Sénégal. Armée: la lettre anonyme d’un sous-officier secoue la grande muette

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Le 01/06/2018 à 15h51, mis à jour le 01/06/2018 à 15h54

Un sous-officier dénonce les dérives de certains hauts gradés au sein de l’armée sénégalaise. Dans une lettre envoyée à la presse, sous le couvert de l’anonymat, il alerte l’opinion sur la situation difficile que vivent les non gradés au sein de la grande muette.

L’arrestation et la radiation du capitaine Mamadou Dièye accusé de désertion alors qu'il avait démissionné de l’armée sénégalaise a soulevé de vives contestations parmi les hommes de troupe. Plusieurs d’entre eux ont saisi cette occasion pour dénoncer "les abus" de la hiérarchie militaire dont ils sont victimes au quotidien. Ils invitent ainsi "l’Etat du Sénégal à prendre des mesures sérieuses allant dans le sens de l’amélioration de leurs conditions d’existence avant que la situation ne dégénère". A l'image de ce sous-officier dont la lettre envoyée à la presse pourrait faire grand bruit.

"L’arrestation du capitaine Dieye, qui avait démissionné, a réveillé un volcan de colère qui dormait chez les hommes de troupe depuis quelques décennies. Il faut aussi dire que la dissidence hautement courageuse du capitaine Mamadou Dieye, bien connu et soutenu par la majorité des hommes de troupe, nous a poussés à nous organiser pour dénoncer dans les jours à venir tout ce qui se passe dans l’armée nationale", a alerté ce sous-officier dans son courrier.

Afin d'éviter de subir le même sort que le capitaine Mamadou Dièye, il a préféré faire son témoignage sous le couvert de l’anonymat.

"En tant que sous-officier, en contact permanent avec des groupes de soldats contestataires dans la grande muette, je souhaite garder l’anonymat pour l’instant. Il faut noter que nous constituons le maillon le plus important en termes d’effectif dans l’armée. Nous signalons que le capitaine Mamadou Dieye qui s’est sacrifié pour les hommes de troupe et particulièrement pour le Sénégal en amorçant la révolte n’est que la partie visible de l’iceberg . Les hommes de troupe ne comptent pas le laisser seul dans cette lutte. Nous, hommes de troupe, effectuons le travail le plus éprouvant et risqué au quotidien ainsi qu’au péril de nos vies, mais nous demeurons malgré ça, maltraités et abusés sur tous les plans et nos droits les plus basiques sont constamment bafoués par la hiérarchie militaire", dit-il dans la lettre qu’il a adressée "au peuple sénégalais".

A titre d’exemple, ce sous-officier cite le cas du Caporal Ousseynou Fall (classe 2005) qui, après avoir perdu un œil au cours d’une de ses missions, "a été libéré et mis à la retraite sans solde ni rien".

A rappeler que, quelques jours après l’arrestation du capitaine Mamadou Dièye, le Caporal Ousseynou Fall avait effectué des sorties dans certains sites d’information pour soutenir son frère d’armes. Il disait avoir été, lui aussi, "injustement accusé de désertion puis radié sans pension d’invalidité après un accident qui lui avait fait perdre un œil".

Parce qu’ils (les hauts gradés) sont de connivence avec certains hommes politiques, "tous les avantages, allants des indemnités aux primes en passant par des stages à l’étranger, leur sont attribués'", souligne le sous-officier.

Et en rétribution de leurs sacrifices pour défendre le Sénégal, dénonce-t-il, "les hommes de troupe subissent l’injustice, l’autoritarisme abusif, le manque de respect par les hauts gradés et certains officiers".

Toutefois, conclut-il, "ce mouvement est en marche pour dénoncer et lutter contre l’indiscipline et la cupidité des colonels et généraux, mais aussi celle des acteurs politiques qui ne se soucient guerre des basses couches des forces de défense et de sécurité du peuple sénégalais". 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 01/06/2018 à 15h51, mis à jour le 01/06/2018 à 15h54