C’est aujourd’hui que débute le premier sommet Russie-Afrique, prévu durant deux jours à partir de ce mercredi23 octobre 2019, à Sotchi, en Russie.
Plus concrètement, il s’agit d’un sommet réunissant le président russe Vladimir Poutine à une quarantaine de chefs d’Etat et de dirigeants de gouvernements africains, sommet auquel s’est greffé un forum d’affaires.
Pour ce premier sommet, 47 chefs d’Etats et de gouvernements africains sont attendus dont Abdel Fattah al-Sissi (Egypte), président en exercice de l’Union africaine, Joào Lourenço (Angola), Muhammadu Buhari (Nigeria), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Ibrahima Boubacar Keita (Mali), Félix Tshisekedi (RDC), Andry Rajoelina (Madagascar), et bien d'autres.
Si depuis quelques années la Russie montre timidement son nouvel intérêt pour l’Afrique, en organisant de nombreuses manifestations auxquelles le continent était à l’honneur, dont le Forum économique international de Saint-Pétersbourg, avec le premier sommet Russie-Afrique, Moscou entend désormais clairement marquer ses nouvelles ambitions.
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Pour l’Afrique subsaharienne, l’intérêt de la Russie était jusqu'ici considéré comme faible, et ce, jusqu’en 2018, lors du sommet des BRICS–bloc des 5 pays émergents: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
C’est à cette date, en effet, que le président Poutine a décidé d’imiter les autres puissances économiques mondiales -France, Union européenne, Chine, Turquie et Japon- qui organisent des rencontres avec les pays africains, en annonçant le lancement d'un sommet Russie-Afrique.
Depuis, la Russie fait, elle aussi, de l’Afrique une priorité. Moscou a ainsi organisé de nombreuses manifestations auxquelles l’Afrique était à l’honneur dont le Forum économique international de Saint-Pétersbourg et cette rencontre devrait sceller le retour de la grande Russie en Afrique.
D’ailleurs, lors de ce sommet, sera présenté un rapport de l’Institut des études africaine de la prestigieuse Académie des sciences de Russie sur le thème: «Russie-Afrique. Une vision commune à l’horizon 2030».
Un document qui servira de base aux relations futures entre la Russie et le continent africain.
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Reste que la présence russe en Afrique, contrairement à celle de la Chine, est surtout militaire.
La Russie est en effet un grand pourvoyeur d’armes pour les pays d’Afrique du Nord, notamment à l’Algérie, qui représente presque 80% de la facture des achats d’armes russes du continent, à l’Egypte et à la Libye, mais elle réalise aussi une percée en Afrique subsaharienne, longtemps chasse gardée des anciennes puissances coloniales (France, Royaume-Uni, etc.).
Les Russes sont donc les premiers vendeurs d’armes en Afrique, avec une part de marché de 35%: ils se placent devant la Chine (17%) et les Etats-Unis (9,6%) et ce, grâce notamment à l’Algérie, leur premier client africain et, de loin, le premier acquéreur d’armes du continent.
L’Egypte et le Nigeria sont aussi de très bons clients d’armes russes. Le continent absorbe ainsi, au total, 15% des ventes d’armes russes.
Depuis quelques années aussi, La Russie s’intéresse à l’Afrique subsaharienne avec l’installation d’experts militaires russes en Centrafrique.
En contrepartie d’un soutien militaire et sécuritaire, les russes ciblent les mines de diamant, mais aussi l’or et l’uranium centrafricain.
Le pays de Poutine a, en outre, signé une vingtaine d’accords de coopération militaire avec les pays africains –l'Egypte, la RDC, le Soudan, le Mali, le Congo, la Guinée, la Centrafrique, et bien d'autres- au cours de ces cinq dernières années.
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Outre le volet militaire, l’économie figure aussi parmi les facteurs à l’origine du nouvel intérêt russe pour le continent.
Actuellement, les échanges commerciaux entre la Russie et Afrique demeurent faibles.
Ils se sont établis à 20 milliards de dollars en 2018, en hausse de 17,2% par rapport à l’année précédente.
A titre de comparaison, ceux entre la Chine et l'Afrique dépassent actuellement la barre des 200 milliards de dollars.
