C’en est fini pour les importations de vêtements de seconde main en Ouganda. Le président Yoweri Museveni a surpris tout le monde en annonçant récemment, l’interdiction des achats de fripes en provenance d’Europe et des Etats-Unis. A travers cette décision, le dirigeant de 79 ans dit vouloir favoriser l’industrie textile locale.
Mais, au-delà de l’aspect économique, le chantre de l’anti-impérialisme en Afrique qui ne rate jamais l’occasion de s’attaquer à l’Occident veut mettre un frein, dit-il, à la consommation, en Ouganda, de «vêtements de vieux blancs morts ». Si le propos est choquant, il est difficile de ne pas prendre au sérieux le patriarche, surtout lorsqu’il dit que l’Afrique ne doit plus être la «poubelle de la fast fashion polluante».
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L’argument n’est pas faible, en effet. Le marché ougandais importe à lui seul près de 7.000 tonnes de fripes par mois. Mieux, dans un reportage publié sur son site en juin 2022, Greenpeace a quasiment fait la même remarque. Selon l’organisme, «Lorsqu’on donne nos vêtements usagés à une organisation caritative, certains sont recyclés en produits de moindre qualité, comme des chiffons, et plus de la moitié sont exportés pour être réutilisés, principalement en Afrique de l’Est et de l’Ouest et en Europe de l’Est».
De son côté, Oxfam, un autre organisme occidental, a fait remarquer dans apport daté de 2015 que 70% des vêtements donnés en Europe à des associations caritatives finissaient dans les garde-robes des Africains.
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Si la cause que défend Museveni paraît noble, une question se pose tout même: que faire des 4 millions d’Ougandais, allant des importateurs, aux revendeurs en passant par les recycleurs, les gestionnaires de déchets et créateurs de mode dont les moyens de subsistance dépendent directement ou indirectement du commerce de seconde main?
Se pose également la question de savoir si l’industrie textile ougandaise qui transforme moins de 25 % de la production de fibre de coton du pays, laquelle tourne autour de 37.000 tonnes par an, a les capacités pour se passer des vêtements d’occasion.
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En attendant de trouver des réponses convaincantes à toutes ces questions, le gouvernement ougandais peut copier sur le modèle rwandais pour réussir son pari audacieux. En effet, avant le pays du Nil Blanc, cette «idée embargo» était déjà chère à Kigali.
Aujourd’hui, le pays aux mille collines a réussi à créer une filière de toutes pièces avec des capitaux étrangers, chinois essentiellement. Entre 2018 et 2020, les exportations textiles rwandaises ont bondi de 83% même si les locaux ont parfois du mal à s’offrir du made in Rwanda. La production en question étant essentiellement destinée à l’exportation.