassemblements publics, et donc des marches du "Hirak", pour lutter contre le nouveau coronavirus.

De fait, les appels à suspendre les manifestations se sont multipliés, et plusieurs personnalités du "Hirak" et opposants appellent à interrompre temporairement la mobilisation.

- "Acharnement" -

Le 24 mars, Karim Tabbou, une figure emblématique de la contestation, est condamné en appel à un an de prison ferme pour "atteinte à l'intégrité du territoire national".

Le 29, Khaled Drareni, journaliste et correspondant de Reporters sans frontières (RSF), est placé en détention préventive. Il est accusé "d'incitation à attroupement non-armé et d'atteinte à l'intégrité du territoire national".

Le 22 avril, les députés adoptent un projet de réforme du code pénal "criminalisant" la diffusion de fausses informations qui portent "atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'Etat", un texte contesté par les militants des droits humains qui craignent une "instrumentalisation pour museler" la liberté d'expression.

Le 15 mai, le site d'information politique L'Avant-Garde Algérie est bloqué, dernier d'une série de médias en ligne indépendants victimes de mesures de censure.

RSF déplore "un acharnement contre les médias indépendants".

- Répression "implacable" -

Le 18, Abdelouahab Fersaoui appelle à sa sortie de prison à la libération de tous les autres militants détenus et à la reprise du mouvement après la pandémie.

Mais les 19 et 20 mai, quinze opposants sont condamnés à des peines de prison ferme.

Le 12 juin, une vingtaine de personnes sont interpellées à Béjaïa (nord-est) lors d'une tentative de rassemblement de soutien aux prisonniers politiques. La plupart sont relâchées mais trois militants sont placés sous mandat de dépôt.

Le 19, au moins 500 manifestants pro-"Hirak" sont interpellés, selon la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme. La plupart ont été relâchés sans inculpation.

Le 21, Amira Bouraoui, célèbre opposante de l'ère Bouteflika, est condamnée à un an de prison ferme avec incarcération immédiate.

Le 25, Amnesty International estime que la répression "implacable" contre les militants du "Hirak" risque de remettre en cause le processus de réforme constitutionnelle.

- Geste d'apaisement -

Le 1er juillet, M. Tebboune gracie six détenus, dont trois liés au "Hirak". C'est la première fois que des militants du mouvement sont graciés par le président.

Le 2, quatre figures de la contestation --Karim Tabbou, Amira Bouraoui, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche-- bénéficient d'une remise en liberté provisoire.

Le 8, trois militants du "Hirak", dont un journaliste, arrêtés le 12 juin pour avoir participé à une manifestation interdite à Béjaïa, sont relaxés.

- Procès d'un symbole de la liberté de la presse -

Le 28 juillet, Moncef Aït Kaci, ex-correspondant de France 24, et le caméraman Ramdane Rahmouni sont placés en détention préventive, avant d'être libérés 24 heures plus tard devant le tollé général.

Le 3 août, le procès de Khaled Drareni, devenu un symbole du combat pour la liberté de la presse dans le pays, s'ouvre à Alger. Le parquet réclame quatre ans de prison ferme contre le journaliste indépendant et ses deux co-accusés, deux figures du "Hirak".

Plusieurs journalistes algériens sont actuellement en prison et des procès sont en cours.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 04/08/2020 à 07h54, mis à jour le 04/08/2020 à 07h58