«La jeunesse doit jouer son rôle de bouclier contre toutes formes de déstabilisation du Cameroun et dire "non" aux aventures et aux vendeurs d’illusions dont le seul but est de mettre à mal la stabilité du Cameroun».
Telle est la teneur du message délivré aux jeunes le 1er février dernier par le ministre de la Jeunesse et de l’Education civique, Mounouna Foutsou, lors du lancement officiel des activités de la Fête de la jeunesse à Babadjou, une localité de la région de l’Ouest.
Cette adresse aux jeunes du Cameroun épouse le thème de la 53e Fête de la jeunesse célébrée demain, lundi 11 février 2019, à savoir: «Jeunesse, grandes opportunités et participation à la construction d’un Cameroun en paix, stable et émergent».
Ce thème n’a pas été choisi au hasard. En effet, la célébration de cette année intervient dans un contexte notamment marqué par la persistance de l’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en proie à la crise anglophone depuis octobre 2016. Deux régions où les affrontements entre forces de sécurité et séparatistes anglophones sont devenus quotidiens.
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«L’engagement de la jeunesse dans l’œuvre de construction nationale est un impératif catégorique au moment où les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont en proie à une crise sécuritaire», indique-t-on au ministère de la Jeunesse.
Seulement voilà: la plupart des jeunes sont loin des valeurs prônées par cette fête, célébrée pour la première fois en 1967,pour marquer le rôle important que ceux-ci ont à jouer dans le devenir socio-économique et politique du pays.
«Réarmement moral»
«Aujourd’hui et comme c’est le cas dans tous les établissements scolaires aussi bien publics que privés, la jeunesse verse davantage dans la facilité, les vices, l’appropriation des substances psychoactives, la drogue, l’alcoolisme et autres. Voilà ce à quoi ressemble notre jeunesse aujourd’hui», déplore Yves Bahel, principal du collège privé laïc Les Sapins à Yaoundé, la capitale.
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Selon ce responsable éducatif, la célébration de cette 53e Fête de la jeunesse est donc l’occasion pour cette jeunesse de «marquer un temps d’arrêt pour scruter l’avenir», notamment leur contribution personnelle à la construction du pays.
Mais pour bon nombre de jeunes, notamment ceux de l’enseignement secondaire, la Fête de la jeunesse se résume davantage aux kermesses et autres activités recréatrices organisées dans les établissements scolaires, ainsi qu’au traditionnel défilé du 11 février.
D’ailleurs, combien se sont appropriés le thème de cette année? Très peu visiblement, si l'on se fie aux réponses des jeunes interrogés.
«Je ne connais pas le thème de cette année», avoue Larissa, élève en classe de Terminale.
«Je sais que le thème a quelque chose à voir avec la stabilité du pays, à cause de ce qui se passe dans la zone anglophone. Et puis, comment voulez-vous qu’on retienne le thème? Celui-ci est trop long, comme celui de la Fête nationale [célébrée chaque 20 mai, Ndlr]», se justifie Stéphane, qui prépare son Brevet de technicien supérieur (BTS) cette année.
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«Les jeunes sont en manque de repères. Ils ne sont pas totalement responsables. Parents, professeurs, travailleurs sociaux, nous sommes tous responsables. Il y a un manque d’encadrement à tous les niveaux», affirme un sociologue.
D’après ce dernier, qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat, cette situation découle du fait que les modèles de réussite brandis aujourd’hui dans la société camerounaise n’ont plus pour référence le travail et la méritocratie, mais davantage les réseaux et autre appartenance à une secte ésotérique. D’où les dérives observées et décriées par beaucoup, poursuit-il.
Partant, «il est clair que cette jeunesse doit véritablement avoir un réarmement moral et des notions d’éthique élémentaire pour réaliser que c’est elle qui constitue véritablement le fer de lance de la nation», affirme le responsable éducatif, Yves Bahel.
Un «impératif nécessaire» donc, dans une société où, selon les données officielles, la moitié de la population a moins de 18 ans.