Terrorisme: pourquoi l'Algérie ne facilitera la tâche ni à Macron ni au G5 Sahel

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Le 06/07/2017 à 16h34, mis à jour le 06/07/2017 à 16h59

Alger vit comme une humiliation sa mise à l'écart du processus de mise en place de la Force commune du G5 Sahel. Grâce à des articles au vitriol, on profère des menaces à peine voilées envers le nouveau président français qui ne cesse de presser Bouteflika pour trouver une solution.

En moins de deux mois passés à l'Elysée, le président français Emmanuel Macron a appelé à trois reprises Abdelaziz Bouteflika, plus pour lui parler du Nord-Mali et du Sahel que pour s'enquérir de sa santé et encore moins pour évoquer les relations bilatérales entre leurs deux pays. Du côté d'Alger, ces injonctions de Paris sont perçues comme une humiliation. Surtout qu'à deux reprises, en l'espace d'une semaine, des rencontres importantes sont été organisées autour du sujet de la sécurité dans le Sahel sans qu'Alger ne soit impliquée.

C'est d'autant plus frustrant pour les autorités algériennes qu'Emmanuel Macron ne mâche pas ses mots quand il s'agit de parler de la responsabilité algérienne dans ce qui se passe actuellement au Sahel. Que comprendre quand le chef d'Etat français disait, dimanche dernier, à Bamako: «J’aurais une exigence renforcée à l’égard des États du Sahel et de l’Algérie. On ne peut pas manifester quelque faiblesse que ce soit à l’égard de groupements terroristes, quelles que soient les raisons politiques domestiques»? Cette injonction de Macron adressée à Bouteflika, mais cette fois en public, a de quoi irriter les caciques du régime puisqu'elle permet de deviner le contenu des trois coups de fil qu'il a donnés au chef de l'Etat algérien.

Il est clair qu'Emmanuel Macron n'a pas mis du temps à comprendre le double jeu d'Alger et cherche à prendre ses distances en ce qui concerne la résolution de la crise malienne. Certes, l'Algérie dispose d'une bonne connaissance des groupes terroristes dans la région du Sahel. Mais, pour les connaisseurs des dossiers, il s'agit d'une "trop bonne" connaissance de certains groupes qui agissent en sentant la protection des services algériens.

Sauf que le message empreint de tant de franchise a de quoi énerver, d'autant qu'Alger a toujours cherché à faire croire qu’elle fournit des efforts dans la lutte antiterroriste. Le fait est, cependant, que derrière ses principes de non-ingérence dans les affaires des pays de la sous-région, non seulement elle n'a jamais voulu pourchasser ni Iyad Ag Ghaly, ni Mokhtar Belmokhtar dès lors qu'ils ne commettaient aucun acte terroriste sur son territoire. Pourtant, ce sont bel et bien des citoyens algériens qui ont toujours eu leur base de repli dans le pays, mais qui ont causé beaucoup de tort au Mali en contribuant à déstabiliser les régions de Kidal, Tombouctou et Gao.

Aujourd'hui, l'Algérie reproche aux pays du Sahel de s'associer à la France pour vouloir régler le problème dans cette vaste zone. Alger a toujours vu d'un mauvais œil l'arrivée des troupes françaises de l'opération Serval, qui s'est muée en Barkhane. Les quelque 2000 soldats français stationnés à Gao en forment le plus grand camp militaire de l'Hexagone à l'extérieur de la France. Alger n'est pas très enthousiaste de voir ces troupes patrouiller régulièrement à un jet de pierre de sa frontière.

Son seul souhait est de voir la France asphyxiée financièrement et retirer ses troupes. Pourtant, quand en 2012 les terroristes conquéraient le nord du Mali, Alger était bien consciente de la menace qu'ils auraient pu constituer pour son territoire. Il n'empêche qu'elle a préféré détourner le regard au lieu d'apporter son aide de pays africain à celui qu'elle appelle le peuple frère malien. Alger, qui a toujours dirigé le conseil Sécurité et paix de l'Union africaine, avait pourtant toute la latitude pour rassembler les instances africaines, même sans le consentement du Mali, et intervenir pour régler le problème en temps et en heure. Et quand d'autres sont intervenus, en l'occurrence l'ancienne puissance coloniale, elle a estimé qu'ils sont trop proches de son territoire.

Dernièrement, les partenaires des pays du Sahel ont choisi d'impliquer le Maroc pour les compétences de ses services de renseignements et sa maîtrise des dossiers de l'immigration. Mais depuis, Alger ne cesse de crier au sacrilège, puisqu'elle estime être l'unique ayant droit sur la résolution du problème au Nord-Mali. Les critiques fusent à hue et dia pour dénoncer la mise à l'écart progressive d'Alger sur cette question du Sahel, notamment avec la constitution de la Force commune du G5. A quoi bon, est-on tenté de demander? Puisque de toute manière, l'Algérie évoquerait ses principes qui exigent que pour le affaires africaines, seuls les pays du continent s'en occupent. Principe fort louable, à condition que certains ne se réfugient pas dans leur confortable barque en voyant se noyer leurs frères africains. Ce que l'Algérie a bien fait en 2012 et qu'elle semble prête à répéter.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 06/07/2017 à 16h34, mis à jour le 06/07/2017 à 16h59