«La situation dans les régions anglophones du Cameroun devient de plus en plus désespérée; nul n'est épargné par les violences qui échappent à tout contrôle», déclarait en septembre dernier Samira Daoud, directrice régionale adjointe pour l'Afrique centrale et l'Afrique de l'ouest à Amnesty International.
Les faits lui semblent donner raison, au regard de l’attaque perpétrée par un groupe d'individus armés dans la nuit du 22 au 23 décembre 2018 à Bangourain, une localité de la région de l’Ouest. Le bilan officiel fait état d’une personne tuée, de 86 maisons et de nombreuses voitures et motos incendiées. Même si l’identité des assaillants reste encore floue, les autorités attribuent cette attaque aux sécessionnistes anglophones.
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«C’est un groupe de terroristes venus du département voisin (Bui, dans le Nord-Ouest, Ndlr)», a déclaré le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, qui a effectué une visite le 26 décembre dans la localité sinistrée. C’est la première fois que la crise anglophone se déporte à l’Ouest, limitrophe du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, deux régions où les affrontements entre l’armée et les combattants séparatistes sont devenus pratiquement quotidiens depuis fin 2017. Jusqu’ici épargnée par le conflit qui secoue depuis octobre 2016 ces deux régions, l’Ouest vient donc d’être touché de plein fouet, alors que le gouvernement a toujours clamé que «la situation est sous contrôle».
Cette montée en puissance de la crise anglophone préoccupe notamment les Etats-Unis pour qui la solution à ce problème passe par le dialogue. «Les Etats-Unis appellent au dialogue entre les deux parties, afin de trouver un compromis, comme par exemple une certaine forme de décentralisation dans les zones anglophones.
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La Constitution du pays prévoit une certaine forme de décentralisation et un peu plus de contrôle local pour chacune de ses régions. Mais cette Constitution n’est pas entièrement mise en application. Je suis très inquiet, et je crains que la situation ne s’aggrave si une solution n’est pas rapidement trouvée», a déclaré en début du mois de décembre en cours, le secrétaire d’Etat américain adjoint aux Affaires africaines, Tibor Nagy.
Résolution pacifique
Cet appel au dialogue a également été lancé par l’Union européenne et la France à l’international. Sur le plan local, l’Eglise catholique a demandé aux deux camps de «renoncer à la violence» et de «reprendre le chemin du dialogue et de la réconciliation». Un appel resté lettre morte.
Toutefois, dans une volonté d’apaisement, le gouvernement a pris des mesures pour endiguer la crise au niveau des revendications corporatistes des enseignants et avocats anglophones, ceux par qui tout a commencé. C’est ainsi que le chef de l’Etat a ordonné le recrutement spécial de 1.000 jeunes enseignants dotés d’une parfaite capacité de dispense des enseignements requis en langue anglaise, ainsi que la mise en place d’un fonds spécial de deux milliards de francs CFA pour servir de subvention en faveur des établissements d’enseignements privés laïcs et confessionnels, afin d’apporter une solution aux doléances formulées par les enseignants anglophones.
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En réponse aux revendications des avocats anglophones qui ont manifesté en octobre 2016 pour dénoncer leur «marginalisation», le chef de l’Etat a notamment instruit le recensement des magistrats d’expression anglaise en vue d’augmenter leur effectif au sein de la haute juridiction, la poursuite des matières non encore uniformisées dans les universités anglophones en respect des spécificités de la Common Law, la création d’une Faculté des sciences juridiques et politiques à l’Université de Buea et des départements de English Law dans les universités de Douala, Maroua, Ngaoundéré et Dschang, ainsi que la création d’une section de la Common Law à l’Ecole nationale d’administrature et de magistrature (ENAM).
Dans une volonté d’un retour à la paix, Paul Biya a également choisi de «tendre la main» aux sécessionnistes. Après avoir appelé ces derniers à déposer les armes, lors de son investiture le 6 novembre dernier devant l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat, réélu pour un septième mandat à la tête du pays, a décidé le 13 décembre 2018 de l’arrêt des poursuites pendantes devant les tribunaux militaires contre 289 personnes interpellées pour des délits commis dans le cadre de la crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
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Cette décision intervenait après la création, le 30 novembre dernier, du Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration (CNDDR). Ce comité vise à offrir un cadre d’accueil et de réinsertion sociale aux ex-combattants de la secte terroriste Boko Haram qui sévit dans la région de l’Extrême-Nord et des «groupes armés» des régions anglophones.
Selon la présidence de la République, ces différentes mesures traduisent la «détermination» et la «disponibilité constante» du chef de l’Etat «à poursuivre sans relâche ses efforts dans la recherche des voies et moyens d’une résolution pacifique de la crise qui affecte ces régions de notre pays, en vue de la normalisation souhaitée par l’immense majorité du peuple camerounais».