Algérie. Covid-19: indignation et colère après le décès de la docteure Boudissa, enceinte de 8 mois

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Le 18/05/2020 à 13h52, mis à jour le 19/05/2020 à 17h16

La docteure Boudissa, enceinte de 8 mois et atteinte par le Covid-19, est décédée suite à des décisions incompréhensibles et inhumaines. Le limogeage, dimanche, du directeur de l’hôpital où elle exerçait, n’a pas atténué l'indignation et la colère de ses collègues.

Le coronavirus a emporté de nombreux médecins et membres du personnel de la santé en Algérie, à l’instar de nombreux pays touchés par la pandémie du coronavirus.

Toutefois, le cas de la docteure Wafa Boudissa, employée aux urgences chirurgicales de l'établissement public hospitalier de Ras El Oued, à Borj Bou Arreridj, situé à 170 kilomètres au sud-est d'Alger, est particulier. Il relève d’une défaillance incompréhensible et surtout inhumaine. La praticienne, enceinte de 8 mois, est décédée après avoir été contaminée par le Covid-19.

L’émotion et la colère étaient à leur comble après les témoignages de ses collègues, qui ont chargé le directeur de l’hôpital. En effet, selon leurs témoignages, leur collègue avait supplié à plusieurs reprises le directeur de l’hôpital de lui accorder un congé exceptionnel du fait de l’état avancé de sa grossesse et des risques que représentait pour elle une contamination par le coronavirus.

Malgré l’insistance de ses demandes et les risques encourus, le directeur s’est toujours opposé à un congé, disant se conformer à la règlementation. Pourtant, dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, les mesures de distanciation sociale édictées par le président Abdelmadjid Tebboune demandent la mise en congé d’une partie des personnels de l’administration. Si le corps médical était exclu, le décret précise justement que les femmes enceintes et celles présentant des vulnérabilités sanitaires sont considérées comme prioritaires pour l’obtention d’un congé exceptionnel.

Les dirigeants de l’hôpital étaient donc censés avoir le discernement nécessaire, connaissant mieux que quiconque les risques encourus par la Dre Boudissa.

Face à ce refus, ses collègues affirment s’être relayés pour la remplacer, à chaque fois qu’elle s’absentait. L’un des responsables a fini par découvrir ce soutien par les équipes, et en a informé le directeur de l’hôpital. Celui-ci aurait menacé la Dre Boudissa pour qu’elle reprenne son service.

Sans alternative, elle a fini par revenir au travail, malgré une grossesse très avancée, et a été infectée. Ce n’est qu’après un test positif au Covid-19 qu’elle a été libérée, mais vu son état de grossesse avancé, le risque de décès était très important. Elle a fini par rendre l’âme vendredi dernier.

Ces témoignages de ses collègues, par la suite confirmés par le mari de la défunte, ont suscité une véritable indignation au sein de la population.

En conséquence, et après une enquête diligentée par le ministère de la Santé, la responsabilité du directeur de l’hôpital de EPHP de Ras El Oued a été avérée. «Sur la base des résultats de l’enquête ordonnée par les autorités pour élucider les circonstances du décès de Dr Wafa Boudissa, médecin à l’EPHP de Ras El oued, le ministre de la Santé a limogé le directeur de cet hôpital», a communiqué la wilaya.

Pour atténuer la colère de la population et de ses collègues, le ministre de la Santé et son collègue de la Solidarité nationale ont fait le déplacement pour présenter leurs condoléances à la famille de la défunte.

Toutefois cela ne suffit pas à calmer l’émotion. D’autant que le directeur de l’hôpital n’était pas censé ignorer les conséquences de l’exposition d’une femme enceinte à ces risques infectieux. Et finalement, ce sont deux vies humaines qui sont perdues, à cause d’une défaillance bureaucratique incompréhensible et inhumaine.

Par Karim Zeidane
Le 18/05/2020 à 13h52, mis à jour le 19/05/2020 à 17h16