Hydrocarbures: trois pays africains dans le top 10 mondial de ceux qui torchent leur gaz

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Le 10/05/2022 à 15h21, mis à jour le 10/05/2022 à 15h35

Les pays producteurs d'hydrocarbures continuent de torcher le gaz lors du processus d'exploitation du pétrole. Trois pays africains figurent parmi les 10 plus grands brûleurs de gaz au monde. Conséquence: des pertes de plusieurs milliards de dollars par an et une catastrophe pour l'environnement.

Selon un récent rapport de la Banque mondiale (BM) sur le torchage de gaz au niveau mondial, «144 milliards de mètres cubes de gaz ont été brûlés à la torche dans les installations d’exploitation pétrolière et gazière l’année dernière». Un volume qui correspond aux consommations annuelles de gaz de l’Allemagne et de la France cumulées.

Le torchage est une pratique industrielle qui consiste à brûler du gaz par des torchères lors des différentes étapes de la production pétrolière. Les compagnies pétrolières préférent mettre le paquet sur l’exploitation pétrolière plutôt que d’investir dans la récupération du gaz accompagnant l’extraction de l’or noir. La raison principale est que cela nécessite des infrastructures différentes de celles utilisées pour le pétrole et la rentabilité de ces investissements n’est pas assurée si les volumes de gaz associés ne sont pas importants et que les prix du gaz sont faibles.

Selon la BM, 10 pays sont à l’origine de 75% du volume mondial de gaz torché. Parmi ceux-ci figurent trois pays africains: l’Algérie, le Nigeria et la Libye. Ces trois pays ont torché pour l’équivalent de respectivement 8,16 milliards, 6,63 milliards et 5,97 milliards de mètres cubes de gaz durant l’exercice 2021. Ces pays ont ainsi brûlé l’équivalent de 21 milliards de mètres cubes de gaz, soit autant en valeur.

Pourtant, au Nigeria, le Sénat avait adopté en avril 2019 un projet de loi interdisant le torchage qui fait perdre annuellement plus de 2,5 milliards de dollars au pays, sans compter des impacts environnementaux catastrophiques. Ce projet prévoit des sanctions contre les compagnies pétrolières qui fourniraient des informations inexactes sur leurs politiques de torchage. Celles-ci sont passibles d’une amende de 28.000 dollars et/ou d’une peine de 6 mois de prison.

Le pays s’était même engagé dans une politique de «zéro torchage» en 2020. Les données de la BM prouvent clairement que le torchage persiste. Il faut dire que, officiellement, le torchage est interdit au Nigeria depuis 1984, même si des exceptions étaient accordées et les géants du secteur profitent de certaines failles juridiques pour continuer cette pratique.

Ces pays se sont engagés à réduire, et même éliminer, les gaz torchés, comme le recommande le Partenariat mondial pour la réduction des gaz torchés (GGFR) et une coalition de gouvernements, compagnies pétrolières et organisations multilatérales, dans le cadre de l’initiative «Zéro Routine Flaring by 2030», à laquelle 87 Etats et entreprises ont adhéré.

Au-delà d’un manque à gagner important, sachant que le gaz brûlé peut être récupéré pour faire fonctionner l’industrie ou être exporté, le torchage nuit à l’environnement et gaspille de l’énergie. Il est une importante source de pollution qui a entrainé l’émission de près de 400 millions de tonnes d’équivalent carbone en 2021, soit l’équivalents des rejets de quelque 100 millions de voitures. Et en plus du torchage, les producteurs de pétrole rejettent parfois le gaz dans l’atmosphère sans le brûler.

Dans un contexte mondial de lutte contre les émissions à effet de serre, la fin du torchage est de plus en plus recommandée. Certains pays ont réalisé de bonnes performances en la matière tout en augmentant la production d’hydrocarbures. C’est le cas notamment des Etats-Unis qui ont réussi à réduire le volume de gaz torché par baril de pétrole produit de 46% durant la dernière décennie. C’est aussi le cas du Kazakhstan qui a réduit son volume de gaz brûlé de 4 à 1,5 milliard de m3 entre 2012 et 2021, soit la plus forte réduction sur la décennie écoulée. Idem pour la Colombie dont le volume de gaz torché est passé de 1 à 0,3 milliard de m3 sur la même période. Ces deux derniers pays ont réussi à récupérer et à valoriser le gaz qui était torché en mettant en place des règlementations strictes interdisant le torchage et la déperdition des gaz résiduels.

Des politiques que devraient suivre les pays africains en récupérant et valorisant les gaz générés par l'exploitation des gisements de pétrole, soit pour vendre ce gaz quand les volumes sont importants, soit pour alimenter des centrales électriques et produire de l'électricité.

Plus récemment, le Gabon a décidé d’en finir avec le torchage. Avec 1,24 milliard de m3 de gaz torchés annuellement, le gouvernement a décidé en 2021 la construction d’une centrale électrique au gaz naturel d’une capacité de 120 MW sur le site industriel d’Owendo, dans la province de l’Estuaire, en récupérant le gaz qui est jusqu’à présent torché lors de la production du pétrole.

A noter qu’au niveau mondial, c’est la Russie qui recourt le plus au torchage avec 25,41 milliards de m3 de gaz brûlés, devant l’Iraq (17,80 milliards de m3), l’Iran (17,37 milliards de m3), les Etats-Unis (8,78 milliards de m3), le Venezuela (8,2 milliards de m3), l’Algérie (8,16milliards de m3), le Nigeria (6,63 milliards de m3), le Mexique (6,63 milliards de m3), la Libye (5,97 milliards de m3) et la Chine (2,49 milliards m3).

Par Moussa Diop
Le 10/05/2022 à 15h21, mis à jour le 10/05/2022 à 15h35