Que ce soit les satisfactions des revendications du Hirak, ou qu'il s'agisse de la gestion de la crise du Covid-19, ou encore sur le plan économique, Tebboune n'a apporté aucune solution concrète aux problèmes des Algériens.
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Alors que les Algériens aspiraient à changer radicalement le système en place fondé sur la corruption, le népotisme et l'entretien de prébendes, ils peuvent constater, qu'aujourd'hui encore, les repères n'ont pas bougé. Certes, des dizaines d'oligarques, de ministres et de hauts gradés de l'armée ont été écartés ou purement et simplement mis en prison. Mais, c'est un ancien Premier ministre de Bouteflika, en l'occurrence Abdelmadjid Tebboune, choisi et soutenu par les mêmes généraux qui défendaient un cinquième mandat de l'ancien président, qui a pris le pouvoir.
Droits de l'Homme, de mal en pis
Pire, depuis qu'il est au pouvoir, l'Algérie, qui n'était déjà pas un exemple en matière de libertés, a exercé un nouveau tour de vis sur les militants du Hirak, les leaders d'opinion, mais aussi et surtout les médias. Le régime se sert aussi bien des réformes de la loi que des forces de l'ordre.
Désormais, beaucoup d'Algériens sont en prison pour un simple commentaire sur les réseaux sociaux ou pour avoir publié des articles de presse, en apparence anodins. L'un des plus emblématiques de tous est Khaled Drareni, le correspondant de TV5 Monde, condamné en août dernier à 3 ans de prison pour avoir couvert des manifestations du Hirak. Le régime l'a accusé d'"incitation à attroupement non armé et atteinte à l'intégrité du territoire national".
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Son collègue Belkacem Djir, journaliste à la chaîne privée Echourouk News, a, quant à lui, été emprisonné pendant une année avant que le tribunal ne décide de son acquittement. Il tait poursuivi à titre privé après avoir été accusé de "chantage" et de "d'usurpation d'identité",
De même, Abdelkarim Zeghileche de Rado Sarbacane a été condamné à deux ans de prison ferme pour "atteinte à l'unité nationale" et "outrage au chef de l'Etat".
Au total, selon le Comité national pour la libération des détenus, pas moins d'une soixantaine de personnes sont aujourd'hui embastillées par le régime de Tebboune et des généraux algériens suite à des accusations similaires.
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D'ailleurs, les condamnations du régime algérien fusent de partout. le 25 novembre dernier, le parlement de l'Union européenne a adopté une résolution dans ce sens, fustigeant les atteintes incessantes aux droits de l'Homme en Algérie, ce qui a fait réagir le régime. On ne compte par les sorties similaires de Reporters sans frontières (Rsf), Amnesty International ou d'autres organisations contre la répression adoptée par les Algériens.
Tous les voyants économiques sont au rouge
Sur le plan économique, le bilan n'est guère meilleur, en partie à cause du Covid-19, mais surtout parce que, structurellement, l'économie algérienne ne tient que sur les hydrocarbures. Or, cette année 2020, le sort s'est acharné sur le pétrole. Tout a commencé avec un banal bras de fer entre la Russie et l'Arabie Saoudite quand, comble de l'ironie, est venue s'y ajouter la crise du Covid-19. Du coup, les cours des hydrocarbures ont fortement chuté. Et comme si cela ne suffisait pas, l'Algérie s'est entêtée à ne pas réviser ses prix par rapport à son plus gros client qu'est l'Espagne. Cette denrière s'est alors tournée vers les Etats-Unis, qui deviendront en quelque temps, le premier fournisseur en gaz de la péninsule Ibérique. Ce n'est qu'en octobre dernier que l'Algérie va tenter de se rattraper en acceptant de baisser ses prix.
Résultat des courses: le déficit de la balance des paiements devrait atteindre 14,2% du PIB et celui du Trésor ne sera pas loin des 3.500 milliards de dinars, soit proche de 16% du PIB. Les mesures annoncées par Abdelmadjid Tebboune, notamment une réduction de l'équivalent de 50% des dépenses de fonctionnement, n'y pourront rien changer. D'ailleurs, la crise de liquidités qui en a découlé a rendu impossible le paiement des retraites durant l'été dernier et aujourd'hui, la dette intérieure algérienne explose, mettant en péril la survie de centaines d'entreprises.
Et pour limiter la casse, le gouvernement de Abdelaziz Djerrad a purement et simplement décider de geler les investissements des 1451 communes, privant les entreprises de BTP d'une importante manne financière.
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La question ultime qui se pose est de savoir si oui ou non l'Algérie se financera à l'international. Tant que les réserves de change couvraient plusieurs mois d'importation, ce n'était pas nécessaire. Sauf que cela ne semble plus être le cas. En effet, elles étaient de 62 milliards de dollars, alors que cette année la balance des paiements affiche un déficit de l’ordre de 14,2% du PIB, soit un peu plus de 22 milliards de dollars qui viennent en déduction des réserves de change de fin décembre 2019. En toute logique, il en reste moins de 40 milliards de dollars, couvrant à peine neuf mois et demi d’importations.
Une hécatombe nommée Covid-19
Enfin, dernière catastrophe, la gestion de la crise sanitaire. Avec ses immenses ressources supposées, l’Algérie a choisi de ne pas faire de tests Covid-19, se plaçant ainsi dans l’impossibilité de limiter la propagation. Le fait de n’avoir pas effectué de tests RT-PCR a eu pour conséquence de fournir des statistiques loufoques, sans aucun lien avec la réalité. Quand le wali de Sétif annonce une dizaine de morts dans sa circonscription, le ministère de la Santé en publiait 7 au niveau national, le même jour. De même, quand une députée de la wilaya de Jijel parlait de 50 morts en trois jours dans sa localité, le ministère se limitait à une trentaine dans toute l’Algérie. Ces mensonges sur les chiffres qui ont exaspéré les Algériens ont fini par faire une victime inattendue, en la personne d’Abdelmadjid Tebboune.
Le président Algérien a en effet été atteint de Covid-19 et a failli passer de vie à trépas. Son apparition, hier dimanche 13 décembre, pour célébrer l’anniversaire de son élection ne fera pas oublier que, si lui a échappé à la mort, des milliers d’Algériens n’ont pas eu cette chance. De plus, l’économie est exsangue, sans parler d’un bilan déplorable concernant les droits de l’Homme.