L’univers sociopolitique congolais est en ébullition depuis l’adoption de sanctions, par l’Union européenne (UE), contre 9 personnes occupant des postes de responsabilités dans l’administration de l’Etat et dans la chaîne de commandement des forces de sécurité en RD Congo. Il s'agit en effet de ministres (Lambert Mende/Communication et Médias, Shadary Ramazani/Intérieur, Evariste Boshab, ministre honoraire de l'Intérieur), de l’administrateur général de l’Agence nationale de Renseignement (Kalev Mutond), de gouverneurs de provinces (Alex Kande/Kasaï Central, Jean-Claude Kazembe/Haut-Katanga), de responsables de l’armée (Erick Ruhorimbere et Muhindo Akili Mundos) et d'un ancien seigneur de guerre (Gédéon Kyungu). L'UE les accuse de restreindre l’espace démocratique et les droits fondamentaux (liberté de la presse et de manifester) mais aussi d'avoir incité ou participé à une répression sanglante dans le Kasaï.
L’UA soutient la RDC
Interrogé par le360 Afrique, Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle (MP) et président de l’Assemblée nationale, a déclaré que les sanctions de l’Union européenne, du lundi 29 mai 2017, contre ces personnalités congolaises constituent un frein à “l’organisation des élections”.
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Il estime, par ailleurs, que l’UE n’a pas approfondi l’enquête avant de prendre ces sanctions. «Un ministre qui est chargé de rétablir l’ordre dans un pays, dans un contexte où les miliciens Kamwina Nsapu ont décapité près de 40 policiers, dans un contexte où près de 100 policiers et militaires sont morts, dans un contexte où il y a eu des centaines de massacres de la part de Kamwina Nsapu et sans une enquête approfondie, on accuse ce ministre d’avoir planifié un usage disproportionné de la force, non! non!», a-t-il martelé.
L’Union africaine (UA) a quant à elle annoncé qu’elle allait convoquer prochainement une réunion en vue d’apporter son soutien à la RDC. Georges Chicoti, ministre angolais des Affaires étrangères, l’a déclaré mardi 30 mai après une rencontre avec le président Kabila et des représentants de la CIRGL, de l’UA, de la SADC et des Nations unies à Kinshasa. «On ne peut pas résoudre les problèmes congolais avec le recours aux sanctions précoces. L’UA va se réunir pour analyser [la situation] et adopter une position qui irait dans le sens d'un soutien à la RDC et s’opposant à ces sanctions», a dit Georges Chikoti.
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Pour sa part, Saïd Djinnit, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies dans la région des Grands Lacs, a botté en touche en affirmant simplement avoir exprimé auprès du président de la République, Joseph Kabila, sa préoccupation sur la situation sécuritaire dans le Kasaï, notamment ses dimensions humanitaires et liées aux droits de l’Homme.
Gédéon Kyungu menace de révéler les activités de la Monusco
Réagissant à la décision de l’UE, Thierry Mukelekele, porte-parole de Gédéon Kyungu Mutanda, alias «Chinja Chinja», ancien seigneur de guerre de l’ex-Katanga, a qualifié les sanctions de l’UE de “vaste blague”. «Je ne sais pas si l’Union européenne connaît Gédéon. C’est une vaste blague de la part de gens qui sont incapables de comprendre les enjeux politiques. Gédéon Kyungu s’est rendu aux autorités du Congo le 11 octobre 2016. Avant cette date, Gédéon Kyungu avait déposé au mois de septembre le drapeau de l’ex-Etat indépendant du Katanga entre les mains de la mission des Nations unies au Congo. Et le représentant de la mission des Nations unies au Congo, c’est un militaire onusien. Où est-ce que l’Union européenne a vu Gédéon avec un compte en banque en Europe? C’est ridicule!», a-t-il lancé, avant de menacer de publier les activités de la Monusco avec son chef «Gédéon» dans la forêt.
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Dans le même registre, Thierry Monsenepwo, un proche du porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, et cadre de son parti, le CCU, a fait remarquer à le360 Afrique que Robert Mugabe est aujourd’hui âgé de 94 ans, qu'il ne va jamais en Europe et que son pays se porte très bien!
L’UE invitée à élargir les sanctions jusqu’à Joseph Kabila
L’Union pour la Démocratie et le progrès social (UDPS), parti phare de l’opposition, s’est dite quant à elle satisfaite des sanctions imposées par l’UE à ces officiels congolais.
Pour son secrétaire général, Jean-Marc Kabund, l’Union européenne devrait élargir les sanctions jusqu’au président de la République, Joseph Kabila. "Présentement j’éprouve le sentiment de grande joie parce que l’Union européenne vient de comprendre que le Congo n’a pas d'autre problème que Kabila et sa bande. En sanctionnant tous ces gens du pouvoir, l’UE donne raison au peuple congolais et au Rassemblement. Nous attendons de voir ces sanctions être appliquées valablement parce que nous estimons que la bande de monsieur Kabila ne comprend pas que ce pays doit subsister après eux. Ils sont prêts à tout faire pour se maintenir au pouvoir au grand malheur du peuple congolais".
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Et toujours selon le numéro 1 du parti d'Etienne Tshisekedi, "ce qui se passe au Kasaï et à l’Est ne peut pas laisser indifférent. Nous appelons à ce que l’UE élargisse encore le filet pour cibler d’autres personnalités qui ne sont pas encore inquiétées. L’UE [...] doit comprendre que la question aujourd’hui dans ce pays c’est Joseph Kabila qui ne veut pas appliquer l’Accord, qui envoie des gens commettre des forfaits. Nous serons heureux d’entendre que l’UE a ciblé directement Joseph Kabila».
Il convient de noter que sur les réseaux sociaux, les avis se partagent entre ceux qui applaudissent les sanctions et ceux qui y voient une “ingérence” dans les affaires congolaises.
La société civile souffle le chaud et le froid
A l’image de la classe politique congolaise, la société civile congolaise est divisée sur la question de ces sanctions.
Pour le Centre d’étude pour la promotion de la paix, la démocratie et les droits de l’homme (CEPADHO), hormis le cas du Seigneur de guerre Gédéon Kyungu Mutanda, les autres personnalités devaient être préalablement entendues pour présenter leur défense avant d'être sanctionnées. Son secrétaire exécutif, Me Omar Kavota, invite l'Etat congolais à adresser son recours contre ces sanctions à défaut de répliquer par la réciprocité.
Cependant, son homologue, Me Georges Kapiamba de l’Association pour l’accès à la justice (ACAJ), a applaudi ces sanctions des deux mains.