Mini-sommet USA-Afrique: un bilan maigre mais un premier contact qui pourrait ouvrir de bonnes perspectives de partenariat

Le président américain Donald Trump (3e à gauche) participe à un déjeuner multilatéral avec des dirigeants africains en visite dans la salle à manger d'État de la Maison Blanche à Washington, DC, le 9 juillet 2025.. AFP or licensors

Le 13/07/2025 à 16h20

Le mini-sommet Etats-Unis-Afrique qui a réuni Donald Trump avec cinq chefs d’Etat d’Afrique de l’ouest et centrale ne s’est pas traduit par des annonces concrètes. Il s’agit tout de même d’un tournant de la politique africaine du président américain, en ce sens que cette rencontre n’est que la première du genre avec les dirigeants africains, selon le Département d’Etat américain. Une prise de contact directe avec le continent pour expliquer la nouvelle démarche de la politique américaine basée sur le «business».

Le président américain Donald Trump a réuni, mercredi 9 juillet à la Maison Blanche, cinq présidents d’Etats d’Afrique de l’ouest et centrale: Bassirou Diomaye Faye du Sénégal, Mohamed Cheikh el Ghazouani de la Mauritanie, Umaro Sissoco Embalo de la Guinée -Bissau, Brice Oligui Nguema du Gabon et Joseph Boakai du Liberia.

Cette rencontre n’a pas été sanctionnée par un communiqué et encore moins par des signatures d’accords commerciaux, économiques et/ou sécuritaires entre les Etats-Unis et les pays invités. Ce qui pousse de nombreux observateurs à se poser des questions sur les raisons de la tenue de cette rencontre et surtout les critères du choix des cinq pays invités.

Pour cette seconde question, le département d’Etat a fini par apporter une réponse claire. Selon Bridget Davis, porte-parole en langue française du Secrétariat d’Etat américain, l’équivalent du ministère des Affaires étrangères, «la maison Blanche a clairement expliqué que c’est la première d’une série de rencontre avec des chefs d’Etat africains», ajoutant que le président Trump considère que «l’Afrique est un partenaire essentiel». Ainsi, d’autres dirigeants africains seront prochainement invités à la Maison Blanche dans le cadre d’autres mini-sommets USA-Afrique.

En tout cas, ce mini-sommet est un tournant dans la politique de Trump à l’égard du continent africain, qu’il avait snobé lors de son premier mandat. Ce format réduit et intimiste permet de discuter avec tous les dirigeants en accordant à chacun un «tête-à-tête» et en lui permettant aussi d’expliquer les opportunités et les potentialités de son pays. Certainement les que prochains rendez-vous seront mieux préparés des deux côtés pour des résultats palpables, mais aussi avec un protocole qui sera mieux cadré.

En ce qui concerne les objectifs du mini-sommet, globalement, ils ont tourné autour de trois thèmes: minerais, migrations et sécurité, avec en toile de fond la volonté de rattraper une partie du terrain perdu en Afrique et de contrer l’influence grandissante de la Chine et de la Russie.

Au cœur de la rencontre, les minerais, notamment ceux qualifiés de stratégiques (cobalt, lithium, manganèse, graphite, cuivre…) et les terres rares, nécessaires à la fabrication des appareils électroniques, les véhicules électriques…, et dont les Etats-Unis sont fortement dépendants de l’étranger, notamment de la Chine.

Plus globalement, les Etats-Unis souhaitent redynamiser leurs relations commerciales avec le continent africain, après avoir perdu la main face à la Chine, devenue premier partenaire commercial de l’Afrique.

Et pour l’administration Trump tout doit passer par le business. «Nous voyons des opportunités très importantes pour le entreprises américaines en Afrique», fait remarquer Bridget Davis, expliquant que les missions diplomatiques américaines en Afrique doivent jouer un rôle de mise en relation entre les entreprises des deux côtés. «Nous avons aussi lancé des outils commerciaux et financiers pour faciliter les échanges», explique-t-elle. «Nous attendons de nos partenaires africains qu’ils créent des conditions pour attirer et assurer l’investissement étranger».

Ainsi, l’US International Development Finance Corporation (DFC) et l’Eximbank (banque d’import-export des Etats-Unis) accompagneront les financements des échanges commerciaux et les investissements des entreprises américaines au niveau du continent.

Face à ces perspectives commerciales et d’investissement, les cinq dirigeants africains présents ont rivalisé en arguments pour présenter les potentialités, notamment minières, de leurs pays, les opportunités d’investissement, les environnements des affaires, le tout sans oublier de flatter au passage le locataire de la Maison Blanche.

A ce jeu, la sortie du président gabonais, Brice Oligui Nguema, semble la plus directe et la plus pragmatique. Au-delà d’expliquer les potentialités et les opportunités d’investissement, le président gabonais s’est illustré parmi les cinq présidents présents par un discours qui a porté sur les potentialités, souveraineté et la transformation locale des ressources africaines.

