Vidéo. BMCE Bank of Africa: Pourquoi Othman Benjelloun ne décroche toujours pas

Le360 : Adil Gadrouz

Le 03/04/2018 à 15h51, mis à jour le 03/04/2018 à 16h37

VidéoA 87 ans, Othman Benjelloun est toujours actif, à la tête d’une groupe de plusieurs milliers de collaborateurs, présent dans 19 pays du continent, en plus de l’Europe et de l’Asie. Mieux, il se projette encore et encore sur l’Afrique et sur la Chine.

Hier, lundi 2 avril, le groupe BMCE Bank présentait ses résultats annuels qui continuent de connaître une forte croissance, bien que toutes les entités constituant la multinationale financière ne soient pas logées à la même enseigne. La salle de conférence de la Tour BMCE refusait du monde, au point où des chaises étaient installées dans le couloir. C'est toujours ainsi quand Othman Benjelloun prévoit d'être sur place. Costume bleu Mitterand, chemise immaculée, cravate sombre, il était au rendez-vous. Pas pour donner des chiffres, mais pour parler du groupe et de la nouvelle vision. Quand il parle du groupe BMCE Bank of Africa, cela passe souvent par des souvenirs qui font remonter des émotions.

«Dès les premières années de l’indépendance, nous avons lancé, mon père, mon frère et moi, plusieurs entreprises industrielles», explique-t-il en lisant son discours. Puis sa gorge se noue. Il saisit le verre d’eau posé sur son pupitre: «permettez-moi d’en boire une gorgée». Il en avale une, puis deux, souffle un grand coup et reprend la lecture de son discours.

L'assistance qui est là depuis deux heures de présentation des résultats 2017 et de débats avec les 7 membres du staff du groupe bancaire panafricain est toujours attentive, malgré la demi-heure que va prendre son intervention.

Ici tout le monde l’appelle "Monsieur le président". Même certains journalistes sont emportés dans ce rituel respectueux. .

Chez lui, pas de place à l’approximation. L'homme qui se pointe toujours à 8h à son bureau est ponctuel, il minute presque tout.

Quand entre enfin Monsieur le président, il est exactement 17h40, comme annoncé par Brahim Benjelloun Touimi, maître de cérémonie pour la circonstance, mais non moins Administrateur directeur général de BMCE Bank Of Afriqca et fidèle parmi les fidèles de l'homme d'affaires. Tous les collaborateurs sans exception, plusieurs analystes et quelques journalistes se lèvent. Quelque part, une journaliste installée sur une chaise -il n'y avait plus de place dans la salle- marque un peu d'agacement par ce comportement presque protocolaire et ce culte de la personnalité. 

Othman Benjelloun préfère quant à lui associer sa vision à celle de Mohammed VI, aussi bien sur l'Afrique que sur la contribution à l'économie marocaine. Dans son discours, il fera plusieurs fois référence au souverain, notamment à son appel à concevoir et à déployer «un nouveau modèle marocain de développement plus inclusif», afin de gommer à la fois les inégalités sociales et régionales.

Du haut de ses 87 ans, Othman Benjelloun a du souffle et son regard est projeté plus que jamais vers l'avenir. Comment fait-il encore à cet âge pour gérer un groupe aussi important, présent dans 19 pays africains, mais également en Europe et en Asie? L’un de ses plus proches collaborateurs répond: "il est extrêmement bien organisé, si Othman. De plus, il s’entoure des hommes et des femmes qu’il faut".

Preuve de ce caractère d’homme organisé: dès l’entame de son discours, il annonce qu’il a chronométré le temps de son intervention et qu’il devrait faire 27 minutes. Il en fera 29, presque 30, sans doute à cause des salves d’applaudissements qui l’ont interrompu à deux reprises. Vers la fin de son discours imprimé sur plusieurs feuilles, presque une dizaine, les deux dernières pages se sont inversées. "Je ne vois plus la suite de ce qui est écrit", dit-il volontiers.