C’est dire que la Russie est loin derrière d'autres puissances (tels que la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, la Turquie, ou encore la France) dans ses échanges avec l’Afrique.
Toutefois, outre ses armes, la Russie, premier exportateur mondial de blé, exporte surtout des céréales en Afrique. L’Egypte et l’Algérie figurent d'ailleurs parmi ses principaux clients africains.
Mais en matière d’investissements, les entreprises russes sont très faiblement présentes sur le continent.
Les investissements russes en Afrique s’élèvent à un peu plus de 5 milliards de dollars, un montant négligeable comparativement aux 130 milliards de dollars d’investissement de son voisin chinois.
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Parmi les entreprises russes présentes en Afrique, on trouve les géants russes tels que, par exemple, Gazprom (en Libye), Rosneft (en Egypte, au Nigeria, etc.) et Lukoil (au Ghana, au Nigeria, au Cameroun, etc.) dans les hydrocarbures, Rusal (en Guinée) dans l’aluminium, Rosatom (en Egypte) dans le nucléaire, Alrosa (en Angola) dans le diamants, Ferrum Mining (au Burkina Faso) dans le fer, Nordgold (en Afrique du Sud) dans l’or, Norilsk Nickel (à Madagascar).
C’est pour doper ces échanges et ses investissements en Afrique qu’à côté du sommet réunissant les chefs d’Etat, un forum d’affaires réunira ldes chefs d’entreprises russes à ceux du continent africain. Ces deux jours à Sotchi seront donc l’occasion pour la Russie de signer de nouveaux contrats, et d’annoncer de nouveaux partenariats lui ouvrant la voie aux riches ressources naturelles du continent.
Sur ce point, en effet, la Russie s’intéresse particulièrement aux terres et métaux rares ainsi qu'aux ressources naturelles du continent: gaz, pétrole, alumnium, diamants, etc.
«Nous sommes en train de préparer et de réaliser des projets d’investissement avec des participations russes qui se comptent en milliards de dollars», a annoncé Vladimir Poutine dans une déclaration à l’agence de presse russe Tass, hier, lundi 21 octobre.
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La Russie s'intéresse également aux concessions minières dans de nombreux pays africains, riches en ressources naturelles: Guinée, RD Congo, Angola, Mozambique, etc.
Par ailleurs, l’intérêt de la Russie pour l’Afrique est également politique.
L’Afrique, ce sont en effet 54 pays, qui votent dans les instances onusiennes. En 2014, de nombreux pays africains s’étaient abstenus de condamner l’annexion de la Crimée par la Russie, dont l’Egypte, l’Algérie, le Rwanda, le Sénégal, l’Afrique du Sud ou encore le Mali.
Pour renforcer ses relations avec le continent, la Russie peut compter sur son important corps diplomatique, présent dans 40 pays africains sur 54 pays, se positionnant juste derrière la Chine (52 ambassades), les Etats-Unis (48 ambassades) et la France (47 ambassades).
Toutefois, la Russie a du chemin à parcourir pour rattraper son voisin chinois ainsi que les autres puissances, dont les chefs d’Etat ont multiplié les visites en Afrique au cours de ces dernières années. Or, Vladimir Poutine n’a effectué que 5 déplacements en Afrique depuis qu’il est au pouvoir, dont 4 en Afrique du Nord.
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C’est en 2005 qu’il avait effectué sa première visite en Afrique, en Egypte.
L’année suivante, il avait visité deux pays maghrébin, l’Algérie et le Maroc, et, en 2008, il s’est déplacé en Libye.
De l’Afrique subsaharienne, le seul déplacement l’avait amené en Afrique du Sud.
Bref, pour accroître les échanges Russie-Afrique, Poutine doit aussi prendre son bâton de pèlerin et multiplier les déplacements pour ancrer davantage sa volonté de faire de l’Afrique un partenaire militaire, mais aussi économique, culturel, et politique.
Ce sera donc avant tout à partir du succès de ce premier sommet Russie-Afrique de Sotchi qu'on saura sur quel format, et avec quelle périodicité, cet exercice sera renouvelé à l’avenir.