Algérie: la santé de Bouteflika crée de vives tensions au sein du gouvernement

Tayeb Louh, ministre Algérien de la Justice et Ahmed Ouyahia, Premier ministre, sont à couteaux tirés. . DR

Le 07/11/2018 à 16h34, mis à jour le 07/11/2018 à 16h38

Revue de presseEntre le Premier ministre Ahmed Ouyahia et son ministre de la Justice, Tayeb Louh, rien ne va plus. Les deux se sont livrés à des échanges virulents par presse interposée, situation que seule explique la santé chancelante du Président Bouteflika.

Lundi lors d'une visite pour l'inauguration du palais de justice de la Wilaya d'Oran, Tayeb Louh, le ministre algérien de la Justice a sorti une série de petites phrases faisant allusion à Ahmed Ouyahia. Sans nommer ce dernier, il a lancé plusieurs piques à l'endroit de son Premier ministre, avec l'intention évidente de montrer l’’incompétence de ce dernier.

Concernant les taxes que voulait mettre en place le gouvernement algérien sur les documents d’identité ou titres de voyages, il a rappelé que c’est grâce à l’intervention salvatrice de Abdelaziz Bouteflika que le projet a été abandonné. "Vous vous rappelez tous des taxes sur les cartes d’identité, les passeports, etc. Qui les a annulées? Le président de la République!", a dit Tayeb Louh devant un parterre de journalistes. En faisait cette déclaration, il savait qu’il allait faire mouche contre Ouyahia qui a été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises par l’entourage du chef de l’Etat pour lui signifier indirectement qui dirigeait réellement le pays.

Le Garde des sceaux algérien ne s’est pas arrêté là, puisqu’il a également évoqué le dossier sensible des cadres de l’administration incarcérés durant les années noires. Les faits auxquels il fait allusion remontent à une époque où c’est encore Ouyahia qui était chef de gouvernement et où sa responsabilité est donc entière.

Ces propos ont été repris dès le lendemain, hier mardi 6 octobre, par l’ensemble de la presse algérienne avec des titres ou un traitement qui en amplifient l’impact auprès de l’opinion. Ainsi, chez El Khabar, on estime que "Louh ouvre le feu sur Ouyahia", alors que TSA se demande si la fin n’est pas proche pour le Premier ministre, comme cela a pu être le cas, à l’approche de joutes électorales. Le Quotidien d’Oran pense, pour sa partt, qu’il s’agit surtout d’un exercice de marketing politique en faveur d’un cinquième mandat.

Ce matin du mercredi 7 novembre, la direction politique du Rassemblement national démocratique (RND) a été obligée de réagir par un communiqué. "Quelques voix s’en sont prises au secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, en évoquant une nouvelle fois le dossier vide des cadres incarcérés dans les années 1990", se plaint le parti du Premier ministre, avant d’affirmer que les faits auxquels la déclaration fait référence sont déformés. En effet, «lorsqu’il y a eu emprisonnement de quelques cadres dans les années 1990 (le nombre était quelques dizaines et non pas des milliers), Ahmed Ouyahia n’était pas ministre de la Justice. A partir de là, l’accuser d’avoir emprisonné des cadres n’a pas de sens. C’est même une accusation fallacieuse", tonnent les rédacteurs du document.

Ils poursuivent en expliquant que lorsque Ouyahia était au département de la Justice, il avait renforcé l’indépendance des magistrats.

Pour El Watan, cet accrochage entre Louh et Ouyahia est à prendre très au sérieux, parce que le premier "n’est pas un ministre à la gâchette facile". Et de poursuivre "Cet échange acéré entre un ministre et son Premier ministre révèle au grand jour les frictions au sein du gouvernement". Il s’agit pourtant de deux fidèles parmi les fidèles de Bouteflika. S’ils en sont arrivés là, c’est sûrement à cause "de la santé chancelante du Président", conclut El Watan.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 07/11/2018 à 16h34, mis à jour le 07/11/2018 à 16h38