La feuille route de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) mise sur pied en janvier 2020, pour mener des investigations sur la décennie de gouvernance de l’ancien président mauritanien, Mohamed ould Abdel Aziz (2008/2019) prévoyait une fin de mission après le dépôt de son rapport sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Le document décrivant avec des détails minutieux, un océan d’entorses aux règles de gouvernance dans l’attribution d’une centaine de marchés des publics, a été effectivement soumis aux députés.
Ces marchés concernent l’énergie, les infrastructures, la pêche, la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), la construction du nouvel aéroport international de Nouakchott, la concession du terminal à conteneurs du port de Nouakchott, la liquidation de certaines entreprises publiques, le bradage des écoles et édifices publics à Nouakchott…
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Mais les élus du peuple ont décidé de faire jouer les prolongations dans ce feuilleton qui tient en haleine l’opinion nationale et internationale depuis plusieurs mois.
Car au-delà des présomptions graves de prévarication, le rapport des députés affirme que les enquêteurs «ont mis la main sur des informations relatives à des faits d’une extrême gravité, touchant à l’intégrité du territoire national, en plus de plusieurs violations flagrantes de la loi 14/2016 relative à la lutte contre la gabegie».
Sur la base de la nature des nouveaux incriminés, l’Assemblée nationale a adopté jeudi midi, une nouvelle résolution autorisant la poursuite des investigations et l’élargissement du champ d’action de la CEP «afin d’y inclure les nouveaux éléments liés à une action de nature à porter atteinte à l’intégrité du territoire national. Cette option permet à la représentation nationale de franchir une nouvelle étape sur la voie de la reddition des comptes, indispensable à la gestion des affaires publiques et à la bonne gouvernance», explique la déclaration justifiant l’adoption de la nouvelle résolution.
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En langage décodé, les députés ayant mené l’enquête, soupçonnent le président Mohamed ould Abdel Aziz, d’avoir proposé une cession de l’île de Tidra (située à 100 kilomètres au nord de Nouakchott, au large de la réserve naturelle du Parc national du Ban d’Arquin) à un ancien émir du Qatar.
C’est de cet endroit, chargé d’histoire et considéré comme le mythe fondateur de la Mauritanie, qu’est parti le mouvement des «Almoravides» en 1040. Celui qui a réussi à créer l’unité de nombreux peuples au-delà des frontières actuelles du pays.
Avec l’adoption de la nouvelle résolution du jeudi 23 juillet, les députés mauritaniens s’engagent clairement dans la voie d’une enquête susceptible de déboucher sur des éléments constitutifs du crime de haute trahison, au moment où l’Assemblée nationale se prépare à examiner lundi, une proposition de loi instituant la Haute Cour de justice (HCJ), seule juridiction compétente pour statuer en cas de haute trahison du chef de l’Etat et pour infractions touchant à la sûreté de l’Etat imputables aux membres du gouvernement.
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Commentant l’attribution des marchés sous le régime d'Aziz et la gouvernance du pays depuis plusieurs années, le document des députés charge lourdement les présumés responsables des pratiques de prévarication, en rappelant que «la gabegie est un fléau majeur et un handicap pour le développement».
Ainsi, une simple comparaison de la situation actuelle du pays, de ses ressources et des financements faramineux obtenus ces dernières années donne une idée de l’ampleur de la gabegie qui a gangrené les richesses de ce peuple démuni ».
Il décrit ainsi l’image peu reluisante d’un pays bien loti en matière de ressources naturelles, mais maintenu dans une pauvreté affligeante par des prévaricateurs.
Mohamed ould Abdel Aziz est arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, le 6 août 2008. Il a été élu président de la République pour un premier mandat, le 18 juillet 2009 et réélu le 21 juin 2014. Il a cédé le pouvoir à Mohamed Cheikh Ghazouani, un frère d’armes et ami de 40 ans, le 1er août 2019.