Il a souligné que les pays ont des ressources minières et des terres rares, mais que ces pays ont besoin de partenaires pour exploiter ces ressources dans le cadre des partenariats gagnant-gagnant. Et de préciser devant Donald Trump: «Nous voulons que nos matières premières soit transformées localement dans notre pays afin que nous puissions créer de la valeur ajoutée et des emplois pour nos jeunes qui meurent en tentant de migrer faute d’emplois», avant d’ajouter: «Je suis général, je suis pragmatique et vous êtes pragmatiques, et j’aime les choses quand elles avancent rapidement. Vous êtes les bienvenus pour investir au Gabon. Sinon, d’autres pays le feraient à votre place».

A noter que la première annonce notable de ce mini-sommet, qui s’est étalé sur la période allant du 9 au 11 juillet, est la signature d’un accord majeur entre le Gabon et le groupe Millennial Potash. Cet accord, signé la veille du début du sommet, porte sur l’exploitation de la potasse de Mayumba pour un investissement de 500 millions de dollars (280 milliards de francs CFA).

Par ailleurs, concernant les tarifs douaniers que les Etats-Unis imposent à presque tous les pays du monde, les cinq dirigeants semblent être rassurés par les propos de Trump. A une question posée par un journaliste sur les risques de sanctions douanières à l’égards de ces cinq pays, Trump a rassuré: «Non, je ne pense pas. Ce sont mes amis maintenant». La réalité est que ces cinq pays figurent parmi ceux qui taxent le moins les produits importés des Etats-Unis (un droit de douane de 10%). En conséquence, ceux-ci subissent le tarif plancher de 10% qui frappent tous les produits importés par les Etats-Unis.

Ensuite, outre les minerais, les discussions ont porté sur la migration. A ce titre, le président Donald Trump a tenté de convaincre les cinq chefs d’Etat d’accueillir chez eux les personnes touchées par l’ordre d’expulsion, mais que leur pays d’origine refuse. Toutefois, sur ce volet, rien n’a filtré sur les réponses des chefs d’Etat africains. Si certains sont prêts à recevoir leurs migrants expulsés, pour éviter des sanctions sous forme de restrictions de voyages, accueillir des migrants de pays tiers expulsés n’est pas à leur ordre du jour, surtout qu’ils sont eux-mêmes en train d’expulser des migrants illégaux.

Enfin, concernant le volet sécuritaire, les Etats-Unis souhaitent sécuriser le corridor de l’Atlantique ouest et central comme il le fait avec le corridor de Lobito qui sécurise l’approvisionnement en minerais des Etats-Unis à partir des mines de la RDC et de la Zambie via l’Angola.

A ce titre, alors que les jihadistes poussent au Sahel et frappent aux portes du Sénégal, de la Mauritanie et d’autres pays côtiers de l’Afrique de l’ouest et centrale, et menacent ainsi les corridors de l’Atlantique, les Etats-Unis marquent leur volonté de retour au niveau de la région.

D’ailleurs, le jour même où le président Trump a accueilli les cinq chefs d’Etat africains, Rudy Atallah, conseiller de Donald Trump pour la lutte antiterroriste, était au Mali où il a été reçu par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop. Cette visite, qui s’est étalée sur trois jours, montre l’intérêt de la nouvelle administration américaine pour la relance de sa coopération militaire avec le Mali, suspendue après le coup d’Etat militaire de 2021. «Nous avons des équipements adéquats, des connaissances et des forces», a souligné Atallah, illustrant la volonté américaine de revenir au Sahel et de ne plus laisser le terrain aux seuls Russes, ajoutant que «si le Mali décide de travailler avec nous, on saura comment faire face à la menace terroriste».

C’est par cette volonté de sécuriser les corridors d’approvisionnement que les Etats-Unis ont contribué à la signature de l’accord de paix entre le Rwanda et la RD Congo, pays qui regorge de minerais critiques, globalement contrôlés par la Chine et dont les Etats-Unis souhaitent désormais tirer profit.

C’est dire que le premier sommet USA-Afrique est à saluer en ce sens qu’il marque un tournant de la politique de Trump à l’égard du continent africain. Il faut maintenant attendre les semaines et les mois à venir pour avoir une idée claire des suites données à ce premier rendez-vous. En attendant, des visites chez le constructeur aéronautique américain Boeing par les délégations sénégalaise et gabonaise, les discussions avec les compagnies pétrolières (Exxon Mobil avec le Gabon) et d’autres rendez-vous des délégations africaines avec des entreprises et institutions américaines augurent de bonnes perspectives entre les Etats-Unis et le continent.

Désormais, les regards sont orientés vers les prochains chefs d’Etat qui seront invités à la Maison Blanche.

Par Moussa Diop
Le 13/07/2025 à 16h20