Sénégal. Covid 19: le rétropédalage de l’Etat sur deux mesures phare

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Le 28/04/2020 à 09h51, mis à jour le 28/04/2020 à 10h02

Au Sénégal, le gouvernement est revenu sur deux mesures phare qui étaient prises pour faire respecter à la fois les normes sanitaires et de distanciation sociale. Elles étaient presque inapplicables.

Au Sénégal, les autorités sanitaires et administratives ont été obligées de revoir la mesure de l'interdiction de la vente de pain dans les épiceries, mais également celle imposant la fabrication des masques sous la norme de qualité SN. Elles étaient difficiles à mettre en place et avaient même fini par exposer les Sénégalais à d'autres problèmes sanitaires.

Le lundi 23 mars dernier, l’Etat du Sénégal interdisait officiellement la vente de pains dans les épiceries, qui sont un maillon essentiel de la chaîne de distribution, mais qui posent un vrai problème de non-respect des normes sanitaires pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19.

La mesure avait également été saluée pour une autre raison non moins importante. Certains se sont dits qu'acheter son pain directement dans une boulangerie-pâtisserie présentait également l'avantage de la fraîcheur, car il était plus croustillant.

Sauf que ces boulangeries-pâtisseries sont relativement rares. Il fallait donc des mesures d'accompagnement, notamment la mise en place d'un nouveau dispositif de distribution qui allait prendre le relais.

C'est d'autant vrai, qu'avec le Ramadan, la demande en pain est forte, ce qui occasionne de longues files d’attente devant les boulangeries quelques heures avant la rupture du jeûne.

Conscientes des risques que posent ces rassemblements, les autorités ont d’abord essayé de convaincre les clients à se servir à partir de midi. Un conseil qui n’avait aucune chance d’être entendu pour plusieurs raisons. D’abord beaucoup ne veulent pas donné l’impression de n’avoir pas jeûné, ensuite le pain allait se ramollir avant la rupture du jeûne.

C’est ainsi que pour arrêter les rassemblements une fois pour toute autour des boulangeries, le ministère du Commerce et l'association des boulangers ont pris une série de décisions, au sortir de leur réunion tenue avant-hier dimanche 26 avril.

Les deux parties ont ainsi décidé d’implanter des cantines de proximité réservées exclusivement à le vente de produits pâtissiers et de pain et de lancer une application adossée à un service de livraison du pain à domicile qui est déjà fonctionnel, selon Aminata Assome Diatta, la ministre du Commerce.

L'autre mesure revue concernait la confection des masques dont le port est devenu obligatoire aux normes de qualité SN.

Lundi 20 avril dernier, voyant le nombre de cas de contamination et de décès augmenter le ministère de l’intérieur du Sénégal a décidé de rendre obligatoire le port du masque dans certains lieux.

Une mesure applaudie par les Sénégalais, mais aussi et surtout par les ateliers de tailleurs qui y voient une opportunité de faire des affaires. C’est ainsi que la confection des masques est devenue l’activité principale des petites unités de confection.

Seulement leur ardeur allait être refroidie par un communiqué du ministère du Développement industriel et des petites et moyennes entreprises qui demandait à ce que tous les masques barrières soient aux normes NS-15-14 et qu’ils devaient être soumis à la procédure de certification avec la marque nationale de conformité "NS Qualité Sénégal".

Une mesure dénoncée par l'opinion publique comme inappropriée dans un contexte où tous les moyens doivent être bons pour se protéger du Covid 19.

Me Bamba Cissé, avocat au Barreau de Dakar et défenseur des droits de l'homme, s’est indigné en ces termes: "voilà une belle façon de tuer le génie sénégalais et de laisser le champ au virus! On va d'abord attendre que les masques soient aux normes NS-15-14 pour les commercialiser et les distribuer aux Sénégalais. Ensuite, on attendra que le certificat de conformité ou l’attestation de conformité soit délivrée par je ne sais quelles instances encore pour distribuer les masques. On attendra enfin que les modalités de délivrance de l’attestation de conformité soient définies par je ne sais quel règlement encore pour distribuer les masques".

Et pendant ce temps, "le Covid19 explose les records de transmission et ne nous attend pas".

Un cri du cœur entendu par le ministère concerné qui est vite revenu sur cette mesure. Dans un communiqué, il évoque la demande des fabricants de masques, qui selon lui ont souhaité l’allégement de la procédure et des modalités de certification, pour pouvoir continuer à participer à l’effort national de lutte contre le coronavirus. "Ainsi, tenant compte du contexte particulier où aucun moyen n’est de trop pour freiner la propagation du covid-19, l’application de l’arrêté susmentionné est suspendue jusqu’à nouvel ordre", fera savoir, Moustapha Diop, le ministre du Développement industriel.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 28/04/2020 à 09h51, mis à jour le 28/04/2020 à 10h02