Cameroun: le principal opposant Kamto est libre

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Le 05/10/2019 à 14h05, mis à jour le 05/10/2019 à 14h09

Maurice Kamto a été remis en liberté ce samedi 5 octobre après neuf mois de détention. Le tribunal militaire a ordonné la remise en liberté de l'opposant Maurice Kamto, suite à l'abandon des poursuites annoncé par Paul Biya.

Applaudissements, cris de liesse, chants et danses: Au tribunal militaire, une foule composée de militants de son parti, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), et autres, ont laissé éclater leur joie à l’arrivée de Maurice Kamto.

En costume noir, chemise blanche et cravate bleue, le rival malheureux de Biya à la présidentielle de 2018, est arrivé non menotté dans la salle d’audience. Sourire aux lèvres, il a passé de longues minutes à prendre dans ses bras plusieurs de ses proches présents, avocats et militants.

“Prési, Prési”, scandaient ses soutiens, qui avaient commencé à affluer vers le tribunal dès la matinée. D’autres répétaient en boucle “Victoire jusqu‘à Etoudi”, le palais présidentiel camerounais où le président Biya, 86 ans dont 37 au pouvoir, a ses bureaux.

Dans les rues de Yaoundé comme sur les réseaux sociaux, la question était sur toutes les lèvres depuis l’annonce vendredi soir par le président Biya de l’arrêt des poursuites contre “certains” leaders de l’opposition, dont du MRC: Maurice Kamto, emprisonné depuis neuf mois. désormais, il est libre. 

Arrivé au tribunal militaire à 12h30, peu avant 13h, le commissaire du gouvernement qui représente le ministère public a pris la parole pour déclarer : «Nous avons des réquisitions spéciales, nous avons l’honneur de requérir l’arrêt des poursuites».

Immédiatement, les trois juges ont ordonné la remise en liberté des accusés, lors d’une audience qui a duré à peine une vingtaine de minutes.

Juste après, Kamto et ses compagnons ont été reconduits à la prison pour remplir les formalités de levée d’écrou.

Kamto, arrivé deuxième à la présidentielle d’octobre 2018, conteste la réélection de Biya et c’est à la suite d’une des manifestations pour protester contre les résultats officiels de ce scrutin qu’il a été arrêté et emprisonné au côté de plusieurs de ses partisans en janvier.

Lui et plus de 90 de ses partisans sont, depuis, poursuivis par la justice militaire, notamment pour “insurrection”, un crime passible de la peine de mort, même si celle-ci n’est plus appliquée au Cameroun. Leur procès s‘était ouvert le 6 septembre et devait reprendre théoriquement mardi prochain.

Au total, 102 personnes doivent comparaître au côté de Kamto devant cette audience spéciale, a décompté un journaliste de l’AFP sur place. Outre Kamto, parmi les personnalités convoquées, on retrouve l’ex-conseiller économique du président Biya Christian Penda Ekoka, la charismatique avocate camerounaise Michèle Ndoki, ou encore le célèbre rappeur Valsero, connu pour ses textes critiques à l‘égard du pouvoir.

L’annonce vendredi par le président Biya de l’arrêt des poursuites est intervenue quelques heures seulement après la clôture du Grand dialogue national, convoqué par Biya pour tenter de mettre fin au conflit séparatiste qui ensanglante les deux régions anglophones dans l’ouest du pays.

Le président avait déjà annoncé jeudi la fin des poursuites et la libération de 333 personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophone.

Multiples crises

“Le chef de l’Etat réaffirme sa détermination à poursuivre sans relâche ses efforts dans la recherche des voies et moyens d’une résolution pacifique des crises et différends auxquels peut être confronté notre pays”, lisait-on vendredi soir dans un communiqué de la présidence.

Le Cameroun, pays perçu pendant des années comme un relatif havre de paix en Afrique centrale, est confronté aujourd’hui à de multiples crises.

Le nord du pays est sous la constante menace du groupe jihadiste nigérian Boko Haram qui multiplie les attaques.

Dans l’Ouest, dans les deux régions peuplées principalement par la minorité anglophone (16% des Camerounais), les combats et exactions des deux camps -groupes armés indépendantistes et militaires- ont fait environ 3.000 morts en deux ans, selon des ONG, et forcé plus d’un demi-million de personnes à fuir leur domicile, selon l’ONU.

A cela s’est ajoutée une crise politique inédite après la réélection très contestée de Biya en octobre 2018, qui a vu de nombreux Camerounais descendre régulièrement dans la rue pour protester avant la vague d’arrestations de janvier 2019.

Pressions internationales

Le Grand dialogue national que Biya a finalement concédé sur le conflit anglophone a débouché sur la proposition d’une forme de décentralisation accrue, qui reste soumise à l’approbation du chef de l’Etat, et l‘élargissement de 333 détenus.

Cet apparent changement de cap de Biya est sans doute dû en partie à des pressions internationales inédites depuis le début de l’année, à la fois sur la crise anglophone et sur le sort des opposants en prison, en particulier de Kamto.

Washington avait déclaré en mars qu’il serait “sage de le libérer”, suivi de près par l’Union européenne, puis quelque mois plus tard par la France, l’un des plus fidèles soutiens de Biya, longtemps restée silencieuse.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 05/10/2019 à 14h05, mis à jour le 05/10/2019 à 14h09