Pétrole: voici pourquoi le cours du baril ne devrait pas atteindre la barre des 100 dollars

Baril du pétrole

Baril du pétrole. DR

Le 17/09/2019 à 14h34, mis à jour le 17/09/2019 à 14h56

Après l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes, le prix du baril de pétrole a flambé. Certains analystes ont même prédit un cours du baril à 100 dollars. Si le cours du baril a rapidement pris l’ascenseur, beaucoup de facteurs montrent qu’il ne devrait pas atteindre ce seuil.

Juste après les attaques de drones par les Houthis de deux sites de production pétrolière du géant saoudien Aramco, les cours du baril de pétrole ont flambé. Le cours du baril a ainsi franchi une première fois le seuil des 70 dollars, quelques heures après l’attaque, pour atteindre 71,95 dollars le baril, avant de fléchir à nouveau pour s’échanger autour des 65 dollars le baril.

Toutefois, étant donné la gravité de cette attaque et les destructions occasionnées sur les deux sites, la production saoudienne a chuté d’un peu plus de 5,7 millions de barils/jour, soit de plus de la moitié de sa production (un peu plus de 10 Mbj, qui représentent environ 10% de la production mondiale), les analystes se sont accordés à annoncer une flambée du cours du baril de pétrole.

Pour eux, la production saoudienne, qui dépasse celle du Koweït et l’Irak en 1990, lorsque Saddam Hussein a envahi son voisin, ne reviendra pas de sitôt à son niveau d’avant les destructions, du fait que la reconstruction des infrastructures pourrait prendre plusieurs mois. 

De fait, si certains analystes comme Bob McNally de Rapidian Energy pensent que le cours devrait prendre entre 15 et 20 dollars pour se situer autour des 75 à 80 dollars, d’autres estiment que le cours du baril de l’or noir devrait flamber à nouveau et atteindre la barre des 100 dollars. Certains n’hésitent d'ailleurs pas à parler d’un nouveau choc pétrolier.

Le prix du baril a ainsi bondi 14,6% hier, lundi 16 septembre, pour atteindre à nouveau la barre des 70 dollars, avant de baisser à nouveau ce mardi (vers 14h30) et s’échanger autour des 68 dollars. Le West Texas Intermediate (WTI) a bondi sur le marché new yorkais de 19,5%, sa plus forte hausse depuis le 14 janvier 1991, pendant la guerre du Golfe.

D’abord, cette destruction, pour importante qu'elle soit, des installations d'Aramco n’est que conjoncturelle. Une réparation rapide devrait permettre à l’Arabie Saoudite de retrouver son niveau de production d’avant l’attaque. Certains annoncent toutefois que ces réparations pourraient prendre quelques mois.

Ensuite, le pays dispose d’importants stocks pétroliers sur lesquels le royaume pourra effectuer des prélèvements, pour continuer à exporter du pétrole en dépit de la baisse de sa production.

En outre, si l’Arabie Saoudite n’arrive pas à assurer sa production, le manque à gagner pourra être rapidement comblé par les autres producteurs pétroliers, dont les capacités de production sont sous-utilisées du fait des réductions de quotas opérés par les producteurs dans le but de soutenir les cours de l’or noir. De même, les Etats peuvent recourir à leurs stocks pour freiner la flambée des cours.

Par ailleurs, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, et son impact sur le ralentissement de la croissance chinoise, et même mondiale, devrait se traduire par une baisse de la demande mondiale de pétrole et donc par moins de pression sur les cours du baril.

La guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques mondiales a été à ‘origine de la chute du cours du baril en août dernier. Le baril est descendu sous la barre des 60 dollars, pour s’échanger autour de 58,70 dollars, en perdant presque 10% de sa valeur en une semaine.

Il faut également souligner que si l’Arabie Saoudite est le premier exportateur mondial du pétrole, le Royaume saoudien n’est désormais que le troisième producteur mondial derrière les Etats-Unis, premier consommateur d’énergie dans le monde, suivi de la Russie.

Par conséquent, l’influence saoudienne a beaucoup baissé, alors que la dépendance des Etats-Unis par rapport au pétrole du reste du monde est devenue beaucoup moins importante. Il n’en demeure pas moins que l'Arabie Saoudite est un pays capital pour l’équilibre du marché pétrolier mondial.

De même, les pays développés non producteurs de pétrole pourraient eux aussi recourir à leurs stocks stratégiques de pétrole pour limiter la flambée du cours du baril de pétrole.

Enfin, à quelques mois des élections présidentielles américaines, le président Donald Trump fera tout pour éviter une flambée du cours du pétrole, et donc du prix à la pompe, sachant que le consommateur américain (soit un électeur dans quelques mois) est très sensible aux prix du carburant à la pompe. Ce sint là les raisons pour laquelle le président américain n’a eu de cesse de peser sur le cours du brut en multipliant les pressions sur Riyad, à chaque fois que le prix de l'or noir s'envolait.

Bref, tout concourt à ce que le cours du baril n’atteigne pas la barre des 100 dollars. Toutefois, pour un marché aussi volatile et instable que le pétrole, d’autres facteurs pourraient faire évoluer la situation géopolitique de la région, et faire flamber les cours du brut.

Les accusations contre Téhéran et l’exécution de menaces de Trump contre l’Iran pourraient changer la donne pétrolière mondiale en transformant le détroit d’Ormuz, qui commande l’accès au pétrole d’Iran, d’Irak et du Koweït, soit 18 millions de barils par jour, en véritable poudrière. Pour le moment, on est encore loin de cette situation.

Par Moussa Diop
Le 17/09/2019 à 14h34, mis à jour le 17/09/2019 à 14h56