Sahel: la France et ses bases militaires qui sentent le soufre

Photo prise le 11 août 2022 et publiée par l'État major des armées montre des soldats de la mission française au Sahel, Barkhane, pliant un drapeau français sur une installation militaire non divulguée.. AFP or licensors

Le 03/10/2023 à 09h58

Considérées comme vestiges du passé colonial très douloureux sur le continent, les bases militaires de l’Hexagone sont déclarées persona non grata partout en Afrique. Pendant ce temps, Paris feint d’ignorer cette réalité qui saute aux yeux.

Les bases militaires françaises en Afrique n’ont jamais été aussi décriées. Après avoir quitté la Centrafrique, le Mali, le Burkina Faso et sans doute bientôt le Niger sur la pointe des pieds, les contingents tricolores sont de plus en plus rejetés par la jeunesse et les sociétés civiles africaines qui ne cessent de hausser le ton, réclamant, la fin définitive de la présence militaire de la France dans leur pays.

Ces derniers jours, le sujet est revenu avec force au cœur des débats, lorsque des rumeurs sur un possible redéploiement des troupes françaises au Tchad ont inondé les réseaux sociaux.

Sans doute, si cette rumeur venait à être confirmée, ce serait pain béni pour la junte au pouvoir au Tchad. Plusieurs experts ont déjà affirmé que cette probabilité était faible mais les opposants à cette éventuelle opération ne veulent prendre aucun risque.

Principal opposant à l’actuel homme fort de N’Djamena, Mahamat Idriss Déby Itno, Succès Masra, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est emparé du sujet en affirmant récemment sur France 24 que «La France ne devrait pas devenir un sans domicile fixe en déménageant d’un pays à l’autre».

L’opposant tchadien en exil et président du parti Les réformateurs n’est pas le seul à dénoncer avec force «ce pilier indispensable» pour le maintien de la France-Afrique, du nom de cette relation incestueuse imposée aux Africains au seul plaisir de Paris.

En effet, plusieurs figures de la société civile tchadienne ont demandé, dans un communiqué, le retrait des troupes françaises du pays. Le document signé notamment par Ordjei Abderahim Chaha, président du parti Rajet, fustige la volonté de Paris de «s’accrocher à l’Afrique, telle une sangsue».

Outre le Tchad, considéré comme le terrain de jeu favori des contingents tricolores, d’autres pays pourraient accueillir les soldats français sur leur sol.

Alors que les spéculations vont bon train, le Bénin et la Mauritanie, souvent cités comme de potentiels candidats, ont fait savoir qu’ils ne voulaient plus de bases françaises sur leur sol.

«Aucune base militaire française n’est en construction dans notre pays», a déclaré le 27 septembre sur X Wilfried Léandre Houngbedji, porte-parole du gouvernement du Bénin.

Selon lui, «Il s’agit d’élucubrations de gens en quête de sensation et qui sans aucune enquête, s’autorisent des affirmations sans fondements».

Dans une interview accordée au journal français Le Figaro, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani a d’ores et déjà jugé inutile une éventuelle relocalisation des 1.500 soldats français stationnés au Niger, lesquels opérèrent officiellement dans le cadre de la lutte antiterroriste.

«La Mauritanie ne me paraît pas, ni stratégiquement ni géographiquement, le meilleur pays pour accueillir des soldats dédiés à la lutte contre le terrorisme au Sahel. Dans la lutte contre le terrorisme, une action des forces dédiées est plus logique depuis un pays qui est davantage au centre ou dans la proximité du champ des opérations. La Mauritanie n’a d’ailleurs pas connu d’attentat sur son sol depuis 2011 et a probablement moins besoin de l’assistance d’une force multinationale».

Convaincu que «L’Afrique attend trop de la France», le dirigeant explique que les «malentendus de parcours» s’étaient accumulés entre Paris et ses partenaires sur le continent et qu’aujourd’hui, les Africains.

Paris demeure le seul acteur qui ignore encore cette réalité. Pour l’heure, quelques rares pays en Afrique de l’Ouest, à l’image du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, ont encore des bases tricolores sur leur territoire.

Par Khadim Mbaye
Le 03/10/2023 à 09h58