Immédiatement, du fond de l’amphithéâtre accourt un collaborateur avec une deuxième copie. «C’est la preuve que Madame Serghini est dans les parages», sourit Othman Benjelloun qui, entre temps, avait retrouvé la dernière page qui lui manquait pour conclure son discours.

«Madame Serghini dans les parages» n’est qu’une preuve supplémentaire des nombreuses compétences qui entourent ce capitaine d’industrie africain et qui ont fait la réussite du groupe. En fait, l'autre clé de sa longévité à la tête de son groupe: savoir s'entourer. 

Ce que lui-même ne manquera pas de souligner en leur rendant hommage. Il s'était gardé jusqu'ici de parler de chiffres, mais pour mettre en exergue l'évolution du groupe depuis sa privatisation, le voilà contraint de se plier à l'exercice. «En 23 ans, depuis la privatisation, le groupe BMCE Bank a vu son PNB multiplié par 10, le résultat net part du groupe quintupler, le cours de son action en bourse sextupler. Et tout ceci, on le doit aux nombreux collaborateurs qui ont adhéré à ce projet et qui contribuent chaque jour à sa concrétisation», explique-t-il avant d’être interrompu par une nouvelle salve d’applaudissements. Les autres chiffres n'émaneront pas de lui, mais ils montrent que l'année 2017 a été très bonne et que l'Afrique confirme son poids dans le groupe. 

De façon globale, l'international représente 47,9%, soit près de la moitié d'un Produit net bancaire (PNB) consolidé de BMCE Bank Of Africa qui atteint 13,4 milliards de dirhams à fin 2017. La banque au Maroc ne contribue plus que pour 42% de ce volume d'activité composé des trois principales marges des banques, à savoir les intérêts, les commissions et les activités de marché. La différence provient, quant à elle, des filiales non bancaires basées principalement au Maroc. Concernant le bénéfice, l'Afrique a contribué à hauteur de 76 millions d'euros, soit près 861 millions de dirhams, au cours de change actuel, représentant 43% du Résultat net part du groupe. Alors que l'activité européenne dégage un bénéfice de 11 millions de livres. C'est dire que la banque confirme, chiffres à l'appui, son ancrage international en général et africain en particulier.

Il y a une dizaine d’années déjà, dans cette même salle et répondant à une question d’un journaliste, Othman Benjelloun avait prévenu qu’il ne prendrait jamais sa retraite. "Mon père a travaillé jusqu’à son dernier souffle, alors moi non plus je n’ai pas l’intention de prendre ma retraite", avait-il dit en substance. Depuis lors, presque plus personne ne lui pose ouvertement la question.

Aujourd’hui, il s’inscrit dans une logique de nouvelle stratégie du groupe devant permettre à BMCE Bank of Africa de se projeter dans une extension en Afrique et en Chine. «Nous ne pouvons pas donner plus de détails, puisque nous attendons l’augmentation de capital avant de le faire», a dit Brahim Benjelloun Touimi, administrateur directeur général du groupe.

Il précisera néanmoins que l’inscription du Maroc sur "la Route de la soie", par Pékin, est une opportunité énorme pour le groupe bancaire qui compte faire une triangulation Sino-africano-marocaine. En d’autres termes, l’objectif est clairement de tirer profit autant que possible du fait que la Chine est devenue le premier partenaire commercial et financier du continent africain. Cette nouvelle stratégie du groupe BMCE Bank of Africa a pour but essentiel de faire du trade finance et donc d’accompagner la croissance des échanges commerciaux. Il est aussi question d’accompagner les investissements des entreprises chinoises comme dans le cadre de la Cité Mohammed VI Tanger Tec à laquelle le groupe BMCE Bank of Africa est associé avec le conglomérat chinois Haite du milliardaire Li Bao. Avec de tels projets, «Monsieur le président» n’en a pas encore fini de nous épater.

Par Mar Bassine Ndiaye et Adil Gadrouze
Le 03/04/2018 à 15h51, mis à jour le 03/04/2018 à 16h37