Mohamed Ould Bouamatou est l’un des hommes les plus célèbres de la Mauritanie, pour une raison bien simple: il était considéré comme l’un des hommes les plus riches du pays.
Issu de la même composante tribale que le président mauritanien Mohamed ould Abdelaziz, ainsi que son prédécesseur Ely ould Mohamed Vall, l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, né en 1953, est issu de l'ensemble tribal des Oulad Bou Sbaa, une tribu commerçante originaire du sud de Marrakech, au Maroc.
Instituteur à ses débuts, l’homme a quitté les classes dès l'âge de 22 ans pour se lancer dans les affaires. Après une première expérience au sein du clan familial, il lance sa propre enreprise en 1983 (la Cogitrem) avant de se diversifier dans le négoce.
Il a notamment été le réprésentant d'une marque de cubes de bouillons alimentaires (Jumbo) et a ensuite fait fortune en tant que représentant exclusif du cigarettier Philip Morris, pour la marque de cigarettes Marlboro, ainsi que bien d'autres marques en Mauritanie.
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Par la suite, l'homme d'affaires devenu prospère a su davantage diversifier ses activités, entre autres dans les télécoms (Mattel), le transport aérien (Mauritanie Airways), le ciment (Bouamatou Ciment), puis il s'est tourné vers la finance et le secteur bancaire, en prenant le contrôle de la Générale de Banque de Mauritanie (GBM) devenue, en un laps de temps, l'une des principales, sinon la première banque mauritanienne... Il est aussi annoncé qu'il serait actionnaire à hauteur de 10% de Mondafrique, un site d'information en ligne.
Après cette ascension fulgurante, c'est tout naturellement qu'il a été président de la Confédération nationale du patronat de Mauritanie (CNPM).
Mais Mohamed Ould Bouamatou est aussi philanthrope, et a créé une fondation en son nom qui vient au secours des Mauritaniens ayant des troubles de la vision.
Sur le plan politique, l'homme d'affaires s'est fortement engagé auprès de ses cousins, Ely ould Mohamed Vall et Mohamed ould Abdelaziz, tombeurs de Maaouiya ould Sidi Ahmed ould Taya en 2005.
Fort de ces solides appuis, il a su devenir l'homme d’affaires le plus en vue du pays. Et après la brève parenthèse démocratique de Sidi ould Cheihk bdallahi, Mohamed Ould Bouamatou sera à nouveau au devant de la scène lors de l’élection présidentielle de 2008, qui a porté au pouvoir le président Mohamed ould Abdelaziz.
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Il a été l’un des principaux, sinon le plus important pourvoyeur de fonds de la campagne présidentielle, menée tambour battant, de celui qui est devenu le président Mohamed ould Abdelaziz. A coup de milliards d’ouguiyas, l’homme d’affaires a soutenu son cousin face à l’opposition mauritanienne.
Seulement, voilà: quelques années après cette élection qui a porté son cousin à la magistrature suprême, les relations se sont détériorées entre les deux hommes. Le président Aziz, aux débuts de son mandat, a en effet commencé par mettre quelques hommes d’affaires aux arrêts, dont les principaux banquiers du pays, à cause de fraudes fiscales. Et Mohamed Ould Bouamatou, bien que son cousin, n'a pas été épargné...
Ainsi, en 2013, le pouvoir le soupçonne de non-paiement d'impôts et de fraudes fiscales. Plusieurs entreprises de son groupe sont ciblées par des redressements fiscaux et il est sommé de s'acquitter auprès du fisc de plus d'une dizaine de millions d'euros .
N’étant plus en odeur de sainteté auprès du président, qui avait décidé de privilégier de nouveaux opérateurs économiques à ses côtés, Ould Bouamatou a choisi l’exil et s’est installé au Maroc. L'homme d'affaires avait vécu à Marrakech, où il dispose toujours d’une somptueuse villa,
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Depuis le Royaume du Maroc, il avait pourtant continué à influer sur la vie politique en Mauritanie. Outre les soutiens apportés à des partis politiques, à des syndicats et à des médias, Mohamed Ould Bouamatou aurait, selon les autorités mauritaniennes, influé sur la décision des sénateurs de rejeter la réforme constitutionnelle, pourtant prônée par Mohamed ould Abdelaziz et qui concernait, entre autres, la suppression du Sénat et le changement des symboles du pays (drapeau et hymne national).
Les causes de cette importante réforme étaient vues, par beaucoup, comme une tentative du président Aziz de pérenniser son pouvoir, et d'y conforter son assise, en faisant "sauter", par la suite, un verrou d'importance: celui de l'impossibilité de dépasser deux mandats présidentiels.
Et depuis lors, du fait de cette tentative de Ould Bouamatou d'influer sur la vie politique de son pays dà partir de son exil marocain, une guerre totale a été déclarée entre les deux cousins, une guerre où tous les coups sont permis.
Depuis Marrakech, en effet, Mohamed Ould Bouamatou recevait les hommes en charge de la gestion de ses biens en Mauritanie, ses amis, mais aussi des opposants au régime du président Aziz, ce qui n’avait pas manqué de détériorer davantage les relations entre le Maroc et la Mauritanie.
En 2015, l’homme d’affaires et banquier mauritanien crée la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique. Une décision considérée à Nouakchott comme une tentative d’influer sur la présidentielle mauritanienne de 2019.
Le gouvernement mauritanien a fini par lancer un mandat d’arrêt international pour blanchiment d'argent contre l’homme d’affaires à la suite de l’affaire Ghadda, un sénateur à la tête de la fronde des opposants contre la réforme constitutionnelle initiée par Aziz. Mais ce mandat n’a pas connu de suite, Interpol jugeant que ce dossier était également politique.
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Un évènement est pourtant venu changer la donne, en décembre 2016. Après la sortie hasardeuse sur "la marocanité de la Mauritanie" de Hamid Chabat, l'ex-secrétaire général du parti de l’Istiqlal (actuellement dans l'opposition), le Maroc et la Mauritanie ont décidé de tourner la page de leurs relations tumultueuses et de les améliorer.
Le Royaume a ainsi nommé un nouvel ambassadeur et la Mauritanie a fait de même. Entre-temps, Mohamed Ould Bouamatou, dont les relations avec Aziz devenaient décidément exécrables, aurait été gentiment prié par les autorités marocaines de se trouver un nouveau pays d’accueil. L'homme d'affaires vit depuis entre Bruxelles et Londres, selon plusieurs sources, où il continue de défier le régime de Mohamed ould Abdelaziz.
C’est dans le cadre de cette guerre fratricide que s’inscrit ce nouvel épisode, survenu hier jeudi 20 décembre 2018, qui a valu à Mohamed ould Bouamatou, accusé d’avoir mis sur les réseaux sociaux des images de prétendus passeports marocains, supposés appartenir au Président mauritaniens et à un membre de sa famille.
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Suite à cette affaire, le Royaume du Maroc a démenti cette grossière aberration, par voie de communiqué officiel, soulignant que les investigations ont permis de relever que ces passeports sont inexistants au niveau de la base de données biométrique des services marocains.
En conséquence, le ministère marocain des Affaires étrangères et de la coopération internationale a assuré que Ould Bouamatou, manifestement impliqué dans cette affaire, est désormais interdit d’accès au territoire marocain, sans préjudice d'éventuelles poursuites pénales qui pourraient être engagées à son encontre.
Cette interdiction d'accès au Maroc signifie aussi que Ould Bouamatou a perdu ses soutiens au Royaume et que les relations entre Rabat et Nouakchott s'annoncent apaisées dans l’avenir.