Afrique: à cause du Covid-19, les transferts de la diaspora vont chuter de 21%

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Le 15/10/2020 à 14h07, mis à jour le 16/10/2020 à 14h11

La Commission économique pour l’Afrique (CEA) avance que les envois de fonds des migrants vont baisser fortement en 2020 à cause de la pandémie du Covid-19, après plusieurs années de hausse. De plus, le coût du transfert reste un facteur qui limite les envois d'argent. Les explications.

Après plusieurs années de hausse des transferts de la diaspora, la pandémie de Covid-19, qui a fait des ravages économiques dans le monde, les fait chuter. 

Les pertes d’emplois et les baisses de revenus dans les pays d’accueils des migrants ont fortement touché la diaspora africaine qui vit principalement dans les pays fortement impactés par la pandémie: France, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, etc. Une situation qui a été aggravée dans certains pays par la perturbation des opérations des prestataires de services de transfert de fonds.

Conséquence, les transferts des migrants en continuelle hausse depuis six ans devraient enregistrer une chute notable en 2020, selon la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Ainsi, selon l’institution onusienne, les transferts de fonds en Afrique par la diaspora pourraient diminuer de 21% en 2020, comparativement à 2019, et descendre à 67 milliards de dollars. Sachant que l’année dernière, les migrants africains avaient transféré 85 milliards de dollars à leurs proches sur le continent, les économies africaines devraient ainsi recevoir 18 milliards de dollars de moins cette année, selon les estimations de la CEA.

Rappelons qu’au niveau mondial, la Banque mondiale a prédit une chute des transferts d’environ 20% en 2020 à 445 milliards de dollars.

Les conséquences de cette chute des transferts d’argent de la diaspora sont néfastes pour les économies africaines. En effet, il faut souligner que dans certains pays, les transferts représentent une proportion importante de leur PIB (plus de 5% du PIB dans 15 pays africains, avec 34,4% du PIB du Soudan du Sud, 10,5% du PIB du Sénégal, etc.) et beaucoup de familles dépendent fortement de ses transferts. Et il s’agit généralement des personnes les plus vulnérables pour lesquelles ces transferts constituent des filets de sécurité économique et sociale. Les transferts des migrants permettent à plusieurs familles vulnérables de disposer de revenus en espèces pour couvrir leurs besoins en biens et services essentiels (produits alimentaires, dépenses de santé, éducation, logement, etc.).

Du coup, la réduction des envois de fonds pourrait aggraver la crise actuelle en privant les plus pauvres de leur principe source de revenus. Partant, il faut faciliter les envois de fonds pour soutenir directement les personnes dans le besoin et donner un coup de fouet économique aux pays en développement.

Face à cette situation, et pour encourager les transferts, la CEA pense qu’il faut réduire les coûts des transferts de fonds. Actuellement, le coût mondial médian d’un envoi de 500 dollars est de 5% et celui de 200 dollars est de 7%, selon les données de la Banque mondiale. En passant par les banques, ces frais peuvent atteindre 11% de la somme envoyée, quand il s’agit de petits montants. Pire encore, l’Afrique est le continent pour lequel le coût des envois d’argent est le plus élevé, avec près de 14%, selon la Banque mondiale.

En clair, on est encore loin de la cible de 3% fixée dans l’objectif de développement durable.

Conséquence, selon Money and Banking, en 2017, au niveau mondial, les expéditeurs ont payé environ 30 milliards de dollars en frais. Face à cette situation, les transferts d’argent par téléphone mobile sont appelés à la rescousse pour réduire les frais de transfert. A ce titre, en Ouganda, la société de télécommunications MTN a renoncé aux frais sur les transferts d’argent par téléphone mobile. La Banque centrale du Kenya a demandé aux banques l’exonération des frais pour les transferts de comptes bancaires vers des portefeuilles numériques.

Toutefois, pour s’approcher du coût cible des envois de fonds de 3%, il faudra que les pays fassent évoluer leurs régimes nationaux de transferts de fonds, promeuvent la numérisation de la chaîne de valeur des transferts de fonds pour réduire les coûts de l’expéditeur au destinataire, offrent des incitations fiscales aux prestataires de services de transfert de fonds afin de réduire les frais, etc.

Enfin, rappelons que les principaux pays bénéficiaires des transferts des migrants en Afrique sont l’Egypte, le Nigeria et le Maroc qui ont drainé des montants respectifs de 26,8 milliards de dollars, 23,8 milliards de dollars et 6,7 milliards de dollars en 2019.

Par Moussa Diop
Le 15/10/2020 à 14h07, mis à jour le 16/10/2020 à 14h11