Après l’Egypte et le Soudan, l’Ethiopie aussi hausse le ton sur le différend portant sur le barrage de la Renaissance. Le Premier ministre, Abiy Ahmed, a annoncé que la deuxième phase du remplissage du réservoir de 74 milliards de mètres cubes d’eau aura bien lieu dans les délais malgré les pressions.
"Malgré les conspirations et les pressions exercées sur nous, nous allons mener à bien le processus de deuxième remplissage du Grand barrage de la renaissance éthiopienne (GERD) à la date prévue et la tenue des élections", a souligné Abiy Ahmed lors d’une réunion du Conseil national de sécurité d’Ethiopie, ajoutant que "des forces internes et externes travaillent pour plonger le pays dans le conflit et le chaos". Toutefois, même si le Premier ministre éthiopien n’a pas désigné nommément l’Egypte et le Soudan, il est certain qu’il fait allusion à ces deux pays avec lesquels il a un différend sur le barrage de la Renaissance, et/ou à leurs partenaires.
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Une chose est sure, cette déclaration du Premier ministre éthiopien intervient à un moment critique des négociations, après l’échec de la médiation de l’Union africaine et à quelques semaines du début de la seconde phase de remplissage du réservoir de 74 milliards de mètres cubes du barrage géant.
Or, cette phase de remplissage, nécessaire pour la production d’électricité, se traduira par des retenues d’eau importantes et donc moins de ruissellement des eaux du Nil bleu vers le Nil. Une situation redoutée par les pays en aval du barrage, le Soudan et surtout l’Egypte, qui craignent très logiquement une forte baisse du débit du Nil bleu sur lequel est construit le barrage et qui fournit plus de 80% des eaux du Nil qui traverse l’Egypte du Sud au Nord.
Des craintes que l’Ethiopie écarte allant jusqu’à avancer les bienfaits du barrage en tant que régulateur, nécessaire pour éviter des inondations au Soudan.
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Face à l’intransigeance éthiopienne, le Soudan a annoncé qu’il pourrait intenter une action en justice contre l’Ethiopie en cas d’entame de la seconde phase de remplissage du réservoir du barrage sans un accord entre les trois pays concernés.
C’est dans ce contexte et afin d’éviter l’escalade que le président égyptien a envoyé en mission auprès des dirigeants des 6 blocs régionaux du continent afin de les informer de l’échec des négociations entreprises jusqu’à présent et de les prendre à témoins quant à l’évolution de la situation.
Si aujourd’hui l’Egypte et le Soudan ne s’opposent plus à la réalisation du plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique par l’Ethiopie, étant grandement mis devant le fait accompli, les deux pays souhaitent tout de même un accord contraignant pour le processus de remplissage du réservoir et pour l’exploitation du barrage afin que cela ne les lèse pas à grand échelle. Le Soudan craint que le remplissage n’ait un impact négatif sur ses barrages construits à quelques dizaines de kilomètres de celui de l’Ethiopie. L’Egypte, quant à elle, craint pour son approvisionnement en eau, issue à 97% du Nil, et souligne son droit historique sur les eaux du fleuve que lui garantissent les accords sur le partage des eaux du Nil de 1929 et 1959 qui lui donnent une prééminence sur les eaux du Nil. Fort de ces accords, le président égyptien a multiplié les sorties pour souligner que son pays n'acceptera pas de perdre une goutte d'eau de son droit et que toutes les options sont mises sur table, n'écartant pas ainsi l'option militaire que tous les pays redoutent.
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Seulement, Addis-Abeba qui souhaite un remplissage rapide afin de pouvoir exploiter rapidement l’électricité tirée de ce barrage pour son développement, refuse que l’Egypte et le Soudan participent à sa gestion arguant que le GERD est construit en terre éthiopienne. Et donc, pour une question de souveraineté nationale, il n’est pas acceptable que d’autres pays participent à la gestion de son exploitation.
Le Soudan appelle donc des négociations tripartites parrainées par les Nations unies, les Etats-Unis, l’Union africaine et l’Union européenne. Si l’Egypte soutient cette solution, l’Ethiopie s’y oppose, soulignant que seule l’Union africaine est à même de servir de médiateur sur ce différend.
Face à cette impasse, les Etats-Unis ont décidé de jouer un rôle afin d’éviter une guerre de l’eau, qui pourrait avoir des répercussions catastrophiques sur toute la région. Ainsi, Washington a nommé un envoyé spécial dans la Corne de l’Afrique dont le mandat principal est d’aider à trouver une solution au différend sur le barrage de la Renaissance. Rappelons que les pressions de l’ancien président Trump, qui avait sanctionné l’Ethiopie en suspendant une partie de l’importante aide américaine qui lui était accordée, n’avaient pas fait plier le Premier ministre Abiy, resté inflexible.
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Il faut dire que les enjeux du barrage sont importants et vitaux pour l’Ethiopie et l’Egypte. L’Ethiopie, qui affiche des taux de croissance annuelle proches de 10%, fait face à un déficit en électricité énorme qui freine son développement industriel. De même, le taux d’électrification du pays ne dépasse pas 40%. Et grâce au barrage d’une capacité de 6.450 MW, le pays compte résoudre grandement ses problèmes énergétiques.
Seulement, avec moins d’eau sur le Nil, le barrage met aussi en danger l’approvisionnement en eau de l’Egypte et de son agriculture qui dépendent uniquement de ce fleuve nourricier. D’où l’impératif de trouver une solution qui garantisse les intérêts des trois pays. Un véritable casse-tête pour les dirigeants qui veulent négocier tout en montrant à leur population leur fermeté à ne pas faire de concessions à la partie adverse.