Abdelmoumen Ould Kaddour, l'ex-PDG de la Sonatrach, la société nationale qui exploite la manne pétrolière, fait désormais l'objet d'un mandat d'arrêt international pour son rôle dans l'acquisition de la raffinerie d'Augusta en Italie. Il est accusé de corruption dans la conclusion de cette opération.
Alors qu'il est soupçonné de passer une "retraite dorée" entre la France et les Emirats arabes unis, selon la presse algérienne, il pourrait bientôt voir sa liberté de mouvement réduite, en vertu des accords de coopération judiciaire signés par l'Algérie.
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En tout cas, selon El Watan, Abdelaziz Djerad, le Premier ministre algérien, a affirmé lors de sa visite à Hassi R'mel que "Le pôle pénal économique et financier a ouvert une enquête sur l’affaire de la raffinerie d’Augusta, dans laquelle un mandat d’arrêt international a été émis contre le principal accusé". Djerad, qui assistait à la célébration du 50e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et du 65e anniversaire de la création de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), fait ici clairement allusion à Abdelmoumen Ould Kaddour.
Au passage, il a renouvelé la promesse de poursuivre en justice ceux qui sont impliqués dans des "affaires de corruption et des tentatives d'atteinte à l'économie nationale".
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Concernant cette raffinerie d'Augusta, à l'époque déjà, tout le monde savait que la décision n'était pas judicieuse d'y investir en prétendant exporter le pétrole brut algérien vers la Sicile en Italie, puis d'en rapatrier le produit fini afin de satisfaire le marché domestique. Dès sa conception, il était évident qu'un tel projet allait présenter des surcoûts énormes à cause des frais de transports, des charges salariales italiennes, plus élevées qu'en Algérie, mais aussi du système fiscal Italien. Sans oublier le manque à gagner en matière de création d'emploi et de rentrées fiscales.
A coup sûr, le deal était cousu de fil blanc. Il avait d'ailleurs fait couler beaucoup d'encre, puisque beaucoup d'experts ne comprenaient pas qu'une entreprise comme la Sonatrach puisse se lancer dans un projet aussi hasardeux. Parce qu'en plus de l'aspect financier direct, il y avait lieu de constater que la raffinerie d'Augusta, construite en 1949, était âgée de près de 70 ans au moment de la conclusion de la transaction en 2018. De l'avis même des autorités italiennes, elle était devenue trop polluante, sans doute faute d'investissements suffisants. En conséquence, quel qu'allait être le prix que payerait la Sonatrach pour en être le propriétaire, son exploitation allait être très onéreuse.
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Dès l'acquisition, toutes ces craintes allaient d'ailleurs être vérifiées. En effet, la Sonatrach s'est retrouvée propriétaire de la raffinerie pour 725 millions de dollars, mais elle a été obligée de contracter très vite un emprunt de 250 millions de dollars pour effectuer des réparations et financer le fonds de roulement. Alors même que les produits issus de cette raffinerie n'étaient pas aux normes.
Il faut se rappeler l'affaire du carburant de mauvaise qualité qui avait été exporté au Liban l'année dernière et qui a aujourd'hui mené le directeur de la filiale de la Sonatrach à Beyrouth en prison, ainsi que 17 autres personnes. Ce carburant venait justement d'Augusta et pour faire croire qu'il était aux normes requises par la société turque qui produit l'énergie pour le compte d'Electricité du Liban, les responsables de la Sonatrach ont voulu falsifier des documents et des tests. Le résultat est connu: le procureur libanais a engagé des poursuite dès que l'affaire a été ébruitée.
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Mais cette affaire qui pointe la responsabilité de Oud Kaddour est emblématique de la manière dont l'Algérie est gérée. En effet, tout le monde savait que la décision ne devait pas être prise, pourtant ni le ministère de tutelle, ni le Premier ministre, ni même la présidence n'ont demandé à en savoir davantage afin de donner un coup d'arrêt quand c'était encore possible. Pourtant, pendant ce temps, la raffinerie d'Alger, qui était en rénovation depuis plusieurs années, ne demandait qu'à avoir les fonds nécessaires pour être confiée à un maître d'oeuvre sérieux pour enfin être livrée. Pendant ce temps également, l'Algérie a continué à importer jusqu'à 2,5 milliards de dollars de produits raffinés. Mais, ainsi est malheureusement l'Algérie avec sa gouvernance qui se passe de commentaire.