Faux médicaments: à quand une réelle prise de conscience des dangers de ces pseudo-remèdes?

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Le 04/12/2019 à 12h14, mis à jour le 05/12/2019 à 16h44

Les chiffres sont pourtant alarmants. Dans certains pays africains, un médicament sur sept vendu est contrefait. On évalue entre 200.000 et 700.000 morts les victimes de ces «faux remèdes». Devant ce grave problème sanitaire, les réactions des pays d'Afrique sont encore bien timides. Explications.

200 tonnes de médicaments contrefaits saisies en une semaine à Abidjan, des dizaines de tonnes à Nouakchott, en Mauritanie, dans le cadre d’une opération menée par le ministère de la Santé et, au Cameroun ainsi que dans d'autres pays du continent, les autorités semblent commencer à prendre conscience de l’ampleur du phénomène des faux médicaments et de leurs effets néfastes sur la santé de personnes déjà malades. 

Selon l’OMS, les faux médicaments ou produits médicaux «falsifiés» sont des produits dont l’identité, la composition ou la source sont représentées de façon trompeuse, que ce soit délibérément, ou frauduleusement.

Si le phénomène est mondial, sachant que les faux médicaments contre le paludisme et la tuberculose sont vendus dans plus de 90 pays dans le monde, il n’en demeure pas moins que l’Afrique est le continent le plus touché.

Pour preuve, alors qu’un médicament sur dix vendu dans le monde est considéré comme faux, en Afrique subsaharienne, 42% des médicaments en circulation sont falsifiés. Pire encore, dans certains pays, ce ratio peut atteindre, et même dépasser, ce record de sept médicaments sur dix.

C’est dire que le laisser-aller n'a que trop duré dans de nombreux pays du continent, tout particulièrement en Afrique subsaharienne, alors que le Maghreb est relativement épargné par ce phénomène. Souvent, ces faux médicaments sont distribués, en plus des voies parallèles, parfois via des circuits traditionnels et même officiels, dans es pharmacies. 

Ainsi, en 2017, au Bénin, un laboratoire pharmaceutique indien, New Cesamex, a été accusé d’être impliqué sans la distribution de faux médicaments, conjointement avec les 7 principaux distributeurs pharmaceutiques du pays.

Les dirigeants de ces distributeurs pharmaceutiques ont été condamnés à 4 ans de prison ferme, et à verser, chacun, une lourde amende de 100 millions de francs CFA (152.439 euros).

Toujours durant cette année 2017, Interpol a saisi 47 millions de comprimés dans 7 pays d’Afrique de l’Ouest.

Il faut dire qu’au niveau de la région, le Nigeria est considéré comme la plaque tournante de ce commerce de faux médicaments fabriqués en Afrique, mais aussi et surtout en Chine, et en Inde, à partir de produits détournés.

Toutes les pathologies qui sont concernés par ce trafic de faux médicaments: antibiotiques, anticancéreux, antipaludiques, produits vétérinaires, etc.

Ces pseudo-remèdes, administrés à des personnes déjà malades des ravages sur le continent. En effet, l’usage des faux médicaments cause près de 200.000 décès par an en Afrique, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

L’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) avance quat à lui que ce sont 700.000 personnes qui meurent chaque année en Afrique après avoir ingurgité des faux médicaments. A cela, il faut ajouter ceux qui tombent malades en prenant ces faux médicaments croyant avoir affaire à des remèdes.

Pourquoi le commerce de faux médicaments prolifère-t-il ainsi? Cette prolifération s’explique par la rentabilité de ce trafic.

En effet, selon des études de la Fondation Chirac pour l’accès à une santé et à des médicaments de qualité, si 1.000 dollars investis dans le trafic de cocaïne rapporte 20.000 dollars, 40.000 dollars dans le trafic de cigarettes, en ce qui concerne les médicaments contrefaits, cet investissement rapporte entre 200.000 et 450.000 dollars.

Ces chiffres sont d'ailleurs confirmés par la Fédération internationale de l’industrie du médicament (FIIM) , qui explique qu’un investissement de 1.000 dollars peut générer un bénéfice de 500.000 dollars. En clair, le trafic de faux médicaments est très rentable.

Ainsi, le chiffre d’affaires des médicaments falsifiés est estimé au minimum entre 10 et 15 fois celui du marché pharmaceutique mondial,, selon l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm), soit 100 à 150 milliards de dollars, voire 200 milliards de dollars, selon une étude du World Economic Forum.

Ensuite, cette prolifération s’explique aussi par la corruption et un certain laisser-aller qui existe dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, où les contrôles ne sont pas effectués par les autorités concernées, qui sont, de plus, souvent elles-mêmes complices des trafiquants.

Par ailleurs, la pauvreté qui sévit dans de nombreux pays du continent fait que le terrain est propice à la prolifération des faux médicaments.

En outre, les techniques utilisées par les fabricants de médicaments contrefaits se développe à tel point qu’il est désormais devenu difficile de distinguer un produit contrefait d’un vrai produit.

En effet, les faussaires utilisent les mêmes emballages et les mêmes étiquettes que les fabricants de produits originaux.

Enfin, l’ampleur du phénomène s’explique aussi par le fait que contrairement au trafic de stupéfiants, qui est lourdement condamné, le commerce de faux médicaments demeure largement impuni dans le monde, du fait qu’il est considéré comme un simple délit de violation de la propriété intellectuelle.

Ainsi, en Mauritanie, malgré les tonnes de faux médicaments saisies dans le cadre d’une récente opération d’assainissement, très peu de personnes ont été inquiétées, malgré l'ampleur de ce phénomène.

En clair, pour lutter contre ce fléau, il faut considérer le trafic de faux médicaments comme relevant du crime organisé, au même titre que celui de la drogue, qui génère moins de victimes humaines.

Pour cela, la prise de conscience doit être collective et la lutte contre ce phénomène qui prend de plus n plus d'ampleur doit être organisée tant aux niveaux régional que continental, du fait de la porosité des frontières.

Malheureuselment, souvent, on ne note que des opérations ponctuelles, "coup de poing", par définition sans lendemain...

Or, pour éradiquer ce phénomène, il faut agir continuellement et sur le long terme, avec une législation ferme à même de dissuader définitivement les trafiquants. 

Par Moussa Diop
Le 04/12/2019 à 12h14, mis à jour le 05/12/2019 à 16h44