Cameroun. Coronavirus: les recettes de grand-mère font fureur et les prix des ingrédients flambent sur le marché

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Le 05/04/2020 à 10h56, mis à jour le 06/04/2020 à 13h19

Afin de se prémunir contre le Covid-19, les habitants du Cameroun se ruent en masse vers diverses tisanes aux vertus curatives présumées contre cette maladie. En conséquence, les prix du citron, du gingembre, de l'ail, etc., ingrédients de base de ces remèdes ancestraux, ont grimpé en flèche.

Serge, consommateur habituel de citron, a piqué une colère noire lorsque son neveu qu'il a envoyé au marché pour lui acheter ces agrumes, n'a rapporté «cinq minuscules fruits sans jus» pour ... 500 francs CFA.

«Je suis reparti moi-même avec l'enfant chez la vendeuse, car j'ai pensé à une erreur. D'habitude, ce genre de citrons ne se retrouvent même pas sur le marché. Arrivé sur place, pour avoir un fruit juteux, il fallait débourser 200, voire et 250 francs pour les plus gros», s'indigne Serge.

La vendeuse a bien tenté de se défendre en invoquant les coûts élevés du transport de ces fruits. Mais de mémoire d'habitant de Yaoundé, ce fruit de saison n'a jamais été aussi cher, même hors des période de récoltes habituelles.

L'explication, il faut la trouver ailleurs. «Depuis la survenue du coronavirus, on entend dire que certaines tisanes aident à "booster" la réponse immunitaire de l'organisme pour soit s'en prémunir, soit préparer le corps à mieux supporter le virus. Et aujourd'hui, avec l'augmentation de la demande, les vendeurs en profitent sur le dos des consommateurs», explique Serge.

Conséquence de cet engouement, sur les marché, des aliments comme l'ail, le gingembre, le citron, l'aloe vera et autres plantes aux vertus thérapeutiques supposées, utilisées dans la pharmacopée traditionnelle locale pour le traitement des virus liés aux grippes, ont vu leurs prix grimper en flèche.

La gousse d'ail, quel que soit son calibre, coûte ainsi 200 FCFA au lieu de 100 FCFA, et sur certains étals, la racine de gingembre vendue au prix unitaire de 100 FCFA n'existe pratiquement plus.

«Avant cette crise sanitaire, j'avais l'habitude d'acheter régulièrement du gingembre pour en faire du jus. Avec 200 FCFA, j'avais largement de quoi en faire 2 litres. Aujourd'hui, avec une quantité de 100 FCFA, je peux en faire à peine un demi-litre», affirme Déborah.

Bref, tous les ingrédients à même de permettre aux organes de se revigorer par une action chauffante paraissent bons et à même de barrer la voie au nouveau coronavirus (Covid-19).

Cette inflation des prix touche également quelques plantes aux vertus thérapeutiques comme l'aloe vera, voire le Ndolè, un légume local utilisé dans la préparation d'un célèbre mets camerounais éponyme.

«La particularité entre l'aloe et le Ndolè est qu'ils sont amers. Comme la quinine. On en boit également pour se prémunir contre le paludisme. Donc, il y a peut-être des molécules de chloroquine», avance Gabriel Douaga, fonctionnaire à Yanoudé. 

Le ministère du Commerce a bien lancé des brigades chargées de veiller au respect des prix homologués dans les marchés pour endiguer toute inflation des prix.

Cependant, celles-ci se concentrent davantage sur les contrôles dans les commerces formels, et prêtent peu d'attention aux vendeurs de ces fruits et ingrédients de la pharmacopée traditionnelle.

Cela n'empêche pas de nombreuses personnes d'essayer diverses sortes de recettes de grand-mère, utilisées pour traiter la grippe et le paludisme, que les internautes s'échangent, du reste, sur les réseaux sociaux et divers fora.

«Chaque matin et chaque soir, je bois une tisane composée de gingembre, citron et miel. Parfois aussi de l'aloe vera qui pourrait avoir des molécules similaires à la chloroquine. Mais de façon générale, je prends beaucoup de boissons chaudes», indique encore Gabriel Douaga.

Les expérimentations menées par les uns et les autres, et partagées sur Internet font des corps humains de véritables laboratoires dans ce contexte.

Les autorités mettent en garde. «L’automédication à base de produits manufacturés ou de la pharmacopée traditionnelle est une pratique dangereuse qu’il convient d’éviter», prévient le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie.

Au 4 avril 2020, le Cameroun enregistrait 555 cas positifs confirmés au Covid-19.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 05/04/2020 à 10h56, mis à jour le 06/04/2020 à 13h19