Depuis une quinzaine d'années, la bagasse, le résidu fibreux issu du broyage de la canne à sucre, est largement mise à contribution pour produire de l'électricité, au point désormais de pourvoir à 14% des besoins de l'île.
L'île Maurice dispose d'un système tout particulier pour sa production d'énergie: 60% des besoins en électricité de l'île sont produits par quatre sociétés sucrières qui font tourner chacune une centrale thermique. Ces quatre centrales tournent normalement au charbon mais quand la saison de la canne arrive, la bagasse remplace le charbon comme combustible.
En cette fin du mois de novembre, la récolte bat son plein dans les champs environnant la société Omnicane, située dans le sud de l'île Maurice. Une noria de poids lourds tirant d'immenses remorques viennent s'aligner près d'un entrepôt non moins impressionnant pour y décharger leur cargaison de canne à sucre fraîchement coupée.
Durant la période de récolte, ce sont chaque jour 8.500 tonnes qui sont ainsi acheminées dans cette installation (soit environ 900.000 tonnes de canne dans l'année). Les tiges de canne sont alors broyées afin d'en extraire le jus qui servira à produire le sucre.
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La bagasse est de son côté lavée de manière à en extraire le maximum de liquide sucré, puis elle est chauffée pour en réduire le taux d'humidité. Elle part alors alimenter une centrale thermique où elle brûlera à plus de 500°C, une combustion qui permettra à des turbines de produire de l'électricité, dont une très grande partie sera acheminée sur le réseau national (le reliquat servant à alimenter l'entreprise).
"Disponible 24h/24"
"L'électricité est disponible 24h/24, à la demande, sans avoir à attendre le vent ou le soleil, puisqu'on peut stocker la bagasse comme on le ferait pour l'huile lourde et le charbon", se félicite Jacques D'Unienville, directeur général d'Omnicane.
Quant au CO2 produit lors de la combustion de la bagasse, il est récupéré selon M. D'Unienville "pour la production de gaz carbonique destiné aux entreprises de boissons gazeuses".
Au total, près d'un quart (22%) de l'énergie produite à Maurice est renouvelable, en prenant également en compte le solaire, l'éolien et l'hydroélectrique.
Et "l'objectif du gouvernement est d'augmenter la part de l'énergie renouvelable dans le mix énergétique à 35% en 2025", explique le Premier ministre adjoint et ministre de l'Énergie, Ivan Collendavelloo.
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"Les 35% ne sont pas très loin. Nous aurons 11 parcs solaires d'ici l'an prochain (2019) et au moins deux parcs éoliens (...) Les producteurs indépendants de l'industrie sucrière continueront à fournir la plus grosse part d'électricité renouvelable à partir de la bagasse", ajoute M. Collendavelloo.
Un système menacé
Mais ce système de production pourrait rapidement trouver ses limites tant la filière sucrière mauricienne est confrontée à une concurrence internationale accrue, notamment depuis la fin en 2017 des quotas européens sur le sucre.
"L'abolition des quotas des betteraviers depuis le 1er octobre 2017 ainsi que la surproduction en Thaïlande, au Brésil et en Inde ont entraîné une baisse drastique du prix du sucre sur le marché international et portent un coup fatal à l'industrie sucrière locale", s'alarme Jacqueline Sauzier, secrétaire générale de la Chambre d'agriculture de Maurice.
La chute des prix mondiaux du sucre a entraîné un désengagement de nombreux petits producteurs à Maurice, dont la canne venait alimenter les gros acteurs sucriers.
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"Le nombre de petits planteurs est passé de 26.000 en 2010 à 13.000 en 2018. Une diminution drastique de 50% en 8 ans", reconnaît le ministre mauricien de l'Agro-industrie, Mahen Kumar Seeruttun.
La question désormais est donc de savoir si Maurice produira suffisamment de canne à sucre pour augmenter sensiblement la part de l'électricité issue de la bagasse dans sa production nationale. Les acteurs du secteur demandent des accès protégés à certains marchés pour pouvoir s'en sortir.
"Maurice est une petite île vulnérable. Nous n'avons pas la capacité qu'ont la Thaïlande, le Brésil et l'Inde mais nous sommes un producteur efficient puisque nous valorisons toute la chaîne de production sucrière. Nous avons besoin d'avoir des accès protégés dans les marchés préférentiels. Les petits pays devraient avoir des quotas en priorité étant donné que nous sommes très vulnérables", plaide ainsi D'Unienville.