Michèle fait partie de ceux qu’on appelle au Cameroun la «génération tête baissée» ou «génération androïde», c’est-à-dire ces accros du smartphone qui ont constamment le nez plongé dans leur téléphone portable.
«Quand je n’ai pas mon téléphone portable, j’ai l’impression d’être nue. Je l’ai en permanence sur moi, de jour comme de nuit, car je ne supporte pas l’idée de manquer un appel ou un message. Je ne m’en sépare jamais, peut-être seulement quand je dors», affirme l’étudiante de 23 ans en pianotant les touches de son téléphone androïde.
«Je ressens un véritable manque quand je n’ai pas mon portable sur moi. Un jour, j’ai cru l’avoir oublié et j’étais dans tous mes états. C’est un outil indispensable aujourd’hui, car il me permet d’être au courant de ce que font mes amis et ma famille et de ce qui se passe ailleurs grâce aux réseaux sociaux», affirme Nathalie, 19 ans.
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Malgré les reproches de son entourage, Didier, 17 ans, ne peut guère se séparer de son portable. «Il est tellement absorbé par son portable qu’il n’entend même pas souvent ce qu’on lui dit. C’est énervant», se plaint la mère de l’adolescent. C’est que, le téléphone portable a aujourd’hui pris une place prépondérante dans la vie de plusieurs jeunes notamment.
Les nouvelles fonctionnalités qu’offre cet outil de communication ont ainsi créé une forme de dépendance auprès de la jeune génération, obsédée par les réseaux sociaux. On ne se parle plus en face, car c’est plus facile de «whatsapper».
On ne profite plus des sorties en famille ou entre amis, parce qu’on est trop occupé à regarder le dernier buzz sur YouTube, les facéties d'un chat. On ne fait plus attention à la voiture qui passe en route parce qu’on fait des Snaps.
Et même à l’église, on ne résiste pas à l’envie de regarder son profil Facebook ou de guetter ce qu’untel a posté en «story» sur son compte Instagram.
Usage
Et bien entendu, les relations humaines se retrouvent affectées. «Une fois, mon patron m’a reprimandé comme un enfant devant l’ensemble de mes collègues. Je me suis senti frustré. A vrai dire, je l’avais bien mérité. Il me disait quelque chose depuis au moins 5 minutes et je ne l’entendais pas, car j’étais trop occupé à regarder je ne sais plus quelle vidéo sur WhatsApp», confie Désiré, 28 ans.
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Des enquêtes sérieuses, dans le monde, ont révélé que 66% des personnes ressentent une réelle souffrance lorsqu’ils sont séparés de leur téléphone portable.
Cette «maladie» addictive a même un nom: la nomophobie, qui vient de l’anglais «no mobile phone phobia». Traduction: la peur d’être sans téléphone mobile, ou que celui-ci ne fonctionne pas.
Les symptômes, selon les spécialistes, peuvent aller de la consultation fréquente, voire frénétique du smartphone, jusqu'à une véritable sensation d'anxiété parfois aiguë, si leur appareil se casse, si la couverture est mauvaise ou si leur batterie est déchargée et qu'ils sont dans un lieu sans prise de courant, par exemple.
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Pour les sociologues cependant, l’utilisation du téléphone portable n’est pas une mauvaise chose en soi, mais l’usage qu’on en fait peut s'avérer préjudiciable.
«Tout outil de communication, à l’instar du téléphone lorsqu’il est utilisé rationnellement, ne cause aucun problème. Lorsque ce dernier ne cadre plus avec une rationalité utilitaire, effectivement il se pose un problème. Il peut être considéré comme un fléau.»
Une réponse que l’on peut donner, un geste que l’on peut esquisser lui fait perdre son rôle premier.
Comment peut-on avoir son téléphone ouvert alors qu’on est dans une église et perturber une cérémonie eucharistique?
Les utilisateurs d'un smartphone savent très bien, pourtant, qu’on devrait être en phase avec le milieu dans lequel on se trouve, car cette emphase ne cadre pas avec les souhaits de l’espace dans lequel on se trouve.
Il y va du respect que l'on porte à autrui. Donc, «ceux qui le font épousent un avis autre, une estime différente et peut-être, une preuve d’irrespect qui sont manifestés par ce genre d’attitude», affirme Albert Nna Ntimban, sociologue.