Côte d’Ivoire: Guillaume Soro, un ambitieux miraculé mystique

Guillaume Soro, étudiant (en lunettes noires)

Guillaume Soro, étudiant (en lunettes noires). DR

Le 30/06/2017 à 08h31, mis à jour le 30/06/2017 à 11h07

L’on dirait qu’il a la «baraka» comme on n'en trouve pas souvent. En 15 ans, Guillaume Soro a échappé à une dizaine d’attentats, dont le plus retentissant a eu lieu il y a 10 ans. Il s'en est toujours sorti sans aucune égratignure. Parcours atypique de l'ambitieux président du Parlement ivoirien.

On est bien loin de l’époque où il était sur la liste rouge des forces de police ivoirienne. Au milieu des années 1990, Guillaume Soro, jeune étudiant à l’allure frêle et timide avec l’air candide, était à la tête du tout puissant syndicat estudiantin Fesci -Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire.

Le jeune homme, charismatique, qui tenait en haleine des centaines d’étudiants lors de ses meetings sur le campus de Cocody, était alors surnommé «Le général».

Charismatique, il avait engagé des mouvements de grève de grande ampleur, pour réclamer de meilleures conditions d’études au point de paralyser le système universitaire ivoirien, au grand dam des autorités de l’époque. «C’est dans la région Attié (groupe ethnique vivant au sud du pays, non loin d’Abidjan, ndlr) que je venais trouver refuge pour échapper à la police», confiait-il récemment.

27 juin 2003 et 29 juin 2007

De ces évènements, «Bogota», adulé par certains, haï par d’autres, avait fini par passer entre les mailles, sans jamais tomber dans les filets du pouvoir, qui se résigna à le convier en 1998 à des assises pour discuter des maux de l’école ivoirienne.

Mais la vie turbulente de l’homme sera plus exposée lorsqu’il prend la tête de la rébellion en 2002.

Nous sommes le 27 juin 2003, près d’un an après le déclenchement de la rébellion. Nommé ministre de la Communication dans le cadre des accords de Linas-Marcoussis, il entame une visite des structures sous sa tutelle, dont la RTI, la radiodiffusion télévision ivoirienne. Un épisode qui aurait pu virer à l’irréparable.

Ce jour-là, informés de sa présence à la télévision, environ 300 jeunes armés de gourdins et d’armes blanches se lancent à ses trousses. «Nous avons eu juste le réflexe de courir pour nous réfugier dans un bâtiment, ça devrait être l’infirmerie. Nous nous sommes réfugiés à l’infirmerie dans le grand hall. Les «jeunes patriotes» sont venus, ils ont cassé l’infirmerie et voulaient l’incendier avec nous à l’intérieur», raconte-t-il dans un article sur son site internet.

Alertée, la France, garante de la sécurité physique des signataires de l’accord, exige des autorités son exfiltration. Le Commandant supérieur de la gendarmerie réunit alors ses hommes pour la mission, mais tous refusent car ils disaient que "c’est un rebelle, il faut qu’on le tue". Sauf «un jeune capitaine» qui se porte volontaire et qui, à la tête d’une équipe et à bord d'un véhicule blindé, parvient à le faire sortir de cet étau mortel. «Je suis sorti de la RTI et j’ai dû ma vie à Dieu et à la providence», a-t-il témoigné.

Après cet épisode, Guillaume Soro préfère le sanctuaire de Bouaké, fief de la rébellion, comme lieu d’asile, avant de fréquenter à nouveau la capitale.

En mars 2007, suite à la signature des Accords de Ouagadougou, il est nommé Premier ministre dans un climat de «ni paix ni guerre» et de défiance entre le pouvoir politique à Abidjan, incarné par Laurent Gbagbo, et la rébellion, elle-même en proie à des déchirures internes.

Le 29 juin 2007, Soro Guillaume se rend à Bouaké, le fief de la rébellion, à bord d’un Fokker 100, un aéronef de l’Etat ivoirien. Alors que l’appareil manœuvre sur le tarmac en vue de stationner, il est touché par plusieurs déflagrations de roquettes suivies de rafales d’armes automatiques qui pulvérisent le nez de l’avion et provoquent une large ouverture sur le côté de l’appareil. Quatre personnes trouvent atrocement la mort, mais Guillaume Soro en sort indemne. Porté à dos par «le commandant Wattao», venu l’accueillir, il est embarqué dans un véhicule qui quitte l’aéroport en trombe. «29 Juin 2007! Jour fatidique. Jour de douleurs vives. Ce jour-là, j’avais compris la mort. Je l’avais presqu’acceptée avec sérénité (…)», dira-t-il.

Dans un article sur son site internet, il y est présenté une série de 7 autres attentats, des guet-apens entre 2003 et 2011, desquels il est sorti également sans aucune égratignure, la dernière datant du 23 mars 2011 durant la crise postélectorale.

Un destin tout tracé pour autant ?

A 45 ans, si Guillaume Soro ne s’exprime pas publiquement sur ses intentions politiques et préfère se présenter comme «un homme de mission», son entourage ne cache pas son impatience de le voir franchir un nouveau pas. Bon nombre jurent en effet qu’il est bien porté par une certaine aura qui le voue à un destin plus grand que celui actuel de président de l’Assemblée nationale.

En Afrique où tout à une explication mystique, pour ceux qui l’ont connu jeune, à Ferkessédougou, dans le nord ivoirien, la baraka exceptionnelle qui accompagne Guillaume Soro ne serait pas étrangère à son défunt père, connu pour être versé dans les traditions mystiques africaines. Illusration: recherché par le pouvoir d’alors lorsqu’il dirigeait la Fesci, son père aurait dit : «S’ils sont capables d’attraper le vent, alors ils pourront mettre la main sur mon fils». Soro Guillaume parâit effectivement bien insaisissable.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 30/06/2017 à 08h31, mis à jour le 30/06/2017 à 11h07