Inondations en Afrique de l’Ouest: outre le changement climatique, autorités et citoyens sont aussi responsables

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Le 05/09/2022 à 17h24, mis à jour le 05/09/2022 à 17h25

Après une année 2021 marquée par des sécheresses, ce sont les dégâts occasionnés par les inondations qui font l’actualité dans de nombreux pays africains. Si les fortes pluies consécutives au changement climatique y sont pour beaucoup, plusieurs autres facteurs sont derrière ces catastrophes.

Les populations des capitales des pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest font face à de fortes précipitations suivies d’inondations souvent meurtrières. Ainsi, de Dakar au Sénégal, à Niamey au Niger, en passant par Nouakchott en Mauritanie, ou Abidjan en Côte d’Ivoire, rares sont les capitales de l'Ouest qui n’ont pas été touchées par les conséquences désastreuses des fortes pluies qui se sont abattues dans la région causant des morts, d’importants dégâts matériels, de destruction d’infrastructures et pouvant aussi entraîner des risques d’épidémies.

Ces inondations ont pour première explication le changement climatique. Selon les experts du domaine, c'est en effet le changement climatique, avec comme corollaire la multiplication des pluies torrentielles, qui aggravent les effets dévastateurs des inondations. Ainsi, selon les experts, les crues inhabituelles qui frappent la région s’expliquent surtout par le fait que certaines zones du continent sont entrées dans une nouvelle ère hydroclimatique. Cette situation permet de mieux comprendre les périodes sèches successives, plus sévères, comme ce fut le cas en 2021, interrompues par des pluies violentes, comme c’est le cas cette année.

Si le changement climatique explique grandement l’ampleur inhabituelle des pluies et des inondations, il n'en demeure pas moins que les catastrophes occasionnées par les pluies dans de nombreuses capitales africaines pourraient être limitées et même évitées.

En effet, au-delà du fait que les précipitations de cette année ont globalement dépassé les moyennes enregistrées durant ces dernières décennies, force est de constater que les inondations s’expliquent surtout par de nombreux manquements.

D’abord, il y a un déficit d’infrastructures d’assainissement. En effet, dans toutes les capitales ouest-africaines, et d’Afrique subsaharienne en général, l’assainissement est le parent pauvre. Rares sont ces métropoles qui sont dotées de réseaux d’assainissement à même d’évacuer les eaux usées et de pluies. Souvent ces réseaux sont hérités de l’ère coloniale et n’ont pas été adaptés alors que les villes ont grandi sous l’effet d’une urbanisation sauvage. Pire, certaines capitales, comme Nouakchott, la capitale mauritanienne, sont entièrement dépourvues d’égouts et de système d’évacuation des eaux usées. Et puisqu'elle est, en plus, construite en dessous du niveau de la mer, la plus petite précipitation se traduit par des inondations.

Ensuite, il y a l’effet de la pression démographique et de l’urbanisation galopante entraînant des constructions anarchiques. A cause de la corruption et d’absence de réglementations claires interdisant les constructions au niveau des zones humides et des lits de ruissellement des eaux de pluies, les populations bâtissent partout où elles le peuvent, allant jusqu'à obstruer les voies de ruissellement des eaux de pluies. Cela est particulièrement vrai pour la capitale sénégalaise, Dakar, où les constructions dans les «niayes», des zones humides, contribuent fortement à la rétention des eaux et donc aux inondations. Ainsi, les habitants de plusieurs quartiers (Mbao, Keur Massar…) de la capitale sénégalaise ont les pieds dans l’eau. Un scénario qui se répète à chaque hivernage, et ce, malgré plus de 780 millions d’euros investis dans le cadre du Programme décennal de gestion des inondations (PDGI).

Par ailleurs, ces inondations sont aussi les conséquences des comportements non citoyens des populations. Outre les constructions anarchiques, les populations des capitales africaines contribuent à boucher les égouts et autres canaux d’évacuation des eaux usées en les transformant en décharges publiques. Remplis de détritus en tout genre, ils ne peuvent plus jouer leur rôle et transporter les eaux comme il se doit. Et sur ce point aussi, il faut noter que les autorités communales n’anticipent pas en débouchant les canalisations aux débuts des périodes d’hivernage.

Enfin, l’élimination des espaces verts au niveau des capitales africaines au profit du béton réduit fortement l’infiltration et limite le ruissellement de l'eau dans les sols, accentuant les inondations.

En conséquence, et avec le changement climatique, synonyme de sécheresses aiguës alternant avec des pluies abondantes, les autorités doivent revoir leurs politiques d’urbanisation. Les canalisations et égouts d’évacuation des eaux usées et de pluies doivent impérativement accompagner les schémas d’urbanisation. Et aucune construction ne devrait être permise dans un terrain dépourvu de canaux d’évacuation des eaux. De même, les autorités doivent clairement identifier les zones humides et les zones d’écoulement des eaux de pluies et y interdire toute construction. A défaut, plusieurs quartiers de capitales africaines pourraient devenir inhabitables d’ici quelques années.

Par Moussa Diop
Le 05/09/2022 à 17h24, mis à jour le 05/09/2022 à 17h25