Tandis que de nombreux pays africains ont placé tout ou une partie de leur territoire en confinement, ou imposé des couvre-feux, la Tanzanie n’a pas choisi cette voie. Le système scolaire est bien fermé, mais les gares routières et les marchés sont toujours noirs de de monde.
M. Magufuli, surnommé le bulldozer (“tingatinga” en swahili), fait partie d’une poignée de dirigeants dans le monde qui doutent encore de la dangerosité de la pandémie de Covid-19, à tout le moins en public.
“C’est l’heure de consolider notre foi et de continuer à prier Dieu, plutôt que de dépendre de masques sur le visage. N’arrêtez pas d’aller dans les églises et les mosquées pour prier”, avait-il déclaré le mois dernier dans une église de la capitale politique tanzanienne, Dodoma.
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“Je suis sûr que c’est juste le vent qui tourne et que (le virus) disparaîtra comme d’autres avant lui ont disparu”, avait-il ajouté.
Lors du Vendredi Saint, le 10 avril, il a tenu des propos similaires, expliquant que Dieu protègerait les Tanzaniens du virus.
Le pays d’Afrique de l’Est de près de 60 millions d’habitants a déclaré son premier cas de coronavirus le 16 mars, et le nombre de personnes infectées est passé en une semaine de 32 à 147 cas et cinq morts lundi.
“Je suis mécontent du manque de sérieux du gouvernement, du manque de transparence sur le nombre de cas et de décès, et du déni du président par rapport à l‘épidémie”, a déclaré à l’AFP Zitto Kabwe, qui dirige l’un des partis d’opposition en Tanzanie, l’Alliance pour le changement et la transparence (ACT).
“Dieu nous protègera”
M. Kabwe plaide pour la mise en place d’un confinement de la capitale économique Dar es Salaam et des villes d’Arusha (nord), Mwanza (nord-ouest) et Dodoma (centre), ainsi que pour un confinement total de l’archipel touristique de Zanzibar.
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Mais le président Magufuli n’est pas de son avis, lui qui a certes appelé les Tanzaniens à éviter les “rassemblements non nécessaires” mais qui les encourage dans le même temps à continuer à travailler normalement.
“Continuons de travailler dur pour construire notre nation. Le coronavirus n’est pas et ne devrait pas être une raison pour arrêter le travail. Les agriculteurs doivent mettre à profit les pluies actuelles, le secteur industriel doit continuer à produire et je ne vois pas les projets de développement s’arrêter”, a-t-il déclaré.
“En fait, le coronavirus ne devrait en aucun cas être une raison pour détruire notre économie”, a-t-il martelé.
L‘économie du pays a déjà durement été affectée par la pandémie, le flux de touristes venus visiter les parc nationaux ou profiter des plages s‘étant complètement tari. Le secteur est le premier pourvoyeur de devises étrangères pour le pays.
Dans les rues de Dar es Salaam, les habitants disent craindre le virus et faire ce qu’ils peuvent pour l‘éviter pendant qu’ils continuent de gagner leur pain quotidien.
Hemedi Masoud, conducteur de moto-taxi, s’arrange pour que ses clients “se lavent les mains avant de monter sur la moto”. “Le problème, ajoute-t-il, c’est que je n’ai qu’un casque que mes clients doivent partager”.
Lui et ses collègues attendent le chaland dans un lieu très fréquenté, au milieu des vendeurs de rue.
“J’ai vraiment peur du coronavirus et c’est risqué (d‘être) ici mais je ne peux pas faire autrement que de venir. Ma famille a besoin de manger et c’est ici que je gagne ma vie”.
Le gouvernement a interdit aux bus de prendre plus de passagers que leur nombre de sièges, mais cela a entraîné plus de files d’attente aux arrêts de bus à l’heure de pointe.
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Comme pour de nombreuses personnes modestes sur le continent, la perspective d’un confinement est inenvisageable.
“Je ne prie pas pour un confinement car on se retrouverait sûrement à éviter le coronavirus mais à mourir de faim à la maison. La vie doit continuer et Dieu nous protègera”, confie Anna John, vendeuse de rue à Dar es Salaam.
Miriam, vendeuse de chaussures, explique, elle, que certains de ses clients ne veulent pas se laver les mains, mais elle n’a “pas le choix” car elle a “besoin de leur argent”.
Le chef de l’opposition Freeman Mbowe a vilipendé la politique du chef de l’État, l’accusant de se préoccuper uniquement “de sauver l‘économie et ses projets d’infrastructures emblématiques”.
Des experts s’interrogent sur la pertinence de confinements stricts en Afrique, où des millions de citadins miséreux vivent au jour le jour, et plaident pour des politiques de tests en masse et d’aide directe aux plus vulnérables.
Le Burundi voisin a lui-aussi décidé de laisser la vie suivre son cours quasi normal. Les deux pays organisent des élections présidentielles cette année, en mai pour le Burundi et octobre pour la Tanzanie.