Nigeria: enfin, le Sénat interdit le «torchage» qui fait perdre annuellement des milliards de dollars au pays

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Le 26/04/2019 à 06h44, mis à jour le 26/04/2019 à 21h37

Le projet de loi interdisant le «torchage» du gaz naturel vient d’être adopté par le Sénat nigérian. Ce procédé fait perdre annuellement au Nigeria plus de 2,5 milliards de dollars et a des impacts environnementaux catastrophiques. Le Nigeria compte atteindre le zéro torchage d’ici 2020.

Le Nigeria pourrait mettre fin au torchage, c’est-à-dire le fait de brûler le gaz qui s’échappe des puits de pétrole lors de l’extraction de cette matière. En effet, le Sénat nigérian vient d’adopter le projet de loi interdisant ce procédé, 

Pour rendre cette interdiction effective, le nouveau projet de loi prévoit des sanctions contre les compagnies qui fourniraient des informations inexactes sur leurs politiques de torchage. Celles-ci sont désormais passibles d’une amende de 28.000 dollars et/ou d’une peine de prison de 6 mois.

Reste maintenant au président Muhammadu Buhari d’approuver ce projet de loi et le rendre applicable à tous les opérateurs du secteur opérant au Nigeria. Ce qui ne devrait pas tarder sachant que le pays s’est engagé à atteindre un taux zéro torchage d’ici 2020.

Seulement, l’application de cette loi risque de connaître des failles. Et pour cause, officiellement le torchage est interdit au Nigeria depuis 1984. Seulement, des exceptions étaient autorisées et les géants pétroliers se servent des failles juridiques pour continuer avec cette pratique.

Il faut noter que le Nigeria, qui dispose des 9es réserves mondiales de gaz estimées à 180 000 milliards pieds cube, n’est que le 24e producteur mondial de gaz. Et pour cause, les compagnies opérant dans le pays brûlent systématiquement le gaz à la torche sur les sites de production pétrolière pour diverses raisons de nature technique, réglementaire et économique, ou parce que l’utilisation de ce produit n’est pas jugée hautement prioritaire. Pour les compagnies, le torchage est le moyen le moins coûteux pour éliminer des gaz inflammables inexploitables ou dont la récupération est peu payante.

Ainsi, malgré le fait que le Nigeria n’occupe que le 24e rang des producteurs de gaz, il est le 2e pays au monde en matière de torchage de gaz, derrière la Russie, avec 13% du gaz torché dans le monde.

Ce sont ainsi plusieurs milliards de mètres cubes de gaz qui partent annuellement en fumée. Selon les données officielles nigérianes, en 2018, les producteurs de pétrole et de gaz opérant dans le pays ont brûlé l’équivalent de 282 milliards de pieds cubes standard de gaz, soit une valeur de 1 milliard de dollars. Toutefois, selon la Banque mondiale, jusqu'à récemment, le Nigeria perdait chaque année jusqu’à 2,5 milliards de dollars à cause du torchage.

Or, tout ce gaz pourrait être récupéré et être réinjecté dans l’économie nigériane, moyennant des investissements lourds que les compagnies pétrolières, qui ne voient que les bénéfices à court terme, n’envisagent pas sans la contrainte.

Outre le manque à gagner financier, ce procédé entraîne des problèmes environnementaux aux conséquences désastreuses. En effet, avec 140 milliards de mètres cubes de gaz naturel brûlés durant l’exploitation du pétrole dans le monde, ce sont plus de 300 millions de tonnes de CO2, principal gaz à effet de serre, qui sont lâchées dans l’atmosphère, soit l’équivalent des rejets de quelque 77 millions de voitures.

Enfin, rappelons qu’en 2015, plusieurs compagnies pétrolières, représentant plus de 40% du volume mondial de gaz torché, s’étaient engagées à mettre fin au torchage d’ici 2030 dans le cadre de l’initiative Zero Routine Flaring by 2030.

Par Moussa Diop
Le 26/04/2019 à 06h44, mis à jour le 26/04/2019 à 21h37