Covid-19 en Afrique: la progression de la pandémie ralentit, mais les ouvertures des frontières font craindre le pire

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Le 16/09/2020 à 16h43, mis à jour le 17/09/2020 à 14h08

De manière globale, les contaminations au coronavirus évoluent à la baisse en Afrique. Les décès sont également moins nombreux. Toutefois, l'ouverture des frontières envisagée par plusieurs pays du continent fait craindre une recrudescence de la pandémie. Explications.

Alors que la pandémie du coronavirus semble connaître une recrudescence en Europe et en Amérique, les contagions sont en net recul au niveau du continent africain. Ainsi, le 15 septembre, seulement un total de 6.286 nouveaux cas ont été enregistrés au niveau des 54 pays du continent, contre un moyenne dépassant largement les 15.000 cas quotidiens en début juillet et un pic de 20.984 cas lors de la journée du 24 juillet dernier.

Ainsi, à la date du 16 septembre, le nombre total des personnes officiellement contaminées au niveau du continent s’établit à 1.366.423 cas. L’Afrique du Sud concentre à elle seule 651.521 cas officiels, soit 47,70% des contagions au Covid-19 enregistrés au niveau du continent. Loin derrière suivent l’Egypte (101.340 cas), le Maroc (90.324 cas), l’Ethiopie (65.486 cas), le Nigeria (56.478 cas), l’Algérie (48.734 cas) et le Ghana (45.601 cas).

Courbe d'évolution des cas de Covid-19 en Afrique.

Sur l'ensemble des cas enregistrés en Afrique depuis le début de la pandémie, 1.117.327 ont été déclarés guéris. Cela représente un taux de guérison de 82% (contre 68% en moyenne au niveau mondial), ce qui est exceptionnel quand on connaît le déficit en infrastructures et équipements sanitaires au niveau du continent.

L’Afrique du Sud comptabilise 583.126 guérisons, soit 52,2% des cas de guérison au niveau du continent. L’Egypte (85.745 guérisons), le Maroc (71.047 guérisons), le Nigeria (44.430 guérisons), l’Algérie (34.358 guérisons) et l’Ethiopie (25.988 guérisons) affichent des taux de guérisons respectifs de 84,61%, 78,66%, 78,67% et 70,50% et 40%.

Toutefois, c’est le Ghana qui réalise la meilleure performance avec 44.679 guérisons pour 45.601 cas confirmés, soit un taux de guérison de 98%. C’est l’un des premiers pays à avoir mis en place des tests à grande échelle. Ce qui a permis de détecter très tôt les personnes atteintes du Covid-19 et de les suivre, évitant ainsi l’aggravation de leur état sanitaire et les contaminations par contact.

Quant aux décès liés au Covid-19 en Afrique, ils sont au nombre de 33.072 au total, pour les 54 pays du continent. Le taux de létalité s’établit à 2,96%, contre une moyenne mondiale de 3,16%.

L’Afrique du Sud enregistre à elle seule 15.641 décès, soit 47,30% des décès totaux liés au Covid-19. Toutefois, on est encore très loin des chiffres projetés par les autorités sanitaires. Les experts de l’Université du Cap avançaient, en mai dernier, le chiffre de 40.000 décès liés au Covid-19 en Afrique du Sud pour un million de personnes infectées.

Derrière l'Afrique du Sud, on trouve l’Egypte (5.679 décès), le Maroc (1.648 décès), l’Algérie (1.632 décès), le Nigeria (1.088 décès) et l’Ethiopie (1.035 décès).

On sait que ces chiffres officiels minorent le nombre des contagions et des décès liés à la pandémie du coronavirus. Néanmoins, la réalité sur le terrain montre qu’on est globalement loin de l’hécatombe annoncée en Afrique.

A cause du déficit des infrastructures sanitaires, du manque d’équipements de protection (masques, gel hydroalcoolique), du non-respect des distanciations physiques, des conditions sociales et comportementales et des défiances en matière d’assainissement, beaucoup de spécialistes avaient prédit le pire pour le continent africain.

Finalement, après environ 7 mois de présence officielle du Covid-19 sur le continent, la situation est loin d’être catastrophique. L’Afrique qui abrite un peu plus de 15% de la population mondiale comptabilise 4,50% des cas et 3,53% des décès liés au coronavirus enregistrés dans le monde.

De plus, la nouvelle vague de contagions qui frappe particulièrement l’Europe et l’Amérique semble épargner le continent, à l’exception de deux pays: le Maroc et la Tunisie. Deux pays maghrébins qui ont des relations intenses avec l’Europe avec d’importantes diasporas au niveau du vieux continent.

Si au Maroc la nouvelle vague de contagions se cantonne à des foyers localisés, en Tunisie, elle est essentiellement due à l’ouverture des frontières au reste du monde depuis le 27 juin dernier.

Avant cette ouverture, la Tunisie enregistrait quotidiennement un nombre faible de cas parmi les membres de la diaspora rapatriés au pays. Avec l’arrivée des touristes étrangers, les cas de Covid-19 et de contagions ont explosé. On est passé de de 1.455 cas le 27 juin à 7.623 cas à la date du 15 septembre, soit une hausse 4.239%. Le pays a enregistré un pic de 747 cas le 15 septembre, soit plus de la moitié des cas enregistrés entre le début de l’apparition de la pandémie en mars et l’ouverture des frontières du pays. 

Cette situation inquiète aujourd’hui de nombreux pays africains qui ont ouvert leurs frontières et/ou envisagent de le faire. Le Sénégal a ainsi enregistré des pics de contagions après l’ouverture de ses frontières début août et la multiplication des vols spéciaux vers les pays européens abritant une importante diaspora sénégalaise, comme la France, l’Italie et l’Espagne.

Aujourd’hui, ce sont plus de 30 pays africains qui ont annoncé l’ouverture de leurs frontières aériennes. La fermeture de l’espace européen à presque tous les pays du continent, à l’exception du Rwanda et de la Tunisie, limite actuellement les risques de contagion. Toutefois, les déplacements entre pays africains présentent également un danger. En effet, les cas asymptomatiques sont très nombreux en Afrique où la faiblesse des tests Covid-19 est notoire.

En effet, hormis l’Afrique du Sud, le Maroc et l’Ethiopie avec respectivement 3,94 millions, 2,27 millions et 1,16 million de tests effectués, les pays africains testent peu. On ne peut pas avoir une idée réelle du nombre de cas. Du coup, les ouvertures de frontières risquent d’aggraver les contagions, même en imposant des tests PCR aux voyageurs.

Reste que les frontières ne peuvent demeurer éternellement fermées. Les économies africaines tournent au ralenti et certains secteurs, dont le tourisme et ceux liés au transport aérien, sont à l’agonie dans presque tous les pays. Un choix cornélien se pose donc aux autorités politiques qui essayent, autant que possible, de partager la décision avec les scientifiques et experts en santé.

Par Moussa Diop
Le 16/09/2020 à 16h43, mis à jour le 17/09/2020 à 14h08