Dans les rues de Lagos, un carnaval aux accents brésiliens

Les participants défilent lors du carnaval Fanti de Lagos, à Lagos, le 20 avril 2025.

Les participants défilent lors du carnaval Fanti de Lagos, à Lagos, le 20 avril 2025. AFP or licensors

Le 21/04/2025 à 09h04

L’éclat, les couleurs et les rythmes évoquent le carnaval de Rio, mais c’est de l’autre côté de l’Atlantique, à Lagos, que des milliers de jeunes et de moins jeunes, descendants d’anciens esclaves, ont revêtu dimanche leurs costumes de fête.

Dans la plus grande ville du Nigeria, ils ont perpétué fièrement leur héritage et ont célébré en musique l’histoire afro-brésilienne de la ville.

Après l’abolition de l’esclavage par le Brésil, en 1888, certains anciens esclaves sont retournés en Afrique de l’Ouest, s’installant dans plusieurs pays, dont le Nigeria et la Sierra Leone.

Ils ont rapporté avec eux la culture latino-américaine - la danse, la nourriture, la religion et le goût des couleurs qui sont encore vivants aujourd’hui dans certains quartier de la mégalopole.

Lors du carnaval Fanti de dimanche, une femme vêtue d’une robe verte et jaune danse en rythme au son des tambours et des trompettes, donnant parfois une accolade à un homme monté sur des échasses.

Derrière, un groupe de jeunes hommes portant des masques colorés, des pantalons et des vestes jaunes et rouges se préparent à la «danse du dragon», avec de longs dragons en caoutchouc, semblables à ceux utilisés lors des célébrations du Nouvel An chinois.

«Nous voulons préserver notre patrimoine (...), nous aimons les couleurs» déclare Onabolu Abiola, 67 ans, professeur de beaux-arts à la retraite, vêtu du jaune et du vert du drapeau brésilien.

« Tragédie, espoir et résilience »

«Pendant le carnaval, nous oublions la situation économique et le reste. Tout le monde est là pour s’amuser», dit cet homme à la barbe grise, avant de se lancer dans une danse au son de la musique traditionnelle nigériane Yoruba.

D’autres portent les couleurs vertes et blanches du drapeau nigérian.

Mayegun Musiliu, 50 ans, a revêtu un costume rouge vif. « Nous sommes ici pour montrer la culture, nous sommes ici pour faire l’histoire. La célébration de la culture est importante», dit-il. «C’est ainsi que nous la maintenons en vie».

Le Brésil a été le dernier pays des Amériques à abolir l’esclavage. De nombreux esclaves avaient été contraints d’adopter des noms portugais.

Aujourd’hui, au Nigeria, nombreuses sont les personnes portant un prénom yoruba et un nom de famille portugais.

C’est le cas d’Aduke Gomez, avocate et historienne de 62 ans. «L’histoire des Afro-Brésiliens est histoire de tragédie, mais aussi d’espoir, de résilience», dit-elle, en haussant le ton pour couvrir la musique crachée par les haut-parleurs.

«Personnellement, je suis très fière d’être une descendante afro-brésilienne (...) Quand ils sont revenus, ils n’avaient rien. Ils ont travaillé, se sont éduqués et ont apporté une contribution positive» à leur nouveau pays, ajoute-t-elle.

Ne pas se poser en victime

Le carnaval, dit-elle «n’est pas seulement une journée, c’est un héritage tangible de ce que mes ancêtres ont vécu».

Joke Silva, 64 ans, réalisatrice et actrice de renom, se souvient que ses parents l’emmenaient toujours au festival Fanti lorsqu’elle était enfant. Elle a perpétué la tradition et y a emmené ses enfants.

«Il faut s’interroger sur la manière dont le traumatisme de l’esclavage a contribué à ce que nous sommes aujourd’hui, mais il ne s’agit pas de se poser en victime», estime-t-elle.

Pour de nombreux Nigérians, le carnaval représente un pan de l’histoire de leur pays qui n’est pas toujours bien connu, mais certains tentent de changer cela.

Kelenchi Anabaraonye, 27 ans, organisateur d’une exposition sur l’histoire du festival, raconte dans sa jeunesse que des camarades de classe portaient des noms de famille portugais.

«J’avais des amis qui s’appelaient Pionero, Pereira, Da Silva, Gomez. A l’époque, je pensais qu’ils plaisantaient avec ces noms, car si vous avez un prénom yoruba, pourquoi vos noms sont-ils étrangers? Je ne savais pas qu’il y avait une raison historique».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 21/04/2025 à 09h04