Cameroun. Pratiques sexuelles déviantes: polémique autour d’un manuel scolaire

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Le 09/09/2018 à 11h53, mis à jour le 10/09/2018 à 11h10

Des parents, pédagogues et acteurs de la société civile s’insurgent contre le livre de sciences au programme de la classe de 5e. En cause, un chapitre sur les comportements et pratiques sexuelles déviantes, telles que la zoophilie, avec des illustrations jugées indécentes.

Faut-il instruire les enfants sur les interdits, quitte à susciter leur curiosité, ou préserver leur innocence jusqu’à ce qu’éventuellement, ils soient confrontés à ces réalités qui peuvent être destructives pour eux? Voici le débat qui a cours actuellement au Cameroun, quelques jours après le début de la rentrée scolaire.

Au centre du débat, le livre de sciences au programme de la classe de 5e. Celui-ci comporte dans son module consacré à l’éducation à la santé, un chapitre sur les comportements sexuels déviants. Notamment, des enseignements sur la zoophilie, la sodomie, l’homosexualité… avec des illustrations jugées indécentes. Il n’en fallait pas plus pour provoquer un tollé et un vif débat autour du livre et de son contenu.

Un débat dont même les politiques se mêlent en cette période de précampagne électorale pour le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018. «Sous le prétexte de préserver nos enfants des dérives sexuelles, les auteurs et promoteurs de cet ouvrage procèdent à un enseignement qui nous semble des plus suspects.

En effet, nous pensons qu'il s'agit d'une volonté d'initiation déguisée de la jeunesse camerounaise aux dérives propres à certaines pratiques sexuelles ouvrant la voie à la dépravation des mœurs de nos jeunes enfants, dont l'âge moyen en classe de 5e est de 12 ans. Nous condamnons fermement la description, illustration à l'appui, et la promotion à peine dissimulée des dérives et de la perversité prônées dans ce manuel scolaire destiné aux tout jeunes enfants», déclare notamment Maurice Kamto, candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).

Préparation mentale

Pour lui, la banalisation de l'usage de certains termes y sonne comme une préparation mentale des jeunes enfants à s'y familiariser et à s'en accommoder. Des associations de consommateurs ont également lancé des pétitions afin que le livre soit retiré du programme.

«La rencontre précoce de l’enfant avec la sexualité adulte ou conçue par des adultes peut être fortement traumatique et va à l’encontre du respect de son rythme affectif et cognitif, de sa croissance psychique, de sa maturation. La notion de minorité sexuelle légale située avant 16 ans correspond bien à la reconnaissance de ce danger.

Le rôle de l’Etat n’est pas de venir entraver les constructions identitaires familiales sur lesquelles l’enfant doit pouvoir s’appuyer dans le respect du processus de filiation et de transmission intergénérationnelle», indique le président de la Fondation camerounaise de consommateurs pour justifier cette demande.

Mais le retrait de l’ouvrage polémique ne semble pas si évident. Car les livres s’adossent sur un programme qui donne l’orientation du manuel. Le programme étant lui-même la somme des savoirs à construire pour éduquer les enfants d’une classe à une autre. Aussi, changer de livre ne résoudrait-il pas le problème.

«L’Excellence» (le nom de ce livre) est apparu aux yeux des évaluateurs comme le meilleur des six livres de sciences pour la classe de 5e parmi ceux proposés. Tous comportent un chapitre sur les pratiques sexuelles néfastes et les comportements sexuels déviants.

Le projet pédagogique visait à préparer les enfants à affronter un certain nombre de réalités, à faire face à un certain nombre de choses qui touchent à leur environnement et auxquels il ne peut faire face qu’en sachant que c’est néfaste et interdit par la loi», explique Marcellin Vounda Etoa, secrétaire permanent du Conseil national d'agrément des manuels scolaires.

Selon ce dernier, techniquement, ce qu’il y aurait lieu de faire serait de suspendre ce module de formation pour qu’il ne soit plus matière à enseignement pour les élèves des classes de 5e, dont des acteurs sociaux disent qu’ils sont immatures pour recevoir cette leçon. Du côté des parents, on prône des projets pédagogiques plus inclusifs qui tiennent comptent de l’avis des acteurs de la société.

Par Tricia Bell (Yaounde, correspondance)
Le 09/09/2018 à 11h53, mis à jour le 10/09/2018 à 11h10