L’Afrique, poubelle des vieilles voitures diesel dont se débarrasse l'Europe

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Le 15/12/2017 à 19h48, mis à jour le 16/12/2017 à 23h20

Revue de presseLe Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) s’inquiète des conséquences du phénomène des importations de véhicules d’occasion par les pays africains. Il prépare un rapport explosif pour attirer l’attention sur ces véhicules diésel dont l’Europe ne veut plus.

Kiosque Le360 Afrique: Le flot des épaves de Renault, Golf, Mercedes et autres marques de voitures européennes continue d'inonder les pistes et les routes africaines. D’Abidjan à Nairobi, en passant par Lagos ou Kampala, la situation est la même. Des voitures qui ont rendu l’âme depuis belle lurette en Europe trouvent une seconde vie, parfois même une éternité, en Afrique.

La situation risque de se corser davantage au fur et à mesure que l’Europe se débarrasse de ces tacots. Ainsi, «dans quelques années, c’est ici, dans les bouchons de la capitale du Kenya, dans les rues saturées de Kampala, celle de l’Ouganda, ou dans les cohues de Cotonou (Bénin), que se déverseront les millions de voitures diesels dont l’Europe ne veut plus pour ses citoyens», souligne Le Monde dans un article titré: "Les vieux diesels, bons pour polluer l'Afrique".

Au delà des accidents qu’occasionnent ces voitures vétustes, ce que qui inquiète le plus, ce sont les impacts environnement et sanitaires de ces véhicules. En effet, «ils continueront à recracher leurs oxydes d’azote (NOx), ces gaz toxiques responsables de dizaines de milliers de morts chaque année et dont les constructeurs se sont évertués à dissimuler les vrais niveaux d’émission jusqu’au scandale de ”Dieselgate” et l’aveu du numéro un mondial du secteur, Volkswagen, en 2015», explique Le Monde.

Cette situation catastrophique, que les dirigeants africains prennent à la légère, inquiète aujourd’hui l’Organisation mondiale de la santé. «Ce qui nous inquiète, aujourd’hui, avec cette flotte de vieux véhicules diesel, c’est où ils vont finir. Et j’ai déjà une petite idée: le marché africain va être inondé», souligne Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement. A ce titre, souligne le quotidien français, un rapport sur les liens entre pollution et mortalité, The Lancet, publié en octobre dernier, a positionné le Kenya parmi les pays les plus touchés. Pour la seule année 2015, la pollution de l’air a provoqué près de 58.000 morts.

Une situation qui vient corroborer un rapport du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), basé à Nairobi, qui avance que «le trafic routier est à l’origine de 90% de la pollution de l’air dans les villes en pleine explosion démographique, comme la capitale du Kenya dont la population (agglomération comprise) pourrait bondir de 8 à 12 millions d’ici à 2030. Une situation déjà alarmante qui risque de s’aggraver sachant que le parc automobile kenyan augmente de 12% chaque année. 

Sachant que les pays africains, à l’exception de l’Afrique du Sud, du Maroc, de l’Algérie et l’Egypte, ne produisent pas de véhicules, les autres pays africains importent la totalité de leur parc automobile. Ainsi, chaque année, ce sont entre 3 et 4 millions de véhicules qui viennent grossir le parc automobile du continent. Et du fait du faible pouvoir d’achat, les voitures d’occasion se taillent la part du lion dans ces importations. Ainsi, à titre d’illustration, «au Kenya, par exemple, 99% des véhicules importés sont d’occasion». Au Nigeria, 89% des ventes de véhicules sont constitués de voitures d’occasion dont des Renault Megane Turbo de 1999, Audi 100 de 1993, Peugeot 405 dont la production est arrêtée en France depuis 1997.

Le Bénin s’est spécialisé dans la vente de voitures d’occasion avec environ 25.000 voitures qui arrivent quotidiennement au port en provenance de l’Europe et qui sont dispatchées par la suite au niveau de la sous-région (Nigeria, Tchad, Mali, Niger, Burkina Faso, etc.). Un business qui rapporte énormément au Bénin qui y ture 10% de son produit national brut et qui est entre les mains de cartels des Libanais et des Yorubas (groupe ethnique présent au Nigeria et au Bénin).

Cette situation inquiétante pousse aujourd’hui le PNUE à consacrer un rapport au marché de véhicules d’occasion et à ses conséquences sanitaires dans les pays en développement. L’étude qui sera publiée en mars 2018, et dont le Monde a eu copie, explique que «le vide règlementaire permet le transfert de véhicules aux technologies obsolètes et polluantes». Et pour cause, plus de la moitié des Etats africains n’imposent aucune restriction sur l’âge des voitures importées. Ainsi, en Ouganda, les voitures diesel affiche un âge moyen de 16,5 ans, avec une norme en matière de pollution de 100 mg de NOx/km pour les particules fines.

Bref, en Afrique subsaharienne, il existe peu de restrictions sur les importations et peu de contrôles antipollution, car les inspections sont effectuées «au hasard». Pire, les organisations internationales et les groupes industriels ne se soucient point des conséquences en termes de pollution et de santé des voitures d’occasion qui inondent le continent.

Du coup, le PNUE essaye d’harmoniser les politiques régionales pour pousser les Etats d’Afrique de l’Est à plafonner la limite d’âge des voitures d’occasion importés à 5 ans à partir de 2021. La responsabilité des pays exportateurs de voitures d’occasion (Europe, Etats-Unis notamment) est également dénoncée.

Ainsi, Rob de Jong, chef de l’unité qualité de l’air et mobilité au PNUE, dénonce un «dumping environnemental de l’UE et des Etats-Unis vers les pays en développement», tout en exigeant des pays occidentaux de restreindre leurs exportations de véhicules d’occasion. Reste qu’avec un marché qui pèse 18 milliards de dollars au niveau mondial, il faudra plus que des intentions pour limiter ce commerce macabre pour la santé des Africains.

Par Moussa Diop
Le 15/12/2017 à 19h48, mis à jour le 16/12/2017 à 23h20