Les médias mauritaniens sont confrontés depuis de nombreuses années à une crise structurelle combinée à de nombreux maux, depuis longtemps constatés par la profession.
De son côté, le gouvernement, lui aussi partie prenante, car plusieurs médias sont contrôlés par l'Etat qui en détient les capitaux, se dit désormais conscient des problèmes auxquels sont confrontés aussi bien les patrons de presse que les journalistes. La décision d'une réforme a donc été prise au plus haut sommet de l'Etat.
Le président mauritanien, Mohamed Cheikh El Ghazouani, aux commandes du pays depuis près d’une année, a donc installé une Commission nationale pour la réforme de la presse publique et privée, dans un pays qui compte, en plus de la presse écrite et électronique, trois chaînes de télévision et trois stations de radios privées.
Le chef de l’Etat mauritanien a reçu en audience hier, mardi 21 juillet, le président de cette commission, Maelainine Wedady, accompagné de tous les membres de cette commission.
Lire aussi : Mauritanie: la loi sur la publicité peut-elle sauver la presse?
Au cours de ses échanges avec ces professionnels des médias, le chef de l’Etat mauritanien a mis en avant «l’immense responsabilité des membres de la commission dans la formulation de propositions visant une réforme globale de la presse publique et privée. Cela, dans la mesure où les médias sont l’incarnation de la liberté d’expression, qui est un droit naturel inscrit dans toutes les constitutions. Par ailleurs, la préservation et la consolidation de la liberté d’expression constituent un de mes principaux engagements en tant que président de la République, et donc un choix stratégique de Etat».
Evoquant le rôle d’information, d’éducation et de l’action citoyenne que doivent mener les médias, le président mauritanien a rappelé «qu’il s’agit d’une composante dont le rôle est aussi important que celui de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. D’où la nécessité d’un consensus chez les journalistes pour trouver des solutions à tous les problèmes auxquels est confronté le secteur».
Lire aussi : Mauritanie. Aide à la presse: le syndicat des journalistes réclame une révision des critères de distribution
El Ghazouani a aussi plaidé pour une presse certes libre, mais également responsable, apte à contribuer à l’unité nationale, capable d’éviter les pièges de la rumeur et de la désinformation.
La Mauritanie est en effet confrontée à une situation inédite, dans un pays qui prône le pluralisme de la presse.
Ainsi, en dehors des médias dits «publics» qui sont en réalité des organes dont la ligne éditoriale est contrôlée par l'Etat, et qui ne relaient que les discours officiels, il n’existe, dans les faits, aucune entreprise de presse privée répondant aux exigences des normes requises par cette profession.
Aujourd'hui, sous l'effet de la quatrième révolution industrielle et l'arrivée d'Internet dans tous les foyers, tous les titres de la presse privée écrite francophone ont disparu du paysage médiatique, à l’exception de trois ou quatre médias qui continuent à imprimer leurs exemplaires, alors même qu'aucun d'entre eux n'est désormais capable d'assurer la présence quotidienne du titre qu'il édite dans les kiosques.
Lire aussi : Vidéo. Mauritanie: vives critiques au sujet de la répartition du fonds d’aide à la presse
Ces titres privés sont par ailleurs lourdement handicapés par l’absence d'un marché publicitaire, d’abonnements en quantité suffisante, notamment de la part des administrations et des institutions publiques, suite à une interdiction qui avait été décidée sous les deux mandats de l'ex-président, Mohamed ould Abdel Aziz.
De plus, les avis d'appels d’offres et les différentes annonces et autres encarts que publie l'Etat sont réservés à la presse dite officielle.
Le Fonds d’Aide Publique à la presse privée (doté d'un modeste budget de l'ordre de l'équivalent de 200.000 dollars en ouguiyas, la monnaie nationale) est également jugé peu suffisant par les professionnels des médias.
L'ensemble de ces éléments contribuent à expliquer l'ampleur de la tâche qui attend les membres de cette nouvelle commission de réforme.