Gabon. Morts, blessés, arrestations arbitraires... Les victimes de 2009 et de 2016 attendent vérité et réparations

Le collectif des victimes des violences post électorales des dernières élections présidentielles gabonaises.

Le 17/07/2025 à 09h12

VidéoLes violences post-électorales de 2009 et 2016, qui ont fait de nombreuses victimes, ont eu un effet dévastateur sur la société. Des plaies toujours béantes. Face aux lenteurs du nouveau pouvoir, un collectif de victimes a rompu le silence et prévenu que «L’impunité n’est pas une option».

Les victimes des violences post-électorales de 2009 et 2016, ne veulent pas être oubliées. Cyrille Lemboumbou, César Mavioga, Joël Mapangou et d’autres, désignant le pouvoir déchu comme instigateur des répressions passées, décrivent des blessures toujours vives. «Ces violences politiques restent gravées dans nos mémoires meurtries, une blessure ouverte pour des centaines de familles», martèlent-ils, rappelant le poids du passé.

Pourtant, un espoir immense est né avec l’arrivée du régime militaire le 30 août 2023. La promesse du président actuel de créer une Commission Vérité, Justice et Réparations (CVJR) avait soulevé un vent d’optimisme. Mais cet espoir se heurte désormais aux sables mouvants de l’attente. «Le temps file, l’amertume grandit», assènent les victimes, dénonçant un «sentiment d’abandon» encore aggravé par le départ controversé de Bongo.

Dans ce climat de frustration croissante, Cyrille Lemboumba, membre du collectif, exprime un désenchantement partagé: «L’élection de 2025 appuyée par une large majorité de Gabonais a suscité un espoir de justice et de réconciliation. La promesse du chef de l’État de mettre en place une commission justice vérité et réconciliation a été accueillie avec optimisme. Cependant le temps passe et l’attente des victimes et de leurs familles s’allonge, nourrissant un sentiment d’abandon et d’injustice.»

Dans un registre plus inattendu, le collectif adresse aussi un reproche cinglant à la société civile gabonaise, accusée de confisquer leur parole. «Arrêtez de parler en notre nom !», lancent-ils à ceux qu’ils estiment les «balloter».

Cette inquiétude face au rôle de la société civile est fermement relayée par César Mavioga, autre membre du groupe: «Nous avons décidé de prendre la parole publiquement pour exprimer notre inquiétude et notre amertume face aux attitudes et aux agissements d’une partie de la société civile gabonaise. Elle qui se veut porteuse de nos douleurs et de nos combats, semble hélas aujourd’hui éloignée de ces responsabilités premières. Nous attendons depuis trop longtemps des compte-rendus clairs et honnêtes de ceux qui prétendent parler au nom de la société civile.»

Au-delà de la dénonciation, c’est un appel fondamental à la reconnaissance qui anime les victimes. Salamith Oye Nkizo’o, membre du collectif, en souligne l’essence même: «Les victimes souhaitent que leurs souffrances soient reconnues par les autorités afin de guérir et retrouver espoir.»

Face au double défi des lenteurs institutionnelles et des défaillances supposées de la société civile, la voix des victimes s’élève donc avec une urgence renouvelée, exigeant des actes concrets pour tourner la page de la violence et entamer enfin le chemin de la guérison et de la justice.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 17/07/2025 à 09h12